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Image de la semaine | 18/01/2016

Les pertes du Rhône (Ain et Haute-Savoie), une ancienne curiosité géologique maintenant engloutie

18/01/2016

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Encaissement brutal du cours du Rhône dans des gorges profondes... aujourd'hui sous les eaux d'un lac de barrage.


Les pertes du Rhône près de Bellegarde sur Valserine (Ain) vues d'une passerelle, remplacée depuis par le pont de Lucey, pont maintenant détruit

Figure 1. Les pertes du Rhône près de Bellegarde sur Valserine (Ain) vues d'une passerelle, remplacée depuis par le pont de Lucey, pont maintenant détruit

Cette lithographie, qui date de 1825, montre une vision très inhabituelle du Rhône. Nous sommes 30 km en aval du lac Léman, en été si on en croit le feuillage des arbres ; le débit du fleuve doit être d'environ 500 m3/s, soit 1,5 fois le débit moyen de la Seine à Paris ou 2,5 fois le débit moyen de la Garonne à Toulouse. En arrière-plan de la gravure, le cours du Rhône est habituel pour ce fleuve quand il traverse les Monts du Jura, avec une largeur d'environ 20 à 40 m. Après une cascade, le Rhône coule au fond d'une gorge d'une dizaine de mètre de large. Il disparait presque entre un chaos de rocher juste avant le pont. Ce sont les « pertes du Rhône » en hautes eaux, maintenant invisibles car recouvertes par les eaux du lac du barrage de Génissiat, mis en eau en 1947-1948.


Vieille gravure des pertes du Rhône (début du XIXème siècle)

Figure 2. Vieille gravure des pertes du Rhône (début du XIXème siècle)

Le Rhône semble disparaitre au premier plan sous un amoncellement de gros blocs de rochers. Le Rhône semble vraiment se "perdre", d'où le nom du site.


Figure 3. Image en couleur de la première moitié du XIXème siècle montrant les pertes du Rhône

Sur cette image, l'eau du Rhône semble avoir disparu dans la partie aval du lit, qui est complètement à sec. On ne peut pas savoir la géométrie exacte de la zone où se fait cette disparition, que l'artiste a (intentionnellement ?) positionnée juste derrière la passerelle. Le lit "majeur" semble parcouru en son centre par un lit plus étroit complètement encombré de blocs rocheux. Il est dommage que ce dessin artistique n'ait pas la précision d'un croquis naturaliste. La passerelle a été remplacée quelques dizaines d'années plus tard par un pont, le pont de Lucey, maintenant détruit.


Carte de la perte du Rhône dessinée par l'ingénieur géographe M. Maurice dans la première moitié du XIXème siècle

Figure 4. Carte de la perte du Rhône dessinée par l'ingénieur géographe M. Maurice dans la première moitié du XIXème siècle

Cette carte est quasi-contemporaine des figures précédentes. La passerelle ("ancêtre" du pont de Lucey) qu'on voit sur les figures 1 et 3 se trouve au milieu de la carte. Elle enjambe les pertes du Rhône majoritairement situées plus à l'Est (à sa droite). On note l'étroitesse du Rhône à ce niveau, alors qu'il a une largeur "normale" (3 à 4 fois plus grande) de part et d'autre. On peut retrouver sur cette carte quelques-uns des éléments morphologiques des figures précédentes.


Photographie des pertes du Rhône pendant un hiver de la fin du XIXème siècle

Figure 5. Photographie des pertes du Rhône pendant un hiver de la fin du XIXème siècle

Cette photo a été prise en direction de l'amont depuis l'ancien pont de Lucey (maintenant détruit) qui avait remplacé la passerelle des figures 1 à 3. En amont d'une petite cabane, on devine que le lit du Rhône n'est plus naturel et on perçoit des murs et digues. Il s'agit d'un premier aménagement destinée à utiliser partiellement la chute et à en capter l'énergie hydraulique. Cet aménagement sera complété quelques années plus tard par un captage plus important d'une partie des eaux juste avant la chute. Cette eau sera dirigée par un tunnel vers une centrale hydroélectrique situé en aval. C'est ce qu'on appellera le Barrage des Forces Motrices.

Une inscription manuscrite en haut de la photo indique 2-6-94. Mais les arbres n'ont aucune feuille, et le niveau du Rhône est très bas. Le débit moyen du fleuve en aval de Genève et du confluent avec l'Arve varie entre 240 m3/s en hiver et 530 m3/s en juin. Cette date de juin 1894 n'indique donc probablement pas la date de prise de vue, mais la date de l'acquisition de la photo, ou de son tirage… En cette période de très basses eaux, on voit que la gorge complètement inondée sur la figure 1 mais à sec sur la figure 3 est presque exondée, creusée dans des couches horizontales de calcaire (calcaire urgonien, Crétacé inférieur). Elle se rétrécit encore à sa base pour se creuser en une gorge de 2ème ordre emboitée dans la gorge principale. Cette gorge de 2ème ordre semble plus étroite en son sommet qu'à sa base, sans doute à cause de la présence d'une couche particulièrement résistante. D'après des chroniques d'époque, en son point le plus étroit, cette gorge de 2ème ordre ne mesurait plus qu'1,62 m de largeur. Il était alors possible de sauter le Rhône d'un seul bond ! Au premier plan, on voit que l'eau du Rhône n'est quasiment plus visible, car elle coule entre de gros blocs rocheux formant un véritable chaos qui rappelle celui de la figure 2. Mais on ne reconnait pas le lit dessiné figure 3. Ce sont de telles gorges extrêmement étroites où le cours d'eau disparait "quasiment" (voire totalement) qu'on appelle « perte » dans la région de l'Ain et du Jura. Ces pertes du Rhône sont maintenant invisibles car recouvertes par les eaux du lac du barrage de Génissiat, mis en eau en 1947-1948.


Les pertes du Rhône vues en direction de l'aval

Figure 6. Les pertes du Rhône vues en direction de l'aval

Au fond, l'ancien Pont de Lucey (maintenant détruit et ayant remplacé une passerelle de bois à la fin du XIXème siècle), passerelle et pont d'où ont été prises les figures 1, 2 et 5. On voit très bien la gorge principale dont le fond plat (qui correspond à la surface d'une couche particulière sans doute particulièrement résistante) est entaillé par une gorge de 2ème ordre, beaucoup plus étroite : les pertes du Rhône sensu stricto. Le débit du Rhône est particulièrement bas en cet hiver du début du XXème siècle, à cause du froid et du gel qui réduit le débit de tous les cours d'eau amont, et sans doute aussi parce que cette photo a été prise après la mise en œuvre d'un barrage (le barrage dit Barrage des Forces Motrices) qui capte une partie des eaux du Rhône pour les turbiner plus en aval. Le personnage visible à droite donne la mesure de l'étroitesse du lit du plus puissant fleuve de France.


Traditionnellement, on appelle « perte(s) » un phénomène karstique où un cours d'eau se perd dans le sous-sol, soit par une série d'infiltrations progressives et non spectaculaires comme le Doubs en aval de Pontarlier (dans ce cas du Doubs, les pertes ne sont que partielles), soit par la disparition dans une grotte ou en aven, comme par exemple la perte du Bonheur (cf. La perte du Bonheur et l'abîme de Bramabiau (Gard)), la perte de la Goule de Foussoubie (cf. Les pertes de la Goule de Foussoubie (Ardèche) et de la Lesse (Belgique)) ou encore la perte de l'Arize (cf. Le Mas d'Azil (Ariège) : la perte et la résurgence de l'Arize). Ce que les habitants de l'Ain ou du Jura appellent « perte(s) » ne correspond pas à une perte au sens karstique du terme, mais à l'encaissement brutal et extrême d'un cours d'eau qui s'enfonce brusquement dans des gorges profondes au point de quasiment disparaitre du regard, et même disparaitre entièrement dans des amoncellements de blocs rocheux éboulés. Si le Fier ou la Cèze coulaient dans les monts du Jura, les gorges du Fier et les cascades du Sautadet s'appelleraient respectivement les pertes du Fier et les pertes de la Cèze.

La perte du Rhône (on emploie indifféremment ce mot de "perte" au singulier ou au pluriel), juste en amont de Bellegarde sur Valserine (Ain) correspond au brutal encaissement du Rhône dans des couches sub-horizontales de calcaire urgonien (Crétacé inférieur). Cette gorge extrêmement étroite présentant un fort dénivelé permet au Rhône de relier deux parties de son cours présentant une pente relativement faible et une largeur "normale" (20 à 40 m) : une partie amont, et une partie aval située au niveau du confluent avec la Valserine. Cette gorge étroite à parois quasi-verticales commence par une cascade, et se continue sur un peu plus de 150 m. Une deuxième entaille encore plus étroite affecte le fond de la gorge principale, une gorge de 2ème ordre en quelque sorte. Souvent, cette gorge de 2ème ordre est plus étroite à son sommet qu'à sa base. En période de basses eaux (environ 250 m3/s) l'intégralité de l'eau du Rhône coule dans cette gorge de 2ème ordre qui, à sa partie la plus étroite, ne mesurait qu'1,62 m de largeur. Il était alors possible de sauter le Rhône d'un seul bond, surtout si l'on passait par les chaos rocheux.

La gravure de la figure 1, dont un tirage se trouve aussi dans les Archives départementales de l'Ain est accompagnée de la légende suivante dans ces Archives (texte non corrigé) : « Deux bourgeois et un berger avec son chien et ses chèvres se trouvent sur un pont qui domine les pertes du Rhone. Les bourgeois - un homme et une femme - se font expliquer ce qu'est les pertes du Rhone : en aval du pont de Grésin sur le territoire de Vanchy, le Rhone est souvent coupé de rochers, les bords prennent plus de hauteur et d'escarpement, les eaux forment des rapides fougueux dont le plus connu est la perte du Rhone, près de Bellegarde-sur-Valserine. C'est là que le fleuve s'engoufrait sous une arche naturelle de rocher de 4 m. d'ouverture et coulait dans un lit souterrain pendant 60 mètres. En 1828, on a fait sauter les rochers pour que le flottage des bois put commencer plus haut ; aujourd'hui ce n'est guère que dans les hivers rigoureux et secs que le Rhone se perd complètement dans les rochers ».

Ce commentaire montre la difficulté d'interprétation des images et textes anciens quand on n'est ni spécialiste en archives, ni historien. Le commentaire parle d'arche et de parcours souterrain, détruit en 1828. Il est possible que le Rhône ait emprunté un conduit karstique comme il peut en exister dans la barre calcaire urgonienne (similaire par exemple à celui de l'Arize), Mais, faute d'image précise et exacte, il est possible d'interpréter cette description non pas comme un vrai lit souterrain, mais comme une disparition du Rhône (pendant les périodes de basses eaux) sous des amoncellements de blocs rocheux éboulés chapeautant la gorge de 2ème ordre. Si le bloc éboulé amont recouvre à lui seul l'étroite gorge, on pourrait parler d'arche, ce que fait le commentaire.

Mais quelle que soit la morphologie exacte de ce secteur avant toute intervention humaine, cette morphologie a constamment évolué entre le début du XIXème siècle et 1947-1948. On a modifié le lit à coup d'explosif pour faciliter le transport du bois. Puis une partie du débit fut captée vers la fin du XIXème siècle par un "petit" barrage situé juste avant la cascade (le barrage dit Barrage des Forces Motrices) et une partie des eaux, empruntait un tunnel horizontal de quelques centaines de mètres, puis rejoignait par des conduites forcées des turbines situées au niveau du confluent avec la Valserine. Puis, pour utiliser le maximum de la puissance du Rhône, un grand barrage fut construit 10 km en aval de Bellegarde sur Valserine : le barrage de Génissiat, d'une hauteur de 104 m et retenant un lac artificiel de 23 km de long et de 56 millions de m3. Ce barrage, commencé juste avant la Seconde Guerre Mondiale, fut mis en eau en 1947-1948, ce qui a complètement noyé le site remarquable des pertes du Rhône. Le barrage de Génissiat a une puissance installée de 420 MW et a une production annuelle de 1700 GWh, soit l'équivalent de la moitié d'une centrale nucléaire. S'il y avait eu une sensibilité écologique entre les années 1930 et 1950, il aurait fallut choisir entre une grande production d'énergie (renouvelable) et la destruction d'un site remarquable. Mais ce problème ne se posait pas au sortir de la guerre. On peut penser qu'actuellement une autre solution aurait pu être choisie pour récupérer cette énergie renouvelable sans détruire ce site (soyons optimistes) : faire en grand ce que le Barrage des Forces Motrices faisait localement il y a un siècle : installer un  "petit" barrage une quinzaine de kilomètres en amont des pertes (juste en amont du défilé de l'Écluse), creuser un tunnel presque horizontal (qui court-circuiterait les pertes) jusqu'à un point bas bien en aval, au niveau de l'actuel barrage de Génissiat.

Photographie aérienne IGN annotée et brute prise le 13 septembre 1947, juste avant la mise en eau du barrage de Génissiat

Figure 7. Photographie aérienne IGN annotée et brute prise le 13 septembre 1947, juste avant la mise en eau du barrage de Génissiat

On retrouve les éléments morphologiques des figures 1 à 6. "D" représente le début (l'amont) des pertes sensu stricto, là où le Rhône est le plus étroit ; "F" représente la fin (l'aval). "PL" correspond à l'ancien pont de Lucey qui vient d'être détruit juste avant la mise en eau de Génissiat. "BFM" représente le Barrage des Forces Motrice.


Zoom centré sur les pertes du Rhône sensu stricto

Figure 8. Zoom centré sur les pertes du Rhône sensu stricto

Si cette photo ne permet pas de bien distinguer l'emboitement des gorges de 1er et 2ème ordre (on est en septembre, période de hautes eaux), on voit très bien le chaos rocheux dans lequel le Rhône disparait presque complètement, en amont de l'ancien pont de Lucey.


Ancienne carte postale (postée en 1912) montrant le fond des pertes du Rhône en 1912

Figure 9. Ancienne carte postale (postée en 1912) montrant le fond des pertes du Rhône en 1912

Une passerelle permettant les visites est visible sur la gauche. On peut noter le caractère horizontal des couches de calcaires.


Carte postale montrant le fond de la perte du Rhône, avec l'eau ne coulant que dans la gorge de 2ème ordre

Figure 10. Carte postale montrant le fond de la perte du Rhône, avec l'eau ne coulant que dans la gorge de 2ème ordre

Au moins 200 m3/s passent dans ces gorges profondes, et larges de seulement quelques mètres. C'est en de tels sites qu'on pouvait, si on était courageux, franchir le Rhône d'un seul bon. Le chaos rocheux visible sur les images 2 et 5 commence juste au premier plan de la photo.


Photographie montrant le fond de la perte du Rhône, avec l'eau ne coulant que dans la gorge de 2ème ordre

Figure 11. Photographie montrant le fond de la perte du Rhône, avec l'eau ne coulant que dans la gorge de 2ème ordre

Au moins 200 m3/s passent dans ces gorges profondes, et larges de seulement quelques mètres. C'est en de tels sites qu'on pouvait, si on était courageux, franchir le Rhône d'un seul bon. Le chaos rocheux visible sur les images 2 et 5 commence juste au premier plan de la photo.


Mais, même modifiées par le Barrage des Forces Motrices, les pertes du Rhône étaient une importante attraction touristique dès le début du XIXème siècle et étaient visitées par des « bourgeois ». Une passerelle à flanc de muraille permettait de les parcourir à pied au début du XXème. Ce serait certainement un site très visité en 2016 si elles existaient encore.

Les pertes du Rhône ont maintenant disparu sous les eaux du lac de Génissiat. Mais on peut se faire une (petite) idée de ce à quoi elles ressemblaient de deux façons : en allant voir un "modèle réduit" de telles pertes, les pertes de la Valserine, ce que nous ferons la semaine prochaine, ou en profitant d'une vidange du lac de Génissiat. Périodiquement, le lac de Génissiat est vidé pour la vérification-maintenance du barrage ou pour des problèmes de transfert de sédiments commençant dès la Suisse (les prochaines chasses du Rhône doivent avoir lieu en mai 2016, les dernières ayant eu lieu en mai-juin 2012). On pourrait alors "voir" le site des pertes. Cette visite n'est pas facile. Le pont de Lucey n'existe plus. Les flancs anciennement immergés de la vallée sont très difficiles (et souvent interdits) d'accès, et recouverts d'alluvions boueuses. La dernière vidange a eu lieu en mai-juin 2012. Le niveau du Rhône était plus haut que les hautes eaux un siècle plus tôt, car la vidange n'a pas été totale. On ne pouvait pas observer le site précis des pertes, puisque le niveau du Rhône arrivait presque au niveau des restes de l'ancien pont de Lucey. On pouvait par contre bien voir le confluent du Rhône et de la Valserine ainsi que la vallée de la Valserine juste en amont, ce qui donne quand même une idée de ces pertes du Rhône d'avant Génissiat.

Le confluent du Rhône et de la Valserine (en haut) photographié pendant la vidange (partielle) du lac en juin 2012 et localisation sur carte ancienne

Figure 12. Le confluent du Rhône et de la Valserine (en haut) photographié pendant la vidange (partielle) du lac en juin 2012 et localisation sur carte ancienne

En bas, carte de ce même secteur datant du début du XIXème siècle, avant tout aménagement hydroélectrique. Les deux traits bleus correspondent au champ de la prise de vue du haut ; l'ellipse rouge correspond à l'emplacement des pertes du Rhône. Le niveau normal du lac correspond à la limite sol végétalisé / sol nu. La grande plaine "nue" (et recouverte d'alluvions), habituellement sous quelques mètres d'eau, correspond à l'espace plan visible sur la carte entre le Rhône venant de l'Est (de gauche) et la Valserine venant du Nord (de droite). Rhône comme Valserine coulent au fond de deux gorges d'environ 15-20 m de profondeur, gorges dont on voit le haut à droite et à gauche de l'image. Les pertes du Rhône (la gorge de 2ème ordre) sont invisibles, car situées quelques dizaines de mètres en amont de la limite gauche de l'image et de toutes façons au fond de la gorge et seraient cachées à notre regard par le rebord de la gorge de 1er ordre. Au fond, la ville moderne de Bellegarde sur Valserine et le viaduc de l'autoroute.


Les gorges de la Valserine quelques dizaines de mètres avant son confluent avec le Rhône que l'on voit au fond

Figure 13. Les gorges de la Valserine quelques dizaines de mètres avant son confluent avec le Rhône que l'on voit au fond

Cette photo a été prise en juin 2012, pendant une vidange partielle du lac du barrage de Génissiat. Sur sa rive gauche la gorge, à paroi verticale en haut, dessine un replat et redevient verticale en bas. Peut-être une analogie entre cette gorge de la Valserine et les pertes du Rhône avec leurs deux ordres de gorges emboitées, bien que cette "terrasse" semble bien trop élevée pour correspondre au sommet de la gorge de 2ème ordre des Pertes du Rhône.


Les ruines du pont de Lucey photographiées pendant la vidange (partielle) de 2012

Figure 14. Les ruines du pont de Lucey photographiées pendant la vidange (partielle) de 2012

Le Rhône est encore beaucoup trop haut pour que le système de gorges emboitées, les fameuses pertes, soit visible. Peut-être lors de la prochaine vidange ?


Mécanisme schématique très simplifié de la formation des pertes comme celles du Rhône ou celles de la Valserine

Figure 15. Mécanisme schématique très simplifié de la formation des pertes comme celles du Rhône ou celles de la Valserine

Il y a environ 15 000 ans, une nouvelle surface topographique vient de se créer, libérée par le retrait glaciaire (surface beige claire). Le nouveau Rhône s'installe sur cette surface. Cette nouvelle surface comprenait un "escarpement" à signification de cuesta, relique de l'érosion glaciaire ou d'une histoire antérieure, et pouvant être due, par exemple, à l'alternance entre des couches de dureté différente. Le Rhône franchit le nouvel escarpement par une cascade (étape 1). Cette cascade érode l'escarpement et recule vers l'amont –on parle d'érosion régressive -, ce qui creuse une gorge étroite (étape 2). Si l'escarpement est constitué de couches plus résistantes à la base qu'au sommet, on peut arriver à des gorges "emboitées", comme c'est le cas pour les pertes du Rhône. Ce schéma de base est bien sûr plus complexe dans la réalité. La nouvelle surface présentant cet escarpement peut ne pas être "plate" comme sur le schéma mais déjà former une vallée plus ou moins large ; il peut y avoir plusieurs escarpements initiaux formant une sorte d'escalier ; cette surface peut être localement recouverte de plaquages tardifs, comme des dépôts glaciaires ; la couche entaillée peut contenir des galeries karstiques qui seront transformées en gorges encore plus étroites…

On peut noter qu'une des plus célèbres chutes situées en amont d'une gorge à la suite d'une érosion régressive, les chutes du Niagara, sont dues à un processus de ce type, et assez simple dans ce cas : libération d'un escarpement par le retrait des glaciers et retrait vers l'amont de la cascade que fait le fleuve Saint Laurent en franchissant cet escarpement.


Extrait de la carte IGN des environs de Bellegarde sur Valserine (Ain)

Figure 16. Extrait de la carte IGN des environs de Bellegarde sur Valserine (Ain)

L'astérisque rouge localise l'emplacement des pertes du Rhône, l'astérisque jaune indique les pertes de la Valserine (que nous visiterons la semaine prochaine).


Contexte morphologique des pertes du Rhône et de la Valserine

Cadre géologique des pertes du Rhône et de la Valserine