Image de la semaine | 04/03/2024
Le volcanisme rhyolitique (et ignimbritique) : un volcanisme largement sous-estimé et produisant des laves de couleurs variées
04/03/2024
Résumé
Différents contextes de mise en place et couleurs variées des rhyolites à partir de 4 échantillons récoltés en France.
Source - © - D’après Damien Mollex / Lithothèque ENS de Lyon
Cet article a un double but.
Un but “annexe” : montrer que la couleur en géologie, si elle a une importance ”certaine”, n'est qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer la nature d'une roche. Par exemple, quelques pourcents de plus ou de moins d'oxyde ferrique (Fe3+), de matière organique ou de sulfures… et la roche passe du blanc/gris au rouge ou au noir.
Un but principal : montrer que les rhyolites sont des laves (mises en place sous forme de coulées, de dômes ou d'écoulements pyroclastiques donnant des ignimbrites) quantitativement beaucoup plus importantes que beaucoup ne le pensent. Dans l'Éducation nationale (du lycée à l'université en passant par les classes préparatoires), deux roches magmatiques sont principalement “valorisées” : les basaltes (et gabbros) surtout en contexte océanique, et les granites, surtout en contexte continental. S'y ajoutent les andésites (et leurs équivalents grano-dioritiques) en contexte de subduction. Les rhyolites ne sont, en général, présentées que comme les termes ultimes de la différenciation de magmas basiques, volumétriquement très minoritaires, comme les rhyolites des Mont-Dore ou du Cantal.
Il y a plusieurs raisons à cette sous-estimation.
- Les rhyolites récentes (cénozoïques) sont rares en France métropolitaine (quasi absentes des Alpes, en volume limité dans le volcanisme récent du Massif Central …).
- Il y a de très nombreuses rhyolites paléozoïques en France (Massif Armoricain, Vosges, Massif Central…). Mais si, sur la carte géologique de France à 1/1 000 000, les granites et autres roches “plutoniques” sont représentées avec une gamme de couleurs spécifiques qui les rend très visibles (différentes teintes de rouge ou de rose), les rhyolites ne sont représentées que par une surcharge discrète surajoutée sur la couleur de la période géologique de leur mise en place (gris pour les rhyolites permiennes, marron pour les rhyolites carbonifères, brun-vert pour les rhyolites ordoviciennes…).
- Les rhyolites très métamorphisées sont souvent cartées comme “orthogneiss” et, de ce fait, difficiles à identifier si on ne lit pas notice et légende avec attention.
- Les rhyolites sont des roches volcaniques mises en place en surface (laves massives, ou mises en place sous forme d'ignimbrites). Elles ont donc été plus érodées que leurs équivalents plutoniques (les granites) d'une même époque. La taille des affleurements anciens visibles aujourd'hui (paléozoïques en ce qui concerne cet article) “minimise” l'importance géologique réelle qu'elles avaient à l'époque de leur mise en place.
Tout ceci explique en partie que les rhyolites soient les « parents pauvres » des roches magmatiques dans l'enseignement et dans l'inconscient de beaucoup de géologues. Mais si la carte géologique de France minimise la visibilité des rhyolites paléozoïques, elle ne minimise pas leur importance, au contraire. Elles y sont bien présentes, et la légende de cette carte leur donne une bonne place, et, de plus, est très riche d'enseignements quant à leur âge, leur contexte d'origine…
À partir d'échantillons issus de la collection de l'ENS de Lyon collectés dans les années quatre-vingt-dix, nous allons rapidement survoler 4 régions françaises riches en rhyolites : (1) l'Estérel et la Corse, (2) le Morvan et le Nord-Est du Massif Central, (3) le massif du Mouthoumet, socle hercynien de la zone sous-pyrénéenne, et (4) la Vendée. Cela montrera que les rhyolites et autres manifestations d'un volcanisme acide sont beaucoup plus fréquentes, abondantes (et géologiquement importantes) que ce n'est présenté classiquement.
Source - © 2018 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2018 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © - D'après Alain Beauvilain / panoramio |
Source - © 2012 Mélissa / Geodiversite.net | Source - © 2012 Mélissa / Geodiversite.net |
Source - © 2016 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2016 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Les rhyolites, dans l'Ouest du Morvan (Nièvre) comme dans l'Estérel, la Vendée…, sont activement exploitées comme granulats, souvent utilisés comme ballast, sous-couches des routes… Elles ont en effet une très grande résistance à l'attrition (attrition = usure de matériaux par frottements et par chocs), beaucoup plus que les roches grenues. En effet, les cristaux prix dans un ciment vitreux qui fait office de “liant” sont beaucoup plus difficiles à disjoindre que les cristaux simplement “juxtaposés” d'un granite. Les rhyolites sont très largement utilisées par la SNCF. Par exemple, à Lyon, le ballast des voies ferrées de la gare de la Part-Dieu est fait de rhyolite.
D'autres contextes géologiques peuvent entrainer une fusion partielle de la croute continentale et générer (à côté d'un magmatisme basique) un volcanisme acide important : l'extension et l'amincissement crustal au niveau d'un rift continental en train de devenir une marge océanique. C'est l'origine proposée pour les rhyolites (et les méta-rhyolites) mises en place du Cambrien terminal à l'Ordovicien qu'on trouve dans le Sud du Massif Armoricain (en particulier en Vendée), dans le Sud-Ouest du Massif Central, dans la Montagne Noire et le massif du Mouthoumet, dans la chaine hercynienne espagnole… Au Cambrien supérieur/ordovicien, en effet, un domaine océanique (appelé l'océan médio-européen, ou encore océan Galice-Massif Central) s'est ouvert entre le Nord du Gondwana et un “micro-bloc” continental (le bloc Armorica). C'est sur la marge Nord du Gondwana qu'un important volcanisme acide s'est mis en place. C'est la fermeture de cet océan médio-européen (et aussi de l'océan rhéique situé plus au Nord) qui est à l'origine de la chaine hercynienne (cf. La chaine varisque en France, un édifice multi-collisionnel et poly-cyclique / Évolution géodynamique et conclusion).
Source - © 2016 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2016 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © 2023 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2023 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © 2018 Adapté à partir d’André Pouclet / avg85.fr, modifié
Les rhyolites ordoviciennes n'affleurent pas que dans le Mouthoumet, mais aussi dans le Sud-Ouest du Massif Central, et surtout en Vendée (ellipse bleue sur la figure précédente) comme le montrent les photographies qui suivent. Les lecteurs intéressés par le volcanisme de Vendée peuvent se reporter aux travaux de l'Association vendéenne de géologie et à la publication d'André Pouclet (2018) qui contient une bibliographie étoffée.
Source - © - Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © - Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © - D'après Aurélien M. / panoramio |
Source - © 2018 Adapté à partir d’André Pouclet / avg85.fr, modifié