Image de la semaine | 07/01/2013
L'inselberg du Voltzberg, Suriname
07/01/2013
Résumé
Érosion différentielle et développement d'inselbergs sous climat tropical humide.
Les inselbergs, nommés ainsi d'après le mot allemand qui signifie « montagne île » correspondent à des montagnes isolées, avec la roche à nu, dépassant de plusieurs dizaines à centaines de mètres les plaines environnantes, sans que la raison de la présence d'un tel relief soit évidente. Les inselbergs ne sont pas des "giga cheminées de fée" ; il n'y a pas de roches ou de couches protectrices dures à leur sommet. L'inselberg du Voltzberg s'élève en pleine forêt équatoriale humide. Nous avons déjà vu un inselberg en zone sèche (l'inselberg des Three Sisters en Afrique du Sud) et nous en verrons un autre la semaine prochaine. L'origine de tels reliefs n'est pas toujours claire. La majorité des inselbergs sont constitués de granite, mais pas tous (il y en a en grès, en conglomérat…). Quand il s'agit de granite, l'inselberg correspond parfois à l'intrusion elle-même, de petite taille et plus dure que l'encaissant. On comprend alors pourquoi l'intrusion est mise en relief par l'érosion. Mais ici, comme souvent, inselberg et environs sont constitués de la même roche, un granite protérozoïque "banal", en l'occurrence.
Nous avons vu récemment à quoi ressemblaient les sols de la région Guyane-Suriname. La pédogenèse y est intense, et la roche mère est altérée sur une grande épaisseur, à cause de l'importante pluviométrie et du mauvais drainage dans les plaines. Tout ce qui se trouve sous la forêt de la région, en particulier autour de l'inselberg, doit être altéré de la même façon. L'eau stagnant dans ces plaines basses et plates, la zone altérée augmente d'épaisseur au cours du temps. L'inselberg par contre est fait de roche nue. L'eau des pluies journalières ruisselle sur la roche, mais n'a pas le temps de l'altérer avant de sécher. S'il y a reprise d'érosion régionale pour une raison ou pour une autre (incendie de forêt, sécheresse dégradant la forêt…), l'érosion sera très importante là où le sol, meuble, était épais, mais sera très faible là où la roche nue, dure, était à l'affleurement. L'érosion plus forte au niveau des zones basses que des reliefs augmentera l'écart d'altitude entre les points hauts et les points bas. Quand la forêt se reconstituera dans les zones basses, la pédogenèse reprendra, et une érosion différentielle pourra avoir lieu une nouvelle fois. Et ainsi de suite. Dans les endroits et les époques où il y a alternance d'épisodes de pédogenèse sans érosion puis d'érosion, un écart d'altitude entre (1) des zones légèrement élevées et avec peu de sol et (2) des zones basses avec beaucoup de sol ne peut qu'augmenter, et former ainsi des inselbergs. Il reste à savoir ce qui a initié le phénomène en créant, au départ, des zones un peu plus hautes et moins altérées. Une roche légèrement plus dure, parce que légèrement silicifiée, par exemple ? Une roche moins diaclasée, ou avec des diaclases dont l'orientation ne permet pas la pénétration de l'eau ? Il y a sans doute de multiples causes pour faire démarrer le phénomène, qui s'amplifiera alors de lui-même si les conditions sont favorables.
Dans le cas des inselbergs du Suriname et de Guyane, les périodes de pédogenèses intenses correspondraient aux périodes interglaciaires (comme maintenant) avec un important couvert forestier et une pédogenèse intense. Les périodes d'érosion correspondraient aux périodes glaciaires, plus sèches en Amazonie, où la forêt était remplacée par de la savane et où l'érosion était active, en particulier là où le sol était épais.