Image de la semaine | 14/11/2016
Figures de dissolution, de recristallisation et de tectonique dans les gypses de l'Éocène terminal / Oligocène basal de Mormoiron, bassin de Carpentras, Vaucluse
14/11/2016
Résumé
Rigoles de dissolution et pli-faille synsédimentaire dans des gypses d'aspects variés.
Il y a beaucoup de gypse en France : 4,3 milliards de tonnes de ressource, dont 350 millions de tonnes directement exploitables. Il s'agit surtout :
- de gypse (surtout triasique) très déformé dans les Alpes, la Provence et les Pyrénées, formant la base des nappes de charriages (cf., par exemple, Déformations dans les gypses de base de la nappe des Corbières (Durban Corbières, Aude) et Pli syn-schisteux et plis post-schisteux dans des gypses ou des diapirs (cf. Le diapir de gypse triasique de Lazer, Hautes Alpes) . Ce gypse déformé affleure souvent très bien dans des affleurements naturels car on est en montagne.
- de gypse en couches horizontales, non (ou peu) déformé, dans des bassins sédimentaires type bassin parisien, bassin aquitain, Limagne... Mais dans ces bassins généralement assez plats, il y a peu d'affleurements naturels, et le gypse n'affleure souvent que dans des carrières (à l'air libre ou souterraines).
Le bassin oligocène de Carpentras (Vaucluse) montre de très beaux affleurements de gypse tabulaire dans la nature (ou dans d'anciennes carrières "artisanales" et semi-industrielles, carrières où la nature a repris ses droits).
Dans presque toute la France (Alpes et Jura exceptés), l'Oligocène correspond à une période pendnat laquelle domine une tectonique extensive. C'est particulièrement vrai sur le pourtour de la future Méditerranée occidentale où s'ouvrent de nombreux bassins oligocènes, bassins qui préfigurent l'extension et l'ouverture de la Méditerranée qui a débuté à l'Oligocène terminal. La notice de la carte géologique 1/50 000 décrit ainsi le contexte tectonique de l'époque : « C'est à partir du Ludien supérieur (limite Éocène-Oligocène) qu'apparaissent les premiers et importants témoins de la « grande distension oligocène ». En effet, les classiques structures Est-Ouest pyrénéo-provençales subissent des effondrements d'orientation NE-SW. Les monts de Vaucluse, en particulier la structure de Saint-Gens, sont progressivement envahis par la sédimentation ludienne. Le fossé de Sénanque devient actif et subsident. À Mormoiron, les évaporites sont localisées en lentilles au sein de structures effondrées de même orientation. Ces évaporites syntectoniques constituent un trait majeur de la sédimentogenèse dans tout le domaine rhodanien ».
Nous allons "visiter" quelques affleurements situés à quelques centaines de mètres au Nord-Ouest de Mormoiron (localisable via le fichier Mormoiron.kmz), en insistant sur la morphologie des figures de dissolution, sur le contenu de quelques strates, et sur la tectonique (synsédimentaire ?) visible dans ces couches très peu déformées. Ces affleurements correspondent pour partie à de très anciennes carrières artisanales exploitées au XIXème siècle. Au Sud et à l'Ouest de Mormoiron, d'autres affleurements correspondent à des carrières semi-industrielles fermées depuis 50 ans (depuis 1964). Des fossiles ont permis de dater ce gypse du Ludien supérieur (g1b-c sur la carte géologique, limite Éocène-Oligocène, 33 Ma). Ces affleurements sont situés juste au Sud du Mont Ventoux. Un but de visite pendant les vacances !
Ce gypse peut faire des masses énormes (masses de 30 à 50 m d'épaisseur par lentille, pouvant atteindre plus de 200 m au total dans les carrières en exploitation de Mazan-Mailemort, (voir les deux derbières figures). L'exploitation des carrières de Mazan-Mailemort fournit 500 000 tonnes par an, soit environ 10% de la production du gypse en France.
Ce gypse a sédimenté au tout début de l'Oligocène, dans un bassin dont la subsidence était liée à une extension. On pourrait s'attendre à y découvrir des failles normales synsédimentaires. Je n'en ai pas vu lors de mes vacances 2016, mais j'ai retrouvé un "pli / faille inverse" que j'avais déjà vu 41 ans plus tôt en 1975. Cette faille inverse indique un raccourcissement, au moins local, avec chevauchement du Sud vers le Nord. On pourrait penser à une faille inverse récente, largement post-oligocène, toute la région étant actuellement en compression N-S, comme l'atteste les rejeux récents et actuels des failles E-O de la région (faille du Luberon, de la Trevaresse... (cf. Le séisme de Lambesc du 11 juin 1909 : contexte géologique et structural du dernier "gros" séisme de France métropolitaine, plus particulièrement la figure 17). Mais la morphologie de ce mini pli-faille inverse, qui n'affecte pas les strates inférieures, ressemble plus à des phénomènes de glissement synsédimentaire qu'à une manifestation tectonique "vraie", le Sud de l'affleurement glissant vers le Nord et ayant tendance à chevaucher le compartiment Nord. Une recherche systématique de tels accidents serait intéressante pour confirmer ou infirmer cette interprétation rapide.