Image de la semaine | 13/06/2016
Les dépôts pyroclastiques du Puy Chopine visibles dans la carrière du Puy de Lemptégy
13/06/2016
Résumé
Recouvrement de pyroclastites de trachyte clair dans la Chaine des Puys (Puy de Dôme).
Le volcan de Lemptégy (également appelé « Un Volcan à Ciel Ouvert ») est un site géologique incontournable si on vient faire de la géologie en Auvergne (et en particulier dans la Chaine des Puys) avec des élèves.
La carrière du Puy de Lemptégy exploitait jusque dans les années 1990-1995 un petit cône strombolien composite, recouvert par une "nappe" de produits pyroclastiques trachytiques issus du Puy Chopine, nappe de trachyte parfois appelée "recouvrement Chopine". L'exploitation "industrielle" de ce puy a fortement ralenti puis a cessé, et la carrière aurait dû être "réhabilitée", pour employer le langage administratif, c'est-à-dire remblayée, végétalisée et "perdue" pour la géologie. Heureusement, les exploitants de la carrière ont eu l'idée d'exploiter cette carrière de façon scientifico-touristique ce qui l'a sauvée d'une destruction définitive. Cette carrière permet d'analyser la structure de deux édifices "stromboliens" superposés plus ou moins recouverts de saupoudrages par des cendres basiques venues d'autres volcans voisins (structure qui n'est pas l'objet de cet article, qui mérite la visite à elle seule, cf. Faille inverse, faille normale et chronologie relative dans des scories volcaniques, Puy de Lemptégy (Puy de Dôme)) mais aussi d'analyser les dépôts pyroclastiques trachytiques qui les recouvrent.
Ces dépôts trachytiques proviennent des éruptions qui in fine ont donné le Puy Chopine, éruptions datées de 9720 ±130 ans BP (Before Present). La notice de la carte au 1/25 000 intitulée Volcanologie de la Chaîne des Puys (Éd. Parc Naturel Régional des Volcans d'Auvergne, 5ème édition, 2009) permet de résumer ces éruptions. Le Puy Chopine est une protrusion de trachyte d'environ 500 m de diamètre à la base et de 160 m de haut. La protrusion trachytique représente la deuxième phase d'une éruption, qui s'est (très schématiquement) déroulée en 2 étapes.
La sortie et l'érection de cette protrusion (2ème étape) se sont faits à travers un cratère d'explosion (un maar), explosions qui lors d'une première étape ont creusé une importante cavité au dépend de volcans basaltiques antérieurs et du substratum anté-volcanique (granitique et métamorphique). Les explosions ayant créé ce maar avaient un dynamisme voisin des éruptions phréatomagmatiques basaltiques très fréquentes dans le Massif Central, mais ces explosions étaient plus violentes et beaucoup moins nombreuses. Les gaz responsables de l'explosion était essentiellement magmatiques (et non pas phréatiques). Les explosions de ce type entrainent des déferlantes latérales maintenant appelées CDP (Courant de Densité Pyroclastique), soit parce qu'il y avait des explosions dirigées, soit par effondrement d'un panache plinien ou sub-plinien. L'article Le dôme de lave du Paluweh (ou Rerombola, Indonsie) : mise en place, effondrements, nuées ardentes et autres courants de densité pyroclastiques décrit ainsi la formation de ce genre de dépôts dus au CDP : « Il se dégage, depuis quelques années, un consensus concernant la définition des courants de densité pyroclastiques. Les CDP sont des mélanges chauds (200 à 800 °C) de gaz et de particules, définis par une gamme de phénomènes allant -(1) des déferlantes diluées (1 kg/m3) turbulentes (pyroclastic surge), avec phénomènes de dépôt, érosion, et charriage (bedload) à la base et une concentration en particules qui augmente vers le bas, générés lors des éruptions phréatomagmatiques, les dépôts générés étant stratifiés et bien granoclassés, -(2) aux courants composés d'un écoulement gravitaire dense (1000 kg/m3) à la base (pyroclastic flow), qui peut avoir une forte pression de gaz interstitiel qui fluidifie le mélange, surmonté d'un nuage dilué turbulent (ash cloud), parfois appelé aussi ash cloud surge ou surge. Ces courants sont générés par effondrement gravitaire soit d'un dôme de lave, soit par l'effondrement d'une colonne éruptive (vulcanienne ou plinienne). Les dépôts générés par l'écoulement basal dense sont massifs et mal granoclassés ».
Les produits émis constituent une nappe non (ou très peu) stratifiée reconnue sur environ 30 km2 tout autour du Puy Chopine, et non pas dirigée dans une direction dominante, ce qui privilégie plutôt un effondrement de colonne sub-plinienne à plinienne, à moins d'imaginer de nombreuses explosions dirigées dans toutes les directions. Les CDP du Puy Chopine ont déposé des blocs sans forme particulière plus ou moins fissurés, des bombes en croûte de pain, des ponces, des cendres… tous éléments faits du même trachyte à sanidine, biotite et pyroxène. Ces produits sont mélangés à une minorité de blocs arrachés au substratum pré-Chopine : basalte, fragments de socle… La présence de nombreux charbons de bois bien carbonisés montre que ces dépôts se sont faits à haute température. Il est possible qu'à ces dépôts contemporains de la première étape (formation du maar) s'ajoutent des dépôts issus de l'éboulement de la protrusion en croissance (2ème étape).
Cette éruption très explosive du Puy Chopine et toutes les nombreuses autres du Massif Central montrent que le volcanisme explosif (souvent associé à ce qui est appelé « volcan gris ») n'est pas cantonné aux zones de subduction, contrairement à ce qui est encore trop souvent proposé.
Il y a plus de 20 ans, lorsque la carrière du Puy de Lemptégy était en cours d'exploitation, on pouvait très bien étudier la constitution de ces dépôts trachytiques qui étaient toujours d'une excellente fraicheur, du fait de l'exploitation qui empêchait et/ou nettoyait tout recouvrement par de la boue, toute colonisation par les végétaux… Et on pouvait sans problème s'approcher du niveau trachytique dans telle ou telle partie de la carrière. Depuis l'arrêt de l'activité de la carrière, et comme l'exploitant actuel du "volcan à ciel ouvert" ne rafraichit plus le front de taille, celui-ci, inévitablement, se dégrade. Si on voit encore très bien localement la structure et la nature de ces dépôts, ce n'est plus vrai sur toute sa longueur. Contrairement aux niveaux constituant le Puy de Lemptégy sensu stricto, on peut beaucoup moins s'approcher de parties fraiches de ce niveau trachytique si on reste dans les sentiers "piétons", et on voit beaucoup moins bien les charbons de bois, du moins sur le trajet réservé aux visites à pied.
De plus, pendant la période de l'aménagement de la carrière et de ses environs pour les visites (autour de 1995), des chemins ont été ouverts, des tranchées ont été creusées, en particulier pour installer une barrière profondément "enracinée" dans le sol (pour éviter que des resquilleurs ne passent par dessous). Ces tranchées m'ont permis à l'époque de faire des observations permettant de prouver le caractère à forte composante horizontale dirigée (et non pas vertical) de l'arrivée de la nappe de débris, observation actuellement impossible.
Il est dommage que l'exploitant actuel ne rafraichisse plus ses fronts de tailles, ne permette plus l'accès très rapproché à certains points de ce niveau trachytique et n'élabore plus de telles tranchées ou fouilles, ce qui donnerait une valeur ajoutée certaine à la visite de la carrière, déjà fort intéressante avec ce qu'on voit des dépôts du Puy Chopine et des volcans strombolien sous-jacents.
Les photographies 1 à 6 ont été prises en 1979 pendant la phase d'exploitation de la carrière. Les photographies 6 à 10 ont été prises en 2013, et les photographies 11 à 15 ont été prises dans une tranchée ouverte pendant les travaux d'aménagement du site pour les visites vers 1995.