Image de la semaine | 05/03/2012
La disparition d'un glacier alpin : l'ex glacier des Prés les Fonts, le Monêtier-les-Bains (Hautes Alpes)
27/02/2012
Résumé
Moraines et recul des glaciers.
Nous avons eu des mois de décembre 2011 et janvier 2012 particulièrement doux. Peut-être certains "écolos" en ont-il tiré argument pour prouver la réalité du réchauffement climatique. Nous avons eu par contre un début février plus froid que la moyenne, et peut-être certains "climato-sceptiques" s'en sont servi pour nier le réchauffement climatique. Ceux qui auraient utilisé l'un ou l'autre de ces arguments, dans un sens ou dans un autre, auraient simplement montré qu'ils ne faisaient pas la différence entre cas particulier et tendance générale, entre météorologie et climat. De même qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, un début d'hiver doux ou un mois de février froid en Europe occidentale ne signifient rien quand à l'évolution du climat, ni au niveau local, ni au niveau global. Pour apprécier une évolution climatique, il faut tout d'abord séparer l'évènement exceptionnel d'une tendance globale. Et si tendance globale il y a, il faut séparer une tendance locale d'une tendance générale à l'échelle du globe.
Pour estimer une vraie tendance locale, en plus des statistiques faites sur une longue période de temps, il existe des phénomènes biologiques ou géologiques qui intègrent les variations climatiques sur une longue période de temps, et qui permettent de dégager d'éventuelles tendances générales.
La variation de taille des glaciers (glaciers polaires ou glaciers de montagne) permet d'apprécier cette variation du climat à l'échelle d'une région.
Les petits matins de décembre, avec leur soleil bas sur l'horizon, leur éclairage rasant et leur couverture neigeuse, permettent parfois de bien visualiser les reliefs. En témoignent ces photos prisent le 11 décembre 2011 vers 9h du matin, au Monêtier-les-Bains, sur la route de Briançon, au col du Lautaret. On y voit très nettement les moraines latérales et frontales d'un petit glacier, avec leur forme caractéristique de fer à cheval. Mais manifestement, le glacier n'est plus présent derrière ces moraines.
L'utilisation de Google Earth permet de voir ces moraines sous d'autres angles, et de constater qu'effectivement le glacier n'existe plus, ou plus précisément n'existait plus durant l'été 2010, date de la prise de la photographie Google Earth.
Avec la fonction « image historique » à laquelle on peut accéder par la rubrique « affichage » dans la barre d'outil de Google Earth, on peut retrouver une image mise en ligne en janvier 2003 (prise en été 2002), sans aucune brume. On y distingue encore mieux les moraines que sur l'image de 2010, et on voit aussi qu'il reste un peu de « blanc » en amont des moraines. Avec la résolution de ces images, on ne peut pas savoir s'il s'agit de plaques de neige non encore fondues en cette période de l'été 2002 (cas probable dans la partie aval de l'ex glacier), ou d'un tout petit glacier résiduel (ce qui est possible en amont).
Grâce à la possibilité de superposer la carte géologique BRGM 1/50 000 à l'image Google Earth, et comme cette carte géologique (Saint Christophe en Oisans) utilise un fond topographique IGN datant de 1967, on peut voir l'état des glaciers en 1967.
Les 3 figures suivantes illustrent recul et disparition de ce glacier sous un autre angle de vue.
On peut comparer le recul de ce glacier des Prés les Fonts avec celui d'autres « petits glaciers » en situation topographique peu différente : situés au pied de crêtes d'altitude « modérée » (moins de 4000 m), alimentés par les nombreuses avalanches qui en sont issues, et possédant une faible surface d'alimentation à altitude supérieure à 3000 m. C'est par exemple le cas des glaciers des Nantillons et de Blaitière situés sur le versant Nord-Ouest des Aiguilles de Chamonix. Là encore, Google Earth permet de comparer la taille de ces glaciers au début du 20ème siècle (avec leurs moraines particulièrement visibles), pendant l'année 1975 (date du fond topographique de la carte géologique BRGM Chamonix 1/50 000), et en 2010, date de la dernière photographie affichée par Google Earth.
On peut noter que si le glacier des Prés les Fonts a disparu, ce n'est pas le cas des glaciers des Nantillons et de Blatière. Ceux-ci ont fortement diminué mais existent encore, bien que leurs anciens fronts étaient à peu près à la même altitude que celui du glacier des Prés les Fonts. Cette différence de destin est sans doute à relier à la latitude plus élevée de Chamonix par rapport au Monêtier-les-bains (Chamonix est environ 100 km plus au Nord que Monêtier-les Bains), à l'exposition différente (exposés globalement au Nord-Ouest pour les glaciers de Chamonix, au Nord-Est pour les glaciers du Monêtier) au climat plus méditerranéen des Hautes Alpes et à la plus basse altitude des crêtes bordant le glacier des Prés les Fonts.
Il n'y a pas que les glaciers cités ci-dessus qui ont diminué de taille (ou ont disparu) dans les Alpes. D'autres ont déjà été évoqués à l'occasion d'autres images de la semaine : moraine latérale du glacier de l'Invernet, table glaciaire du glacier Nord de la Chiaupe, icebergs au pied du glacier de Bellecôte, farine glaciaire près du front du glacier des Quirlies.
En décembre 2011, au congrès annuel de l'American Geophysical Union, des glaciologues français (équipes de Grenoble, de Toulouse…) ont fait le point sur le triste état des glaciers des Alpes françaises. On peut, comme l'a fait Le Monde daté du 11-12 décembre 2011, résumer ces communications. La surface des glaciers alpins français est passée de 374 km2 au début des années 1970, à 275 km2 aujourd'hui. La perte de surface a été deux fois plus importante entre 1986 et 2003 qu'entre 1970 et 1986. Les chercheurs ont noté une accélération du phénomène, accélération sans précédent depuis au moins un siècle et demi. Cette diminution de surface est variable selon les massifs : 10% « seulement » pour le massif le plus haut (Mont Blanc), et disparition quasi totale des glaciers de l'Ubaye, par exemple. Si la diminution de surface est facile à mesurer grâce aux images aériennes et satellitales, la diminution d'épaisseur (donc de volume) est beaucoup plus difficile à mesurer pour l'ensemble des glaciers. Pour les glaciers bien étudiés, cette diminution d'épaisseur s'accélère, elle aussi. Elle était par exemple de 60 cm/an en moyenne sur la langue terminale de la Mer de Glace entre 1979 et 1994. Elle était de 4 m/an en moyenne entre 2000 et 2008.
Heureusement, comme l'affirment certains "climato-sceptiques" (qu'on devrait plutôt appeler "climato-négationistes"), que le réchauffement climatique n'existe pas ! Quel serait le recul des glaciers si ce réchauffement existait ?!?