Image de la semaine | 03/06/2024
Les mines d'ocre de Bruoux (commune de Gargas, Vaucluse)
03/06/2024
Résumé
Exploitations d’ocres, des colorants naturels. Formations des ocres par altération de grès glauconieux.
On appelle "ocre" une argile (kaolinite) colorée par divers oxydes et hydroxydes de fer (Fe3+) ce qui lui donne une variété de couleurs allant du rouge, au brun et au jaune suivant les proportions de ces divers oxy-hydroxydes. Des traces d'oxyde de manganèse peuvent encore augmenter la palette des couleurs. Dans la nature, et en particulier en Provence, cette argile colorée est associée à du sable qui peut constituer jusqu'à 90 % de la roche brute, qu'on appelle souvent aussi (par abus de langage) « ocre ».
Les ocres de Provence sont d'âge albien (Crétacé inférieur, 112 à 100 Ma). La notice de la carte géologique BRGM à 1/50 000 de Cavaillon décrit ainsi l'Albien : « C1b, Sables ocreux, jaunes et rouges, micacés, glauconieux surtout à leur partie inférieure, à stratification entrecroisée. Le façonnement éolien du quartz à certains niveaux laisse supposer des émersions locales (plages, dunes). Pas de fossiles, mais des tubes cylindriques évoquent des fragments de roseaux [mais des tubes de « vers » ne sont pas exclus]. Épaisseur : 20 m. » Outre dans la commune de Gargas, on trouve de ces ocres sur une bande de terrain s'étendant de 15 km à l'Ouest à 15 km à l'Est de Gargas. Plusieurs sites sont particulièrement spectaculaires et très appréciés des touristes, comme le Colorado Provençal de Rustrel, et les environs de Roussillon (cf. Les ocres de Roussillon, Vaucluse).
L'origine de ces ocres est à rechercher dans l'histoire albienne et post-albienne du Sud de la France. On peut d'abord remarquer que ces ocres sont contemporaines des grès glauconieux albiens de Saint-André-de-Rosans dans les Hautes-Alpes (cf. Les plus belles boules de France : les sphères de grès de Saint-André-de-Rosans, Hautes Alpes), l'arrivée de sables majoritairement quartzeux étant générale dans la région. Ces grès haut-alpins et leurs célèbres boules sont exclusivement marins, et la sédimentation marine a continué au Nord de la Provence et dans la région alpine pendant presque tout le Crétacé supérieur. Dans le Sud du Vaucluse, par contre, l'Albien montre déjà des signes d'émersion comme l'indique la notice de la carte géologique de Cavaillon. Cette émersion fut complète par la suite pendant tout le Crétacé supérieur dans tout le Sud de la Provence, dans le Languedoc… Cette émersion est due à une surrection régionale globale, à relier au fonctionnement au Crétacé supérieur de la faille transformante séparant l'Europe de la microplaque ibérico-corso-sarde (voir figure 29 dans Les flyschs du Crétacé-Tertiaire du Pays Basque : slumps et méga-slumps, turbidites et méga-turbidites…), émersion qui voit se former les « bauxites de Provence » un peu plus au Sud, sur ce qu'on appelle classiquement « l'isthme durancien ». Quand ces sables quartzeux se sont déposés, ils contenaient un peu de muscovite et des argiles dont de la glauconite ((K,Na)(FeIII,Al,Mg)2[(Si,Al,FeIII)4O10](OH)2), phyllosilicate argileux riche en fer se formant en milieu marin. Ces sables argileux et glauconieux subirent une altération poussée lors de l'émersion du Crétacé supérieur, altération de type intertropicale humide vu le climat qui régnait à ce moment-là au Sud de la France. Tous les silicates (sauf le quartz et une partie de la muscovite) du sédiment donnèrent de la kaolinite [Al2Si2O5(OH)4] qui a rempli les interstices entre les grains de sable. Le fer circulant, notamment celui provenant de la destruction de la glauconite, devint un mélange d'oxydes et d'hydroxydes ferriques intimement associés à la kaolinite. Des niveaux indurés type cuirasse latéritique ont pu se développer ici ou là à la surface et chapeautent localement les couches d'ocre.
L‘ocre est exploitée “industriellement” en Provence depuis la fin du XVIIIe siècle, surtout à ciel ouvert, et aussi en mines souterraines dans le cas des mines de Bruoux. Au maximum de l'exploitation (en 1928), le Vaucluse a produit 40 000 tonnes d'ocre. Dans le cas des mines de Bruoux situées sur la commune de Gargas, plus de 40 km de galeries ont été creusées entre 1848 et leur fermeture dans les années 1950-1960. Le site est devenu un musée et un parcours ouvert aux touristes à partir de 2009. En 2024, une entreprise (la Société des Ocres de France, SOF) exploite encore une carrière (exploitation à l'air libre) sur la commune de Gargas.
Le sable est séparé des argiles colorées grâce à un mélange avec de l'eau, suivie d'une décantation dans des bassins ou d'une centrifugation. Ces argiles colorées (les ocres sensu stricto) constituent des colorants qui furent très recherchés avant l'invention des colorants chimiques. Les ocres ont depuis longtemps été utilisées par les hommes, ne serait-ce que dans les peintures rupestres préhistoriques. Elles furent utilisées pour les peintures, pour colorer mortiers et ciments…
Nous allons suivre le parcours de la visite guidée depuis EG (entrée des galeries) jusqu'à SG (sortie des galeries), repérées sur la figure 5, en suivant 650 m de parcours souterrain. Puis nous reviendrons au bâtiment d'accueil des touristes (AT) en suivant sur 400 m un ancien front de taille (AFT). Les figures 6 à 15 montreront des photographies prises avant la grille fermant la galerie (panneaux explicatifs et détails des strates). La prise de photographies étant interdites (on se demande pourquoi, les raisons de sécurité évoquées ne semblant qu'un prétexte), nous ne vous montrerons qu'une photographie (figure 16) d'au-delà de cette grille (image prise sur le web) ne montrant que très partiellement les techniques d'exploitation, et c'est bien dommage. Les figures 17 à 23 montreront le parcours extérieur retour et ses figures sédimentaires (heureusement les photographies n'y étaient pas interdites !).
Source - © 2024 Mines de Bruoux Mines de Bruoux / Bienvenue en Provence
Source - © 2024 Mines de Bruoux / Bienvenue en Provence |
L'exploitation de l'ocre dans les mines de Bruoux s'est arrêtée il y a plus de 60 ans maintenant. Mais cette exploitation se poursuit encore en carrière aérienne sur la commune de Gargas, exploitée par la Société des Ocres de France (SOF). Le siège social et la compagnie et sa boutique / hall d'exposition (qui vend différents types d'ocres ainsi que d'autres colorants) se situent à Apt.
Source - © 2024 Société des ocres de France / Pays d'Apt – Luberon Tourisme | |
Source - © 2024 Société des ocres de France / Pays d'Apt – Luberon Tourisme |