Image de la semaine | 02/02/2015
La cluse du Val de Fier et l'anticlinal du Gros Foug (Savoie et Haute Savoie) : antécédence ou surimposition ?
02/02/2015
Résumé
Pourquoi un cours d'eau traverse-t-il une montagne plutôt que de la contourner ? Scénarios possibles et observations décisives.
Le Val de Fier regroupe la montagne du Gros Foug. Il est situé sur la rive gauche du Rhône, et donc situé dans les Alpes pour un géographe. Les géologues ne séparent pas Jura et massifs subalpins selon des critères géographiques, mais selon leur colonne stratigraphique. Est appelé Jura ce qui n'est constitué que de faciès jurassiques et crétacés superficiels (mer peu profonde). Est appelé massifs subalpins ce qui comprend des faciès profonds dans sa colonne stratigraphique, en particulier dans le Jurassique. Le Gros Foug est constitué de faciès sédimentaires de type Jura. Et bien que sur la rive gauche du Rhône, c'est encore un pli du Jura. Il en a d'ailleurs la morphologie coffrée.
Le Val de Fier est un exemple parfait de ce que les géomorphologues appellent « cluse » quand ils décrivent les formes de reliefs dans une région plissée. Un anticlinal conforme est appelé « mont », un synclinal conforme « val », et des gorges qui recoupent perpendiculairement un mont sont appelés « cluse ». Le problème vient de l'origine des cluses. Alors qu'il serait logique que le réseau hydrographique emprunte les points bas et que les rivières coulent au fond des vals (ou vaux, au choix), on peut se demander pourquoi et comment une rivière recoupe une montagne (ici en l'entaillant d'une gorge plus de 500 m de profondeur), alors qu'il semble tellement plus facile de contourner les monts en suivant les vals.
Les 3 figures suivantes nous montrent des images à différentes échelles de ce Gros Foug et du val de Fier, photographies prises du Grand Colombier. Les 5 images d'après sont des images du Géoportail, montrant soit des photograpghies, soit des cartes du relief, et permettent de mieux poser le problème. Puis nous proposerons une réponse à ce problème, avec des réflexions théoriques et en consultant les cartes géologiques du BRGM.
Cette question des cluses qui recoupent des monts anticlinaux est vieille comme la géomorphologie. Deux scénarios extrêmes sont proposés, correspondant à deux situations initiales bien différentes.
La première situation correspond à ce qu'on appelle l'antécédence, parce que la rivière coulait avant la formation du pli. La rivière coulait sur un terrain plat constitué de couches horizontales. Elle y a creusé une vallée a priori peu profonde. Un plissement a déformé cette série et a engendré un anticlinal qui s'est bombé très progressivement (typiquement avec une vitesse de l'ordre de grandeur du mouvement des plaques, à savoir une vitesse de l'ordre du centimètre/an). La rivière s'est (relativement) enfoncée sur place au niveau de l'anticlinal et y a creusé une cluse.
La deuxième situation est appelée surimposition, parce que des couches (horizontales) peu résistantes se surimposent et recouvrent en discordance un anticlinal préexistant, anticlinal fait de roches résistantes. La rivière creuse une vallée dans les couches discordantes peu résistantes. Quand le fond de la vallée atteint le sommet de l'ancien anticlinal, elle ne peut plus aller à droite ou à gauche, bloquée par les versants qu'elle vient de creuser. Elle ne peut plus qu'entailler sur place l'anticlinal dans la continuité de son tracé (amont et aval) creusé dans la roche tendre. L'érosion générale érodant beaucoup plus les roches tendres que de les roches dures constituant l'anticlinal, celui-ci se retrouve en relief au bout d'un "certain temps", relief alors traversé par une cluse.
Il ne reste plus qu'à étudier la géologie locale du Gros Foug et de ses bordures quelle est la situation de ce cas précis et pour comprendre l'origine de la cluse du val de Fier
On pourrait supposer que le Miocène c'est déposé (à l'horizontal) après les plissements qu'elle a entièrement recouvert. Puis la vallée du paléo-Fier se serait creusée en entaillant "sur place" le Miocène et l'anticlinal. Le dégagement de la majorité du Miocène par l'érosion (notamment glaciaire) aurait laissé en relief l'anticlinal et sa cluse. On aurait là un bel exemple de surimposition.
On pourrait aussi supposer que le Miocène s'est déposé en concordance sur une série antérieure (du Jurassique à l'Oligocène) non plissée, et que l'ensemble (Miocène + substratum) a été plissé en anticlinal avec creusement d'une cluse. Puis le Miocène, bien plus tendre aurait été enlevé par l'érosion au niveau de l'anticlinal. On aurait là un bel exemple d'antécédence.
Il n'y a plus qu'aller voir (sur le terrain ou sur les cartes géologiques) si le Miocène est plissé et concordant avec son substratum, ou s'il n'est pas plissé et repose en discordance sur un substratum précédemment ployé en anticlinal.
Source - © 2013 D'après Maurice Gidon GEOL-ALP
On peut noter qu'une publication de R. Mouchet dont la première partie du titre est quasiment analogue au nôtre, Le Val de Fier : antécédence ou surimposition ? Étude de la formation et de l'évolution d'une cluse, posait déjà le problème en 1940 et aboutissait à la même conclusion : la cluse du Val de Fier est due à un phénomène d'antécédence.
Pour finir, quelques vues de l'amont, du milieu et de l'aval de la cluse du Val de Fier.