Image de la semaine | 06/12/2021
Les migmatites et le métamorphisme panafricains (cadomiens) de la région de Saint-Malo (Ille et Vilaine)
06/12/2021
Résumé
Gneiss et métasédiments non fondus, et migmatites résultant de leur anatexie légère (métatexites) à très marquée (diatexites).
Nous avions vu, il y a un certain temps, ce qu'étaient les migmatites (cf. par exemple, Les migmatites, témoins de la fusion partielle de la croûte continentale et Les migmatites micro-plissées de la Sand River, Afrique du Sud). Les migmatite, du grec μιγμα (migma) signifiant “mélange“, correspondent à un ensemble qui, à l'échelle de l'affleurement et non du petit échantillon isolé, est un mélange de roches de type granite et de gneiss ou micaschistes. Leur genèse est liée à une fusion partielle (= anatexie) de roches de type gneiss ou micaschistes, roches typiques de la croute continentale. Certaines parties de la roche fondent partiellement ; les liquides ainsi formés se rassemblent en “lentilles” qui constituent alors le mobilisat (= leucosome), faites de magma solidifié de composition granitique. Les fractions de la roche initiale qui n'ont pas fondu lors de la fusion partielle,qui sont restées solides mais qui ont “perdu” leur fraction fondue, constituent le restat (ou restite = mélanosome) particulièrement riche en minéraux ferromagnésiens sombres, principalement de la biotite. Certains secteurs locaux de l'affleurement peuvent ne pas avoir subi la moindre fusion partielle et correspondent alors aux gneiss et/ou aux micaschistes initiaux. Les limites entre secteurs non fondus et restites sont souvent très difficiles à faire. Les migmatites où la fusion partielle laisse encore bien voir la structure initiale (comme dans les figures 1 à 3) sont appelées « métatexites ». Les migmatites ou la fusion partielle est plus importante, où du granite a largement envahi la migmatite et où la structuration initiale est très perturbée, voire quasiment effacée sont appelées « diatexites ». Tous les intermédiaires existent. On peut passer en continu d'une diatexite “avancée” à un granite.
En parcourant la côte entre Saint-Malo, Dinard et Sant-Briac-sur-Mer, on peut observer tous les stades de la migmatitisation, de métatexites à peine débutantes à des diatexites “avancées”. Avec les figures 5 à 9, nous verrons un autre secteur de la “promenade” de la Pointe de la Malouine à Dinard. Puis, avec les figures 10 à 14, nous illustrerons un autre secteur de la côte, l'ile de La Dame Jouanne à Saint-Briac-sur-Mer, 6 km à l'Ouest de Dinard, secteur où la fusion partielle est plus poussée (diatexites).
Les migmatites qu'on voit à Dinard datent du Protérozoïque supérieur (600 à 550 Ma), et les évènements hercyniens sont discrets, mais non absents. Toute la série est en effet recoupée par des filons de dolérites (roches hypovolcaniques basiques) âgées de 330 Ma (Carbonifère inférieur).
Les migmatites de Saint-Malo sont limitées au Sud-Est par une faille, qui sépare ces migmatites de gneiss n'ayant pas subi de fusion partielle. Ces gneiss sont des métasédiments et des métavolcanites d'âge briovérien inférieur (le Briovérien est le nom local du Protérozoïque supérieur, qui recouvre les étages “internationaux” de l'Édiacarien et du Cryogénien, entre 670 et 540 Ma). Ce métamorphisme, date, comme la fusion des migmatites de Saint-Malo, de l'orogenèse panafricaine (ou cadomienne, du nom de la ville de Caen). On peut voir ces gneiss non migmatitiques en particulier sur la page de Saint-Suliac.
Le Massif Armoricain est un fragment de la chaine varisque (ou hercynienne), voir La chaine varisque en France, un édifice multi-collisionnel et poly-cyclique / Introduction et les articles de cette synthèse sur l'orogenèse varisque. Les évènements paléozoïques (ouvertures au début du Paléozoïque, puis subductions et collisions jusqu'au Carbonifère) ont presque complètement oblitéré et rendu peu lisible la géologie pré-paléozoïque de la France. Le centre et le Nord du Massif Armoricain sont une exception notable. La tectonique et le métamorphisme varisques ont relativement épargné un “bloc” (le « bloc cadomien ») où les déformations varisques, bien que présentes, y sont suffisamment modérées pour qu'on puisse reconnaitre, étudier et reconstituer ce qu'était l'Armorique pré-varisque. Ce bloc cadomien a été structuré par des subductions et des collisions de blocs par des mouvements néo-protérozoïques, de 750 à 540 Ma. Ces subductions et collisions de blocs (appelés terranes, en anglais) se sont produites en bordure du supercontinent Pannotia (la Pangée pannotienne) qui s'est formé par une série de collisions, collisions regroupées sous le nom d'orogenèse panafricaine. Et ces évènements panafricains (cadomiens) laissent voir une histoire géologique encore plus vieille, en particulier une histoire icartienne (2,2 à 1,8 Ga).
C'est avec des affleurements du type de ceux de Dinard, de l'ile de La Dame Jouanne ou de Saint-Suliac que les géologues ont pu reconstituer l'histoire de l'orogenèse cadomienne en Centre et Nord Armorique. Reconstituer cette histoire n'aurait pas sa place dans cette “image de la semaine”. Cette histoire est résumée dans une figure de la notice de la carte géologique à 1/50 000 de la baie du Mont-Saint-Michel (fig. 9, p. 66).
Ces subductions et collisions de petits blocs (terranes) à l'origine de la chaine cadomienne visible en Centre et Nord Armorique se sont produits en bordure du supercontinent Pannotia (la Pangée pannotienne) qui s'est formé par une série de collisions, collisions regroupées sous le nom d'orogenèse panafricaine. Reconstituer la formation de la Pannotia n'a pas sa place dans cet article. Nous ne montrerons ici qu'une reconstitution de cette Pannotia permettant de localiser le bloc cadomien.
Source - © 2020 Michel Faure, modifié
Merci à Pierre Jegouzo de la SGMB (Société Géologique et Minéralogique de Bretagne) et de l'Université de Rennes de m'avoir fait découvrir la géologie de la région de Saint-Malo lors d'un weekend passé en Bretagne pour y donner une conférence à l'occasion de la Fête de la Science 2021.