Image de la semaine | 05/09/2022
Sur les traces des « terribles reptiles » du désert de Gobi (Mongolie)
05/09/2022
Résumé
Empreintes fossilisées (ichnofossiles) de dinosaures en Mongolie.
Les dinosaures sont apparus dans la littérature en 1842 sous le groupe des Dinosauria, terme introduit par Richard Owen (1804-1892). Le terme est tiré de deux racines grecques qui signifient « terrible reptile ». Ils avaient été découverts bien plus tôt en Chine dès la dynastie Jin (1125-1234) et peut être même chez les Han (−206 à 220). Les « os de dragon » (long gu) étaient et restent encore aujourd'hui un élément essentiel de la pharmacopée chinoise qui les utilise notamment pour « apaiser l'esprit » et « se débarrasser des fantômes ».
Source - © 2009 D'après Ischigaki et al. [6]
Comment une empreinte devient-elle un fossile ? Les empreintes fossilisées, appelées ichnites ou ichnofossiles, se sont formées de la même manière que nos empreintes de pieds sur un sol mou, comme la boue. Mais plutôt que d'être effacées, les traces ont survécu pendant des millions d'années. La grande majorité des traces ne sont pas fossilisées, elles sont détruites peu de temps après leur création. Les traces peuvent être effacées par l'érosion de l'eau, le vent, etc. Il faut des conditions particulières, par exemple un recouvrement non destructeur (comme une inondation “douce”, c’est-à-dire sans courant qui effacerait les traces) suivi d’un rapide dépôt d’un sédiment fin, pour que les empreintes soient protégées lorsque les sédiments meubles se transforment en roche, et puissent se fossiliser. C’est avec des processus similaires que peuvent se fossiliser des fentes de dessiccation. Comme la plupart des empreintes sont faites dans des sédiments humides, elles sont souvent conservées près des plans d'eau ou dans des zones où l'eau est peu profonde, comme les lits des lacs ou les berges des rivières. Cependant, les traces peuvent également être préservées lorsque les animaux marchent sur des dunes de sable humidifiées par la rosée.
Les empreintes fossiles renseignent les paléontologues sur :
- La piste animale originale (foulée, rythme, etc.).
- Le fossile de l'empreinte réelle.
- L'indentation laissée par le pas d'un animal dans un sédiment mou (appelé la vraie trace – Figure 3A). Parfois, des détails comme les empreintes de peau sont préservés dans les vraies traces.
- Les couches de sédiments situées sous la couche de la « vraie piste » sur laquelle l'animal a marché sont également identifiables. La bosse dans ces sédiments causée par la pression du poids de l'animal est appelée une sous-trace (Figure 3A).
- Les sédiments qui remplissent une empreinte originale (vraie piste) et se lithifient (durcissement de la roche) représentent un moulage naturel de la piste (natural cast en anglais).
Source - © 2018 D'après S. Ulziitseren [13], modifié
Les traces fossiles peuvent fournir différents types d'informations sur la vie des animaux qui les ont créées. En examinant la forme des traces, les chercheurs découvrent les caractéristiques des pieds de l'animal qui les a laissées. En mesurant les pistes (séries d'au moins trois traces consécutives), les chercheurs découvrent la posture des animaux et leur façon de se déplacer (Figure 3B). Et en analysant plusieurs pistes, les chercheurs peuvent trouver des indices sur la façon dont les animaux interagissaient entre eux. Les paléontologues mesurent plusieurs caractéristiques différentes des empreintes fossiles. La longueur et la largeur d'une trace ainsi que la longueur des empreintes des doigts (doigts ou orteils) fournissent des données de base sur la morphologie (forme et structure) du pied. D'autres mesures sont effectuées sur les pistes, notamment le pas, la foulée, la largeur de la piste et l'angle du pas. Le pas est la distance entre deux traces consécutives (gauche et droite). La foulée est la distance entre deux traces faites par le même pied. La largeur de la piste est, comme son nom l'indique, la mesure de la largeur totale de la piste. L'angle de pas est l'angle entre deux longueurs de pas consécutives (Figure 3C et Figure 4). Ces mesures offrent une information sur la posture et la vitesse de l'animal qui fait des traces. Par exemple, les animaux qui font des traces avec des pas relativement courts et des enjambements larges ont généralement une posture étalée et se portent près du sol, comme les lézards et les crocodiliens.
Par ailleurs, la reconstitution des environnements de fossilisation permet de reconstituer les paléo-environnements (Figure 6).
Source - © 1993 D'après Jerzykiewicz et al. [7], modifié
Le site à traces de dinosaures de Shar Tsav (Shar Tsav Dinosaur track site) (N43°3′19″–E107°47′08″), à 600 km au Sud-Sud-Est d’Oulan-Bator, est situé dans le soum (district) de Manlai de la province d'Umnugobi. Le site a été découvert le 31 juillet 1995 par des chercheurs mongols et japonais. Une expédition conjointe menée en 1996 sur le terrain a révélé plus de 2 800 empreintes de dinosaures. Des recherches détaillées effectuées en 2001 et 2010 ont révélé plus de 18 000 empreintes de pas et traces de quatre ou cinq types de dinosaures herbivores et carnivores. Il s'agit donc d'un site patrimonial paléontologique unique qui laisse entendre que les dinosaures vivaient en groupes. Un aménagement permet aux visiteurs d’observer des ripple marks, des empreintes de dinosaure fossilisées, un chemin de trace de dinosaure et le squelette incomplet d'un dinosaure herbivore géant.
Le site est reconnu comme un site important d'empreintes de dinosaures. La lithologie du site consiste en une alternance de grès grossier, blanc et de sable. L'âge de la localité de Shar Tsav n'est pas clair. Comme des squelettes d'Avimimus ont été trouvés dans Shar Tsav Ouest, provisoirement, il est attribué l'âge local du Nemegtien (formation du Nemegt, Crétacé supérieur - Maastrichtien).
Source - © 2018 D'après S. Ulziitseren [13], modifié
Les empreintes de forme ovale ou ronde (photo précédente) sont courantes à Shar Tsav. Bien que ces empreintes soient mal conservées, les chercheurs ont pu identifier cinq empreintes d'orteils émoussés sur l'une des empreintes en forme de demi-lune. D'après les paléontologues, le seul animal qui pourrait avoir laissé ces types d'empreintes est le dinosaure blindé ankylosaure.
Malheureusement, de nombreux sites de dinosaures ont été pillés par les braconniers (poaching). En effet, l'histoire naturelle et en particulier les dinosaures et les météorites ont été mis en valeur dans les salles des ventes, ce qui a provoqué un engouement pour ces objets, chacun voulant se constituer un cabinet de curiosité.
Heureusement, la Mongolie, qui a été largement pillée, a demandé la restitution des objets d'histoires naturelles illégalement extraits de son sol. C'est ainsi que l'acteur Nicolas Cage a été obligé de rendre “son” tyrannosaure acheté 267 000 dollars et confisqué par la justice américaine. Il avait été sorti illégalement de Mongolie. L'acteur jubilait en 2007 d'avoir coiffé Leonardo DiCaprio au poteau, et emporté l'enchère.
Pour ceux qui n’auraient pas la possibilité d’aller dans le désert du Sud de la Mongolie, rappelons qu’il y a de belles pistes des dinosaures en Europe, même si la végétation les masque souvent, même si la variété des traces est moindre qu’en Mongolie. Citons comme exemples, en France les sites de Plagne (Les traces de dinosaure(s) sauropode(s) de Plagne (Ain) et Quand les petits théropodes marchaient dans les traces des grands sauropodes, chantier de fouille de Plagne (état au 1er août 2011) et d’Ucel (Les empreintes et les pistes de dinosaures du Sud-Est du Massif Central : Ucel et Payzac (Ardèche), Saint-Laurent-de-Trèves (Lozère)), en Suisse le site d’Émosson (Pistes de reptiles (dinosaures sensu lato), Vieux lac d'Émosson (Suisse)), et en Espagne les sites de La Rioja (La route des dinosaures de La Rioja (Espagne)).
Orientation bibliographique
R.C. Andrews, 1921. Across Mongolian Plains, Lector House Ed.
R.C. Andrews, 1926. Central Asiatic Expeditions of the American Museum of Natural History, under the leadership of Roy Chapman Andrews. Preliminary Contributions in Geology, Paleontology and Zoology, 1918-1925, Forgotten Books Ed.
R.C. Andrews, 1929. Ends of the Earth, New York National Travel Club, 338p.
R.C. Andrews, 1945. Under a lucky star – a lifetime of adventure, Blue Ribbon Books
C. Gallenkamp, 2001. Dragon Hunter. Roy Chapman Andrews and the Central Asiatic Expeditions, Viking publisher, 345p.
S. Ischigaki, M. Watabe, K. Tsogtbaatar, M. Saneyoshi, 2009. Dinosaur footprints from the Upper Cretaceous of Mongolia, Geological Quarterly, 53, 4, 449-460
T. Jerzykiewicz, P.J. Currie, D.A. Eberth, P.A. Johnston, E.H. Koster, J.-J. Zheng, 1993. Djadokhta Formation correlative strata in Chinese Inner Mongolia: an overview of the stratigraphy, sedimentary geology, and paleontology and comparisons with the type locality in the pre-Altai Gobi, Can. J. Earth Sciences 30, 2180-2195 [pdf]
M. Novacek, 1996. Dinosaurs of the flamming cliffs, Doubleday Ed., Anchor Books, 366p.
M. Novacek, 2002. Time traveler. In search of Dinosaurs and ancient mammals from Montana to Mongolia, Farrar Ed., 368p.
G.S. Paul, 2016. The Princeton field guide to Dinosaurs. 2nd edition, Princeton University Press, 360p.
K. Tsogtbaatar, D.B. Weishampel, D.C. Evans, M. Watabe, 2019. A new hadrosauroid (Dinosauria: Ornithopoda) from the Late Cretaceous Baynshire Formation of the Gobi Desert (Mongolia), PLoS ONE, 14, 4, e0208480
T. Tsuihiji, B. Andres, P.M. O'connor, M. Watabe, K. Tsogtbaatar, B. Mainbayar, 2017. Gigantic pterosaurian remains from the Upper Cretaceous of Mongolia, Journal of Vertebrate Paleontology, 37, 5, e1361431 [pdf]
S. Ulziitseren, 2018. Comparative study of Mongolian and Korean dinosaur. Doc ACPCS 2018, Institute of Paleontology and Geology of Mongolian Academy of Sciences
J.A. Wilson, 2010. Redescription of the Mongolian Sauropod Namegtosaurus Mongoliensis Nowinski (Dinosauria: Saurischia) and comments on Late Cretaceous Sauropod diversity, Journal of Systematic Palaeontology, 3, 3. 283-318 [pdf]