Image de la semaine | 09/09/2024
Le recul des glaciers d'Aletsch et de Fiesch (canton du Valais, Suisse) du XIXe au XXIe siècle
09/09/2024
Résumé
Comparaison de gravures, photographies anciennes et récentes pour constater et quantifier la diminution du volume et le recul du front des glaciers.
Sur la rive droite (rive Ouest), à une centaine de mètres au-dessus du glacier, on voit très bien une limite entre une partie inférieure non végétalisée et une partie supérieure végétalisée. Cette limite est surlignée en bleu dans la photo du bas. Cette rive droite est “entaillée” par une vallée (sans glace dans sa partie basse) dans laquelle pénètre la limite terrain végétalisé / terrain non végétalisé. On peut interpréter cette limite terrain végétalisé / terrain non végétalisé comme marquant la hauteur maximale atteinte par ce glacier dans la deuxième moitié du XIXe siècle, au maximum de ce qu'on appelle le « Petit Âge glaciaire ». Si cette interprétation est correcte, la vallée au centre de l'image devait, aux XVIIIe et XIXe siècle, correspondre à un glacier rejoignant le glacier d'Aletsch. Depuis 150 ans, sol et végétation n'ont pas eu le temps de se reconstituer totalement là où le recul du glacier a “libéré” la roche, et la limite est encore bien visible. Ce Petit Âge glaciaire a été abordé plusieurs fois, par exemple dans Les variations climatiques "pour les nuls" ou encore Température du sol et variations climatiques au cours des derniers millénaires.
Localisation par fichier kmz du front actuel du glacier d’Aletsch (Valais, Suisse).
Les images Google Earth montrent que cette limite terrain végétalisé / non végétalisé se retrouve à la même altitude sur les deux rives du glacier, ce qui renforce cette interprétation. Et si cette interprétation est correcte, l'utilisation de la fonction “profil topographique” de Google Earth permet de mesurer l'épaisseur de glace disparue depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, ce qu'illustre la figure suivante, qui montre que le glacier d'Aletsch a perdu environ 80 m d'épaisseur ces 150 dernières années.
Sur le profil construit par cette fonction, on voit que la limite terrain végétalisé / terrain non végétalisé (les deux punaises rouges) existe sur les deux rives du glacier, qu'elle est approximativement à la même altitude sur les deux rives, et que la surface du glacier actuel est située environ 80 m plus bas. Le glacier aurait donc perdu 80 m d'épaisseur à l'aplomb de l'Eggishorn. En répétant cette mesure tout le long du glacier, on pourrait faire calculer à des élèves la perte de volume du glacier au cours des 150 dernières années.
Le recul des glaciers depuis la fin du XIXe siècle est un fait bien connu. Il se déduit d'observations géologiques comme dans les deux figures qui précèdent, et aussi de chroniques historiques (textes, gravures, premières photographies…). Ce recul des glaciers est dû à un réchauffement et/ou une baisse des précipitations neigeuses, qui ont deux causes successives : la fin du Petit Âge glaciaire (qui a duré du XVIIe au XIXe siècle), suivie du réchauffement d'origine anthropique. Nous ne discuterons pas ici des causes ou le l'ampleur, ni du Petit Âge glaciaire, ni du réchauffement anthropique dû à l'augmentation des gaz à effet de serre due elle-même à l'utilisation des combustibles fossiles. Mais nous comparerons des photographies des glaciers d'Aletsch et de Friesch prises au XXIe siècle avec des gravures ou photographies anciennes (XIXe siècle), qui révèleront l'ampleur du recul de ces deux glaciers. Pour cela, nous utiliserons des documents d'archives qu'on peut trouver en cherchant sur le web. Nous utiliserons aussi des reproductions de gravures ou de photographies anciennes exposées dans des lieux publics, comme des halls de gare ou des salons d'hôtel. En effet, les Suisses sont moins “frileux” et plus lucides que les Français et n'hésitent pas à sensibiliser le grand public aux effets des variations climatiques. Dans la mesure du possible, nous ferons des allers-retours entre documents anciens et photographies récentes.
Planet-terre a déjà illustré ce recul des glaciers, recul général dans toutes les Alpes, et quasiment dans tous les massifs montagneux du globe, de la Patagonie au Groenland et à l'Antarctique… Citons quelques articles de manière non exhaustive : La Mer de Glace : grandeur (et décadence ?) d'un glacier alpin, Quand le retrait glaciaire permet de voir des stries glaciaires presque en "flagrant délit" de formation : glacier de Saint Sorlin, massif des Grandes Rousses (Savoie), La disparition d'un glacier alpin : l'ex glacier des Prés les Fonts, le Monêtier-les-Bains (Hautes Alpes), Le recul des glaciers et l'avancée de leur glace.
Cette lithographie représente le panorama dessiné sur 360° vu depuis le sommet de l'Eggishorn (sommet situé 50 m au-dessus de l'arrivée du téléphérique, mais d'accès interdit aux promeneurs non équipés “montagne” en juin 2024 du fait de l'abondance de la neige. Des zooms sur le titre de la lithographie et sur son auteur (Xaver Imfeld, 1853-1909) sont agrandies et disposés à la base de la figure. Nous utiliserons cinq zooms extraits de cette lithographie pour des comparaisons XIXe / XXIe siècle (figures 4, 5, 8, 12 et 23).
Le canapé donne l'échelle.
Les interprétations proposées à la lecture du paysage (cf. figure 1) à savoir (1) que la limite terrain végétalisé / terrain non végétalisé correspond bien à la hauteur maximale atteinte par ce glacier dans la deuxième moitié du XIXe siècle, et (2) que la vallée au centre de l'image devait, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, correspondre à un glacier rejoignant le glacier d'Aletsch sont vérifiées / validées par les données historiques. Avis aux climato-négationnistes.
En 1880, cette vallée était occupée par un glacier rejoignant le gracier d'Aletsch. Ce “petit” glacier était nommé Mittelaletschgletscher avant sa quasi-disparition. | |
Source - © 1890@1905 Auteur inconnu / Library of Congress – Domaine public En 1900, cette vallée secondaire était occupée par un glacier rejoignant le gracier d'Aletsch. Ce “petit” glacier était nommé Mittelaletschgletscher avant sa quasi-disparition. |
Source - © 2006 panoramio De cet ancien glacier, il ne reste plus que le cirque à être encore englacé. La limite terrain végétalisé / terrain non végétalisé correspondant à la hauteur maximale atteinte par ce glacier dans la deuxième moitié du XIXe siècle est particulièrement visible. L'ampleur de la diminution d'épaisseur du glacier est particulièrement saisissante. |
Ce lac est dû au barrage d'une petite vallée adjacente, vallée barrée par le glacier d'Aletsch, glacier à son plus haut niveau en cette fin de XIXe siècle. Des icebergs flottent sur ce lac. |
La baisse du niveau du glacier d'Aletsch d'au moins 80 m a entrainé la quasi-disparition du lac de Märjele qui n'est plus visible que sous la forme d'une petite tache bleue. |
Source - © 1840 glaciers-climat.com |
Source - © 2008 Konkord – CC BY-SA 3.0 Figure 11. Le lac de de Märjele vu depuis le sol en 2008 (canton du Valais, Suisse) La réduction de taille entre 1840 et 2008 est saisissante, malgré la légère différence d'angle de prise de vue et l'absence d'échelle sur ces images. |
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Source - © 2008 panoramio Les 125 ans de retrait se voient très bien grâce aux limites de végétation sur les deux rives. |
Figure 14. Langue terminale du glacier d'Aletsch en 1850, photographie prise en direction de l'amont Cette photographie ancienne est affichée dans le hall de la gare de Grindelwald, station de montagne située sur le versant Nord du massif de l'Oberland bernois où se situe le glacier d'Aletsch. Juste à côté de cette photographie de 1850 est affichée une photographie (figure suivante) libellée « Heute – Today » », sans préciser à quelle année correspond cet « aujourd'hui ». |
Cette photographie récente est affichée dans le hall de la gare de Grindelwald, station de montagne située sur le versant Nord du massif de l'Oberland bernois où se situe le glacier d'Aletsch. Juste à côté de cette photo récente est affichée une photo datant de 1850 (figure précédente). Malgré la légère différence de prise de vue, la comparaison entre ces deux photos est saisissante et montre l'ampleur du retrait glaciaire en un siècle et demi. |
Source - © 2008 panoramio |
Source - © 2004 D'après Zuecho – CC BY-SA 3.0, modifié |
Cette carte est affichée dans le hall de la gare de Grindelwald à côté des photos des figures 14 et 15. Une échelle approximative a été ajoutée en bas à gauche de cette carte. |
Source - © 2023 GLAMOS , modifié Figure 19. Évolution de la diminution annuelle de la longueur totale du glacier d'Aletsch Ce diagramme montre l'amplitude annuelle du recul du front entre 1875 et 2022. Les mesures annuelles n'ayant commencé qu'en 1892, les deux valeurs de 1881 et 1886 (entourées de pointillés rouges) correspondent à 5 années cumulées de retrait. Les années pointées en rouge correspondent aux trois années de la figure 17. Ce retrait est très inégal selon les années, variant de 0 à 115 m de retrait. Cela traduit les variations annuelles de la météorologie locale (années sèches ou humides, chaudes ou froides…). Cette variabilité se surajoute à la tendance générale de l'augmentation de l'amplitude du retrait annuel. GLAMOS 1881-2023, The Swiss Glaciers 1880-2022/23, Glaciological Reports No 1-142, Yearbooks of the Cryospheric Commission of the Swiss Academy of Sciences (SCNAT), VAW / ETH Zurich, doi:10.18752/glrep_series. |
Source - © 2023 GLAMOS , modifié Figure 20. Diminution cumulée de la longueur du glacier d'Aletsch depuis 1870 En 150 ans, le glacier a perdu environ 3 500 m de longueur. On voit aussi que le rythme de cette diminution (la pente [= la dérivée] de cette courbe) augmente avec le temps. GLAMOS 1881-2023, The Swiss Glaciers 1880-2022/23, Glaciological Reports No 1-142, Yearbooks of the Cryospheric Commission of the Swiss Academy of Sciences (SCNAT), VAW / ETH Zurich, doi:10.18752/glrep_series. |
Le réseau des observations glaciaires suisses (GLAMOS) permet d'avoir des chiffres et des courbes montrant le recul de tous les glaciers des Alpes suisses, en particulier le recul du glacier d'Aletsch. Nous vous montrons deux de ces courbes ci-dessus.
Depuis l'Eggishorn, on peut admirer le glacier d'Aletsch. En se retournant et en regardant vers le Nord-Est, on découvre un deuxième glacier, le glacier de Fiesch. Il s'agit du troisième plus grand glacier de Suisse (longueur de 15 km et surface de 29 km2, chiffres de 2011). Nous allons voir que, comme le glacier d'Aletsch, le glacier de Fiesch a subi un très important retrait depuis 150 ans.
L'Eggishorn est localisé par la punaise jaune. | |
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Source - © 1916 Leo Wehrli / ETH Zurich – CC BY-SA 4.0 |
Source - © 2001 Flyout – CC BY-SA 3.0 |
Source - © 2023 GLAMOS , modifié Figure 26. Diminution cumulée de la longueur du glacier de Fiesch (canton du Valais, Suisse) depuis 1870 En 150 ans, le glacier a perdu environ 1600 m de longueur. On voit aussi que cette diminution augmente avec le temps, avec une augmentation de la rapidité du recul à partir de 1960. GLAMOS 1881-2023, The Swiss Glaciers 1880-2022/23, Glaciological Reports No 1-142, Yearbooks of the Cryospheric Commission of the Swiss Academy of Sciences (SCNAT), VAW / ETH Zurich, doi:10.18752/glrep_series. |