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Article | 03/06/2020

Le Mont-Saint-Michel et sa baie, une longue histoire géologique

03/06/2020

Théo Marchand

Professeur de SVT, Lycée René Cassin, Gonesse (95)

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les roches (leucogranites, granodiorites, schistes) dans les paysages de la baie du Mont-Saint-Michel, leurs relations géométriques et chronologiques, et leur contexte géodynamique de mise en place.


Le Mont-Saint-Michel, vu depuis le continent

Le Mont-Saint-Michel est un monument français du département de la Manche, en Normandie. C'est un lieu d'une très grande valeur culturelle, historique, et patrimoniale. Une première église est construite sur le mont dès 709 et l'ouvrage est régulièrement agrandi et modifié depuis, aboutissant aujourd'hui à une architecture très impressionnante, tant pour son abbaye que pour son village. En 1979, le mont est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce lieu reçoit aujourd'hui 2,5 millions de visiteurs par an et jusqu'à 20 000 visiteurs par jour en période estivale.

Ce rocher posé au milieu de la baie et séparé du continent à marée haute n'en finit pas d'émerveiller les touristes et les artistes. Mais un géologue de passage ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'origine géologique de ce paysage hors du commun.

Le Mont-Saint-Michel fait l'objet de trois articles.

  • Ce premier article est consacré à un tour d'horizon géologique de la baie, présentant le cadre général et recomposant l'histoire de la mise en place de ce paysage. Il traite de la baie sur de longues échelles de temps géologiques.
  • Le deuxième article (Le Mont-Saint-Michel et sa baie, une histoire sédimentaire entre terre et mer) s'intéresse aux problématiques d'érosion et de sédimentation de la baie. Il traite des échelles moyennes de temps géologiques et des problématiques actuelles de gestion de l'ensablement du littoral.
  • Enfin, le troisième article (Le Mont Saint-Michel et sa baie, au rythme des marées) est consacré aux phénomènes de marées et notamment au célèbre phénomène de “mascaret” de la baie, lorsque l'onde de marée remonte dans les terres. Il s'agit donc de se pencher sur les très courtes échelles de temps.

Dans ce premier article, nous présenterons le cadre géologique général de la baie du Mont,-Saint-Michel et l'histoire de la mise en place du paysage à grande échelle. Toutes les photographies de cet article ont été prises en octobre 2019.

Roches et paysages

Le Mont-Saint-Michel et ses frères géologiques

En observant le Mont-Saint-Michel de loin, on voit qu'il s'agit d'un rocher constitué d'une roche relativement claire, ne présentant aucun débit particulier, (ni stratification, ni schistosité) (voir la figure 1, à la base du mont, entre les remparts). En s'approchant, on identifie rapidement cette roche : il s'agit d'un granite typique, parfois recoupé de filons de quartz. La faible proportion en éléments ferro-magnésiens visibles (< 5%) en fait un leucogranite.

La feuille BRGM au 1/50 000 de la baie du Mont-Saint-Michel précise sa composition : feldspaths potassiques majoritaires, associés à des plagioclases sodiques, de la muscovite, de la biotite chloritisée, de la cordiérite altérée et de l'andalousite rare. La biotite, la muscovite l'andalousite et la cordiérite sont des minéraux riches en aluminium, formés lorsque le magma présente un excès d'aluminium. Les analyses chimiques confirment un fort taux d'aluminium (rapport Al/(2Ca + Na + K), ou rapport A/CNK > 1), ce qui le classe parmi les granites peralumineux (cf. Il ne faut pas confondre granite et granite).

Tableau 1. Composition chimique et classification du granite du Mont-Saint-Michel

Élément

Proportion moyennée

sur 4 échantillons (%)

Rapport Al / (2Ca + Na + K),

ou rapport A/CNK

Classification

Al2O3

13,98

1,04

A/CNK > 1,

il s'agit donc d'un

granite peralumineux

CaO

3,0

Na2O

3,26

K2O

4,1

Analyse chimique d'après Fouillac et al. (1986) dans la Notice explicative de la feuille baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000, classification reprenant la terminologie décrite dans Il ne faut pas confondre granite et granite.


Le rapport A/CNK est très légèrement supérieur à 1. Ce granite est donc un granite peralumineux. Associé à sa nature de leucogranite à muscovite et biotite, on peut l'identifier définitivement comme étant un MPG (Muscovite Peraluminous Granite).

La richesse en aluminium des granites peralumineux indique que le magma ayant cristallisé était issu de la fusion d'un protojithe comprenant des roches sédimentaires, riches en aluminium (c'est-à-dire riches en argiles). Ces granites sont d'ailleurs appelés granites “S” pour “Sédiment”. La présence de roches sédimentaires dans le matériau fondu incite à penser que le magmatisme a eu lieu dans une zone où des sédiments se sont retrouvés entrainés en profondeur, puis que le magma s'est retrouvé assez proche de la surface puisqu'intrusif dans une formation, le Briovérien b2SG, peu ou pas métamorphique comme indiqué sur les cartes géologiques des alentours, et aujourd'hui dégagé par l'érosion. De fait, les granites peralumineux sont souvent interprétés comme des granites d'anatexie témoins de zones de collision.

Dans son article Il ne faut pas confondre granite et granite, J.-F. Moyen décrit les granites MPG ainsi : « Ils forment en général de petits massifs de quelques kilomètres au maximum ; ce sont des magmas de relativement basse température, formés par fusion en présence d'eau de roches sédimentaires. » Cette description de petits massifs s'accorde parfaitement avec la structure visible du Mont-Saint-Michel.

Lexique

  • Leucogranite : granite leucocrate (de couleur claire) contenant moins de 5 % de minéraux sombres (ferro-magnésiens).
  • Peralumineux (granite) : riche en aluminium ; rapport Al / (2Ca + Na + K) > 1. Minéraux typiques : biotite, muscovite, cordiérite, grenat, tourmaline.
  • Granite de type S : granite peralumineux des zones de collision. Subdivision en deux catégories : granite à cordiérite (CPG) et à muscovite (MPG).
  • MPG (Muscovite Peraluminous Granite) : leucogranite S à deux micas (biotite et muscovite).
  • Anatexie : fusion partielle de matériel crustal pré-existant, la plupart du temps métamorphique, plus rarement magmatigue, sous l'effet d'une élévation de la température et/ou d'une baisse de pression.
Le granite du Mont-Saint-Michel, visible à l'entrée du mont

Le granite du Mont-Saint-Michel, visible à l'entrée du mont

Figure 3. Le granite du Mont-Saint-Michel, visible à l'entrée du mont

Les feldspaths sont très blancs sur le bloc de gauche, plus rosés sur le bloc de droite.


Le granite du Mont-Saint-Michel, visible à l'entrée du mont

Figure 4. Le granite du Mont-Saint-Michel, visible à l'entrée du mont

On distingue une forte proportion de feldspaths (environ 75 %), un peu de quartz (20 %), et des micas (< 5 %). Des lichens et des mousses se développent sur le rocher. La composition faible en éléments ferro-magnésiens (< 5 %) permet d'identifier un leucogranite.


Le granite du Mont-Saint-Michel

Figure 5. Le granite du Mont-Saint-Michel

Le granite est recoupé par des filons de quartz, parallèles les uns aux autres.


Les bâtiments du Mont-Saint-Michel

Figure 6. Les bâtiments du Mont-Saint-Michel

Les constructions les plus anciennes de l'abbaye ont été réalisées au Xe siècle en utilisant le leucogranite du mont. Les édifices postérieurs à la donation des îles Chausey (archipel situé à 25 km en mer) vers 1022, ont été réalisés en utilisant du granite provenant des carrières de cet archipel (communication François Saint-James, chargé d'action culturelle, Abbaye du Mont-Saint-Michel).


Affleurement du granite du mont dans l'abbaye du Mont-Saint-Michel

Figure 7. Affleurement du granite du mont dans l'abbaye du Mont-Saint-Michel

À certains endroits de l'abbaye, le rocher granitique a été mis en scène par les architectes. Ici, dans la crypte “Notre-Dame des 30 cierges”, construite vers 1030, le rocher a été théâtralisé par les bâtisseurs romans. Cette “théâtralisation” du socle rocheux est contemporaine du récit d'un miracle évoquant l'interdiction faite aux pèlerins de prélever un fragment du rocher en souvenir de leur venue au mont (communication François Saint-James, chargé d'action culturelle, Abbaye du Mont-Saint-Michel).


À 2,7 km au Nord du Mont-Saint-Michel se trouve son frère jumeau : Tombelaine. Bien que moins impressionnant, il s'agit également d'un affleurement de leucogranite, au milieu de la baie. Enfin, mais sur le continent cette fois-ci, existe le Mont-Dol, également constitué du même type de leucogranite. Ces trois massifs de leucogranite ont la signification d'inselbergs (cf., par exemple, L'inselberg du Voltzberg, Suriname) comme l'explique la notice de la carte géologique de la baie du Mont-Saint-Miche : « Ainsi le Mont-Saint-Michel, et les deux autres pointements rocheux en inselberg (Tombelaine et Mont-Dol) qui se dressent au milieu de la baie, s'expliquent aisément par une plus grande résistance à l'érosion des leucogranites par rapport à l'encaissant schisteux briovérien. »

Vue de Tombelaine depuis le Mont-Saint-Michel

Figure 8. Vue de Tombelaine depuis le Mont-Saint-Michel

Tombelaine est également un affleurement de leucogranite.


Le Mont-Dol vu en direction du Nord

Figure 9. Le Mont-Dol vu en direction du Nord

Le Mont-Dol est également composé de leucogranite.


Le Mont-Dol vu en direction du Nord, avec le fond de carte géologique au 1/50 000

Figure 10. Le Mont-Dol vu en direction du Nord, avec le fond de carte géologique au 1/50 000

Le Mont-Dol est également composé de leucogranite. Les b2K en gris sont des cornéennes. Le filon dβ en vert foncé est constitué de dolérites à composition basaltique. Le filon de dolérite recoupe les leucogranites et les cornéennes. Les cornéennes sont des roches ayant subi un métamorphisme de contact. On peut donc reconstituer la chronologie d'évènements suivants : présence d'une roche originelle métamorphisée en cornéennes lors de l'intrusion d'un magma donnant les leucogranites. Un filon de dolérite recoupe ensuite ces structures.


Les trois monts de leucogranite de la baie du Mont-Saint-Michel

Figure 11. Les trois monts de leucogranite de la baie du Mont-Saint-Michel

Le Mont-Saint-Michel et Tombelaine sont situés au cœur de la baie ; le Mont-Dol est situé dans les terres, plus à l'Ouest-Sud-Ouest.


Les roches du socle

Le socle de la région est majoritairement composé de schistes visibles en plusieurs affleurements. Sur la carte géologique du BRGM de la baie du Mont-Saint-Michel, ils sont décrits comme constituant « le substrat rocheux encadrant la baie du Mont-Saint-Michel. » Leur âge est estimé entre 570 et 540 Ma. Au contact de plutons granodioritiques, ces schistes ont subi un métamorphisme de contact ayant donné des schistes tachetés et des cornéennes. La présence de ces schistes en profondeur dans la baie, jouant le rôle de substratum, a été confirmée par des sondages et des profils sismiques effectués par EDF pour un projet d'usine marémotrice (cf. Notice explicative de la feuille baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000).

Lexique

  • Granodiorite : roche magmatique plutonique, phanéritique (cristaux visibles à l'œil nu) constituée essentiellement de quartz, de felpspath avec plus de plagioclase que d'orthose, avec un peu de biotite ou d'amphibole.
  • Cornéenne : roche métamorphique dure, compacte, quelle que soit la taille de grain, majoritairement composée de silicates et de minéraux opaques en proportions variables. La patine et la cassure sont cornées. Une cornéenne peut garder certaines structures de son protolithe, comme le litage, des laminations sédimentaires ou un litage métamorphique. Les cornéennes se retrouvent généralement dans les auréoles de métamorphisme de contact autour de plutons.
  • Schiste tacheté : roche argileuse dont l'apparence tachetée résulte de la croissance naissante de porphyroblastes (grands cristaux métamorphiques) souvent en réponse à un métamorphisme de contact de faible ou moyenne intensité.
  • Dolérite : roche magmatique basique très peu vitreuse, de structure intermédiaire entre celle, microlitique, d'un basalte et celle, grenue, d'un gabbro. Cette roche magmatique a cristallisé plus lentement qu'un basalte, généralement dans des filons en milieu continental ou océanique ; ses grains sont fins mais observables à la loupe.
Affleurement de schistes briovériens

Figure 12. Affleurement de schistes briovériens

Photo prise à Beauvoir, à moins de 5 km au Sud du Mont-Saint-Michel.


Les schistes briovériens vus de plus près

Figure 13. Les schistes briovériens vus de plus près

Photo prise à Beauvoir, à moins de 5 km au Sud du Mont-Saint-Michel. Zoom de la figure précédente. La nature schisteuse et altérée de cet affleurement est évidente. La schistosité est quasi-verticale.


Affleurement de schistes briovériens sur la côte Nord de la baie du Mont-Saint-Michel, depuis la pointe du Grouin

Carte géologique simplifiée de la baie du Mont-Saint-Michel

Figure 15. Carte géologique simplifiée de la baie du Mont-Saint-Michel

On y retrouve en particulier les leucogranites des Monts Dol, Saint-Michel et Tombelaine, et le socle de schistes briovériens en vert clair. Les auréoles de métamorphisme (schistes tachetés et cornéennes en vert foncé) attestent du fait que la présence du socle briovérien est antérieure à l'apparition des plutons de granodiorites représentés en rose, eux-mêmes recoupés par des filons de dolérite. Une faille majeure orientée SW-NE témoigne d'un grand accident tectonique.


Coupe géologique de la baie du Mont-Saint-Michel

Figure 16. Coupe géologique de la baie du Mont-Saint-Michel

La nature schisteuse du socle sous la baie a été confirmée par des sondages et des profils sismiques.


Histoire géologique

Exercice de chronologie relative, déduite des informations de terrain

Résumons ce que nous avons vu de la chronologie relative de la région.

Le socle de la baie est constitué de schistes briovériens. Ce sont des sédiments briovériens tectonisés (acquisition d'une schistosité) et légèrement métamorphisés. Ces schistes ont subi un métamorphisme de contact (faciès cornéennes) lors de la mise en place des leucogranites intrusifs du Mont-Dol (figure 10). Sur la base de leur unité pétrologique et structurelle, on peut faire l'hypothèse que le Mont-Dol, le Mont-Saint-Michel et Tombelaine ont la même origine et que leur mise en place est synchrone. Ces leucogranites n'étant pas schistosés, ils sont postérieurs à la tectonique qui a affecté les terrains briovériens. De plus, ils sont recoupés (en particulier le Mont-Dol, en figure 10) par des filons de dolérite.

Ces schistes briovériens ont également subi un important métamorphisme de contact (schistes tachetés et cornéennes) lors de l'intrusion de grands plutons granodioritiques (en rose sur la figure 15). On peut voir, toujours sur la figure 15, que ces massifs de granodiorites, non schistosés, sont eux-mêmes recoupés par des filons de dolérite.

En supposant que tous les filons de dolérites sont synchrones, on peut se demander si les massifs granodioritiques sont antérieurs, synchrones, ou postérieurs aux monts leucogranitiques. En l'absence d'indice supplémentaire, il est nécessaire d'avoir recours à des datations absolues pour trancher.

On peut donc proposer la chronologie relative suivante (du plus ancien au plus récent) :

  • Sédimentation briovérienne > Tectonisation (acquisition de la schistosité) > [Granodiotites – Leucogranites] > Dolérites

Des datations absolues des granodiorites, leucogranites et dolérites, vont pouvoir préciser cette chronologie, et confirmer ou infirmer les hypothèses d'unité temporelle des leucogranites entre eux, des granodiorites entre eux, et des filons de dolérite.

L'apport des datations absolues

Avec les données présentes dans la Notice explicative de la feuille baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000, on peut proposer les datations suivantes :

  • vers 600 Ma, sédimentation du Briovérien ;
  • vers 570 Ma,orogenèse cadomienne (panafricaine) et acquisition de la schistosité ;
  • vers 540 Ma, mise en place des granodiorites tardi-cadomiennes ;
  • vers 520 Ma, mise en place des leucogranites tardi-cadomiens ;
  • vers 330 Ma, mise en place des filons de dolérite tardi-hercyniens.

Nos hypothèses sont donc validées, et on sait désormais que les granodiorites sont légèrement antérieures aux leucogranites des trois monts.

Frise chronologique de la mise en place des terrains de la baie du Mont-Saint-Michel

Figure 17. Frise chronologique de la mise en place des terrains de la baie du Mont-Saint-Michel

Les âges sont donnés en Ma, et l'incertitude temporelle des formations a été représentée par une bande de couleur. On remarque que la plupart des terrains sont mis en place lors d'une période relativement courte : entre 570 et 510 Ma. La mise en place de ces terrains est chronologiquement à l'intersection entre fin de cycle cadomien et début de cycle calédonien (défini en Écosse), mais est géographiquement et géodynamiquement rattachée aux terrains et cycle cadomiens.


Extrait de la carte géologique de la France au 1/1 000 000

Figure 18. Extrait de la carte géologique de la France au 1/1 000 000

On retrouve les massifs de granodiorites (notés 3), les monts de leucogranite (notés 5), les schistes briovériens (b2) et les filons de dolérite en rouge. On y retrouve les principales informations précédemment citées.


On peut maintenant tenter d'expliquer l'origine de ces formations.

Reconstitution du contexte géodynamique

Les schistes briovériens ont une origine sédimentaire et sont interprétés comme étant des métasédiments terrigènes déposés au cours du cycle cadomien.

Nous avons déjà dit que les leucogranites peralumineux des trois monts provenaient très vraisemblablement de la fusion de sédiments en présence d'eau dont le magma a cristallisé lentement. Ces leucogranites peralumineux (MPG) sont caractéristiques des zones de collision.

Des études géochimiques et isotopiques ont montré que les massifs de granodiorite (en rose sur la figure 13) sont eux-aussi d'origine crustale. De plus, il semble que les leucogranites et les granodiorites soient issus de la fusion de deux sources proches mais distinctes (Fouillac et al, 1986 dans Notice explicative de la feuille baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000).

Ces intrusions granitiques d'anatexie indiquent donc un contexte de collision. Ces massifs cristallins sont interprétés comme des témoins de la fin de l'orogenèse cadomienne. Toute la zone de la baie du Mont-Saint-Michel est interprétée comme la bordure Nord du paléocontinent Gondwana, subissant une collision cadomienne au Nord avec un arc insulaire formé par subduction. La faille visible en figure 13 serait un accident cadomien majeur lié à un chevauchement du bloc Nord vers le Sud. Cette faille aurait ensuite rejoué lors des orogenèses et des évènements tectoniques ultérieurs.

Pour un rappel sur les évènements tectoniques calédoniens (sans effet dans la région) et varisques, consulter Le magmatisme des Vosges septentrionales, traceur de l'évolution géodynamique d'un segment de la chaine varisque – Généralités.


Hormis l'apparition des filons de dolérite au Carbonifère supérieur lors de l'extension crustale qui ouvre les bassins carbonifères armoricains, l'ensemble a été assez peu affecté par le cycle hercynien.

Enfin, l'érosion a principalement affecté les schistes briovériens, dégageant les monts de leucogranite : Mont-Saint-Michel, Mont-Dol et Tombelaine, donnant au paysage l'aspect qu'on lui connait aujourd'hui.

Lexique

  • Cadomien  : cycle orogénique de la fin du Néoprotérozoïque au Cambrien (650 – 550 Ma) ; localement il consiste en une subduction océanique sous le continent Gondwana qui résulte en la formation d'un arc insulaire, le tout suivi d'une collision. À ce terme local (Cadomus = Caen) on préfèrera le terme plus général de panafricain.
  • Calédonien : cycle orogénique du Cambrien au Silurien (541 – 420 Ma) ; affrontement des continents Laurentia, Baltica et Avalonia qui résulte en la formation du continent Laurussia. Cette collision n'a quasiment aucun effet dans la région du Mont-Saint-Michel, où la mise en place des leucogranites, bien que d'“âge calédonien” est à rattacher au cycle cadomien.
  • Varisque (synonyme Hercynien) : cycle orogénique du Dévonien au Carbonifère (420 – 300 Ma) ; affrontement des continents Laurussia, Gondwana et des microblocs Armorica et Léon, qui résulte en la formation du supercontinent Pangée.
Mise en place de la structure et du paysage de la baie du Mont-Saint-Michel

Figure 20. Mise en place de la structure et du paysage de la baie du Mont-Saint-Michel

La plupart des mécanismes proposés sont purement hypothétiques.


Localisation du Mont-Saint-Michel à l'échelle de la France

Remerciements

Je remercie M. François Saint-James (chargé d'action culturelle au Centre des monuments nationaux pour l'Abbaye du Mont-Saint-Michel) qui a répondu avec professionnalisme et gentillesse à mes questions sur la géologie de l'Abbaye du Mont-Saint-Michel. Merci également à l'écomusée de la baie du Mont-Saint-Michel (route du Grouin du Sud, 50300 Vains) pour m'avoir permis d'utiliser des photos de son exposition. Merci à Thibault Lorin pour sa relecture et ses suggestions.

Liens aux programmes de SVT (2016-2020)

  • Cycle 3 : identifier les composantes géologiques d'un paysage.
  • Seconde : érosion / sédimentation et étude du paysage.
  • Première, option SVT : croûte continentale hétérogène du point de vue de la pétrologie mais avec une prédominance des granites.
  • Terminale, option SVT : Datations relatives et absolues, reliquats d'anciennes chaines de montagne.

Bibliographie

Écomusée de la baie du Mont Saint-Michel, Vains – Département de la Manche

A. Chomer, S. Courbouleix, J. Chantraine, ,J.P. Deroin, 1999. Notice explicative de la feuille baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000, Éditions du BRGM, 186p

Carte géologique de la France au 1/1 000 000, 2006, BRGM

J.-F. Moyen, 2011. Il ne faut pas confondre granite et granite, Planet-Terre - ISSN 2552-9250

P. Thomas, A.-M. Gonzales, 2003. Qu'est-ce qu'une dolérite ?, Planet-Terre - ISSN 2552-9250