Image de la semaine | 27/06/2022
Les pavés du Nord, un besoin devenu patrimoine local
27/06/2022
Résumé
Utilisation de grès locaux avec test de qualité au son du marteau, puis usage de roches plus lointaines.
Le grès, roche sédimentaire détritique, résulte de l'accumulation de grains de sable (généralement du quartz). La circulation de fluides, pendant la diagenèse ou pendant des phénomènes à peine post-sédimentaires, a soudé ces grains. Le sable est devenu un grès solide. Selon la qualité de la cimentation, le grès est plus ou moins dur et imperméable. Cette cimentation est plus ou moins totale, il en résulte des grès plus ou moins poreux, perméables et solides, de qualité variable que les professionnels distinguent en grès « pif », « paf » ou « pouf ».
Les carriers définissent la qualité d'un grès par le son que produit le marteau sur la roche. Un grès « pif » (son aigu) est de bonne qualité, bien cimenté et idéal pour toute utilisation. Un grès « pouf » (son creux, évoquant l'effondrement du matériau sous le marteau) n'est pas assez cimenté, il est poreux et perméable. Il présente de grands risques de se désagréger au cours du temps et, friable, de rapidement s'éroder. Ce type de grès n'est pas utilisé. Un grès « paf », intermédiaire, présente quelques risques de fissures bien qu'il soit de meilleure qualité qu'un grès « pouf ». Sa très légère porosité a tendance à retenir l'eau. Il apparait alors encore humide lorsque que les grès « pif » sont déjà secs.
Dans le Nord de la France, on retrouve ces grès en base de maisons car, très solides ils supportent les injures du temps et, imperméables, empêchent l'humidité de remonter.
Les pavés du Nord font la réputation de la course cycliste Paris-Roubaix et sont si célèbres qu'ils sont protégés. Ainsi, la fameuse "trouée de Wallers-Arenberg" est interdite à la circulation toute l'année, sauf pour le Paris-Roubaix. Des portions de routes pavées nécessitent des réfections, qui sont généralement à la charge du contribuable. Ainsi ces routes pavées coutent, ne sont pas utilisables et font la (mauvaise) réputation d'une région… de vrais motifs de frustration pour certains ! En 2022, la cinquième étape du Tour de France va de Lille à Arenberg, en secteur minier (cf. Le Tour de France : un patrimoine impliquant la géologie), et passera donc à proximité de ce site pavé emblématique.
Source - © 2018 Riccardo Rofi | Source - © -- Pierre André Leclercq |
Retrouver, entre autres, l'étape Lille-Arenberg dans le guide Tour de France 2022 – Aide au commentaire géologique, ou dans sa version anglaise Tour de France 2022 – Help for geological commentary.
Le Nord de la France est une région plate où affleurent la craie (Crétacé supérieur) et les argiles du Cénozoïque ou celles liées au lœss. Certains endroits humides sont donc boueux et rendent les déplacements difficiles. Pour améliorer la circulation, des pavés ont donc été installés d'abord à partir de la pierre locale : des grès du Landénien (Thanétien-Yprésien, 47,8 à 59,2 Ma). Les routes, ou plutôt les chemins pavés, sont ici appelées des « drèves », mot qui serait dérivé du Néerlandais et que l'on retrouve aussi dans le drive" des Anglais).
Par la suite, une autre pierre très dure a été utilisée : le « porphyre du Hainaut ». Ce porphyre provient de carrières situées à quelques dizaines de kilomètres (Lessines, Quenast, en Belgique). Il s'agit d'une roche d'origine magmatique (une diorite, une sorte de granite sans quartz, avec beaucoup plus de plagioclases de feldspath potassiques), roche intrusive mise en place il y a environ 440 Ma (au Silurien, vers le sommet du Paléozoïque inférieur). Plus récemment, fin XXe siècle, certains pavés proviendraient de roches importées de Scandinavie. Selon les endroits, les sections pavées, et les réfections, l'un ou l'autre de ces matériaux domine. Les routes abimées sont aujourd'hui restaurées, au moins en partie par un lycée horticole de Raismes.
De l'autre côté de la frontière, en Belgique, dans la région de Hainaut, on exploite encore, et à une échelle industrielle, d'autres roches paléozoïques pour faire des pavés non pas de route campagnarde mais des pavés et autres ouvrages “de luxe”, bien finis, polis, et à caractère ornemental. Il s'agit de calcaires gris-bleu datant du Carbonifère inférieur, connus sous le nom de « pierre bleue de Belgique » ou « petit granit belge » (“granit” sans “e” car il s'agit là d'un terme de marbrier et non pas du terme pétrologique qui, lui, prend un “e”). Les carrières exploitant ce “petit granit” sont énormes, car cette pierre est abondamment exportée. On la retrouve par exemple comme banc dans les jardins attenant au Musée du quai Branly à Paris ou en pavage dans les rues piétonnes autour de l'ENS de Lyon, et on peut y admirer les nombreux fossiles qu'elle contient (cf. La « pierre bleue belge » et ses fossiles du Tournaisien (Carbonifère inférieur)).
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