Image de la semaine | 27/04/2015
La fleur de sel, une forme cristalline de la halite (chlorure de sodium), lien avec les trémies et cubes de sel
27/04/2015
Résumé
Cristallisation du sel marin dans le système cubique, de la fleur de sel au gros sel, en passant par les trémies.
Suite à des vacances à proximité de marais salants ou par goût pour la cuisine, vous connaissez certainement la fleur de sel. Ses petits cristaux pyramidaux et friables donnent un goût salé parfois particulier lorsque des algues s'y associent.
Le chlorure de sodium cristallise selon le système cubique. Dans les gisements de sel ou les salines (obtention de sel par évaporation de saumures), on trouve le sel sous forme de cubes "pleins" ("gros sel) ou de cubes à faces déprimées, les trémies (hopper cube). Dans une trémie de sel chaque face du cube ressemble à une pyramide creuse, avec sommet vers le centre du cristal. Une trémie peut donc apparaître comme l'adjonction de 6 pyramides pointant vers le centre du cube... On entrevoit ici une relation géométrique simple entre fleur de sel et trémie de sel.
Dans les marais salants, l'eau de mer débarrassée de ces impuretés et pré-concentrée lors d'étapes successives dans un circuit d'amenée de l'eau de mer, termine sa course dans de petits bassins appelés œillets dans lesquels a lieu la cristallisation puis la récolte du sel. Le sel marin "classique" se récolte après cristallisation lente sur le fond des bassins. Lors de journées particulières (air sec, chaleur, légère brise...) se forme, affleurant en surface, la fleur de sel qui est récoltée à part.
Nous vous montrons ici des photographies de sel prises au microscope, en vue rapprochée mais aussi sur des échantillons macroscopiques.
On peut aussi observer la forme pyramidale sur quelques "gros grains" de fleur de sel pris en photographie rapprochée.
On trouve aussi dans la fleur de sel des cristaux un peu particuliers formés de deux pyramides partageant un même sommet.
Tout en gardant une forme pyramidale, on est donc passé d'une pyramide simple à une pyramide double. Si on imagine maintenant une base cubique, chaque face peut servir de départ à une pyramide. On a alors 6 pyramides creuses partageant leurs faces et pointant vers un même cube de départ. La forme obtenue, avec des pyramides équilibrées, est alors un cube à face creuses appelé trémie de sel.
Source - © 2010 Rob Lavinsky / iRocks.com sur wikimedia, CC-BY-SA-3.0 | Source - © 2010 Rob Lavinsky / iRocks.com sur wikimedia, CC-BY-SA-3.0 |
Le sel marin récolté au fond des œillets montre lui des formes cubiques plus classiques.
Dans les salines, l'obtention de trémies ou de cube résulte d'un choix (forme des récipients, température d'évaporation de la saumure...). Dans les marais salants, la cristallisation en fleur de sel ou en cubes correspond à deux contextes bien différents à partir d'eau de mer à quasi-saturation apportée dans les œillets.
Le fond des œillets est tapissé de cristaux de sel non récoltés reposant sur le fond argileux (une récolte complète endommagerait ce fond argileux imperméable). L'évaporation de l'eau aboutit à une lente saturation en chlorure de sodium. La cristallisation de halite peut se faire sur le support cristallin que constituent les cubes de sels non récoltés. La forme cubique se développe alors.
Lors de conditions météorologiques particulières, une forte évaporation permet la formation en surface d'une fine couche d'eau de mer sursaturée dans laquelle de fines plaquettes de sel peuvent se former. Ces plaquettes flottent à la surface du fait de tensions superficielles. Ces plaquettes sont soumises à leur poids, qui tend à les faire descendre dans la colonne d'eau, sont maintenues à la surface par les forces de tension superficielle, et baignent dans un milieu sursaturé en NaCl. Il apparaît que ces conditions (reproduites en laboratoire dans des expériences de cristallisation dans de minces films d'eau sursaturée) sont propices à la croissance cristalline par les bordures et les arêtes : la face supérieure est inaccessible car "à l'air libre" et la face inférieure est au contact d'eau un peu moins saturée). D'une plaquette, on passe donc à une plaquette entourée d'une bordure, formant une coupe tournée vers le haut. Cette coupe s'enfonce du fait de son poids mais est maintenue en surface du fait des tensions superficielles et de la flottabilité de l'édifice en construction, édifice qui peut cependant croître par les bords, d'où une forme pyramidale à quatre pans (les quatre côté du "cube" ou de la plaquette initiale) formant des marches d'escalier (croissance des parois par leur seul côté extérieur). Lorsque le poids des cristaux de fleur de sel devient trop important ou lorsque la pyramide se remplit d'eau (vaguelettes, pluie, augmentation de l'humidité de l'air en soirée...), les cristaux sédimentent au fond des bassins. Ils évoluent alors dans une saumure saturée (mais pas sursaturée comme en surface) jusqu'à la prochaine récolte du sel de fond : les pyramides servent alors de base à la cristallisation plus lente de la halite dans des conditions favorables au développement de cristaux cubiques "classiques".
Le fait de trouver des cristaux bipyramidés indiquent que la plaquette initiale peut parfois croître sur deux faces dans certaines conditions (épaisseur de la plaquette initiale, accolement de cristaux de fleur de sel qui modifient l'exposition du cristal à la saumure sursaturée, épaississement temporaire du film sursaturé... ?). Les trémies de sel "fossiles" et industrielles montrent qu'il est possible d'obtenir de gros cristaux et donc que des conditions particulières peuvent durer assez longtemps, et/ou que la croissance est interrompue avant remplissage des faces des trémies.
Source - © 2012 Damien Mollex / Lithothèque ENS de Lyon | Source - © 2011 Damien Mollex / Lithothèque ENS de Lyon |
Images diverses de halite à la page wikimedia:Halite.
Deux articles récents illustrés et documentés :
Dino Aquilano, Linda Pastero, Marco Bruno, Marco Rubbo, 2009. {100} and {111} forms of the NaCl crystals coexisting in growth from pure aqueous solution, Journal of Crystal Growth, 311, 2, 399-403
Pietro Fontana, Jürg Schefer, Donald Pettit, 2011. Characterization of sodium chloride crystals grown in microgravity, Journal of Crystal Growth, 324, 1, 207-211