Image de la semaine | 03/10/2016
Le gypse triasique de Bidart, Pyrénées Atlantiques
03/10/2016
Résumé
Le Trias versicolore et gypsifère du Sud-Ouest : gypse fibreux, couche savon et salines dédiées au jambon de Bayonne.
La plage de Bidart (Pyrénées Atlantiques) est célèbre pour son surf, ses naturistes, et sa limite KT (cf. Les trois plus beaux affleurements de la limite K-T en Pays Basque : Bidart, Baie de Loya et Zumaia) ; elle devrait l'être aussi pour son affleurement de gypse (CaSO4, 2H2O) triasique. Il s'agit d'un affleurement très limité en dimension (mois de 100 m de large), mais que l'on peut observer dans de très bonnes conditions car il est régulièrement "rafraichi" par les tempêtes et les grandes marées. Il s'agit d'un affleurement typique du Trias pyrénéo-provençal, c'est-à-dire très déformé par la tectonique pyrénéenne. Le Trias supérieur dans tout le Sud de la France est composé d'argiles gypseuses qui ont servi de niveau de décollement et de "couches savons" lors des raccourcissements pyrénéens, et qui ont parfois "dégénéré" en diapirs. D'après la carte géologique au 1/50 000, ce Trias est pincé entre du Crétacé supérieur et du Paléocène (figure 20). D'après la carte géologique de la France au 1/1 000 000 (figure 22), et d'après la carte géologique des Pyrénées au 1/400 000 (figure 21) cet affleurement correspond à la base d'un compartiment Nord principalement constitué de Cénozoïque chevauchant (vers le sud) un compartiment Sud principalement constitué de Crétacé supérieur. Ce Trias supérieur n'est donc absolument pas en place, car il ne "touche" ni les terrains directement plus vieux (Trias moyen) ni les terrains directement plus jeunes (Jurassique inférieur). La géométrie du contact et les relations entre ce Trias et les terrains sus- et sous-jacents étaient impossibles à voir en 2013. Les déformations dans le Trias sont telles qu'on ne voit plus la stratification originelle. On ne voit plus que des alternances de brèches tectoniques (cataclasites) à dominante gypseuse et de brèches à dominante argileuse. Ces brèches tectoniques sont traversées par les filons de gypse fibreux. Ces filons sont relativement rectilignes, et recoupent les différents types de brèches. Ils sont donc postérieurs aux mouvements ayant complètement bréchifié le Trias. Ils sont souvent, mais pas toujours, plus ou moins parallèles aux contacts entre les différents types de brèches. Ces filons ont signification de fractures ouvertes postérieures à la tectonique principale, dans lesquelles ont circulé des eaux saturées en sulfates. Les cristaux de gypse ont crû perpendiculairement aux épontes, et ont fini par remplir complètement la fissure de ce faciès de gypse connu sous le nom de gypse fibreux. Ce type de cristallisation interne aux fissures est "classique", dans le gypse terrestre mais aussi martien (Un filon de gypse, un substratum géologique inédit avec litage(s) et un début d'hivernage : le robot martien Opportunity de début octobre 2011 à mi-janvier 2012), dans les sulfates mais aussi dans les carbonates et les silicates (Croissance cristalline atypique dans un filon de pegmatite, Plage de la Mine, Piriac-sur-Mer (Loire Atlantique))…
Les filons de gypse fibreux internes aux compartiments à dominante argileuse sont souvent eux-mêmes tronqués et fracturés, preuve de mouvements encore plus récents, sans doute des glissements gravitaires dus à l'évolution morphologique actuelle de la falaise. Cet affleurement est localisé par le fichier kmz Trias-Bidart.kmz.
Source - © 2008 BRGM - IGME, modifié |
Le Trias du Pays Basque et du Béarn a un usage que pratiquent (sans le savoir) bon nombre de gastronomes. Cette région est connue par son IGP (Indication Géographique Protégée) « Jambon de Bayonne ». Pour avoir droit à cette IGP, il faut, entre autres, que le jambon ait été salé au « sel des salines du bassin de l'Adour ». Ces salines ne sont pas des marais salants comme pourrait le faire penser la proximité de la mer, mais des salines qui extraient le sel par évaporation de l'eau provenant de sources salées. Et ces eaux de source sont salées parce qu'elles circulent dans le Trias supérieur évaporitique, souvent riche en gypse, mais parfois en halite (NaCl). Il y avait deux centres importants d'exploitation du sel : Mouguerre dans la banlieue de Bayonne (fermé en 2010) et Salies-de Béarn qui reste le seul centre de production de sel répondant au cahier des charges de cette IGP. Pensez au Trias béarnais quand vous dégusterez du jambon de Bayonne !