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Image de la semaine | 04/12/2023

Des Galapagos à la Mauritanie en passant par le vignoble de Champagne et d'autres lieux : des mini et des maxi-cuestas

04/12/2023

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Alternance de couches monoclinales inclinées de duretés différentes et surface d’érosion subhorizontale : des cuestas à toutes les échelles.


Figure 1. Mini-cuestas formées par l'érosion marine dans des dépôts de cendres volcaniques, ile Santiago (archipel des Galapagos, Équateur).

Les cendres volcaniques ont été déposées avec un pendage d'une dizaine de degrés sur la surface, elle aussi inclinée, d'une coulée de basalte. Les niveaux de cendres sont constitués d'alternances de couches indurées et de couches plus tendres. L'érosion dans ces alternances dégage des plans faiblement inclinés (le dessus des couches dures) dominant la couche sous-jacente par une “marche d'escalier” (la ”tranche” de la couche dure) : une mini-cuesta. La surface de la coulée est inclinée car elle correspond vraisemblablement au flanc d'une ride de pression (cf. Rides de pression ( pressure ridges ) à la surface de coulées de lave ). L'échelle est donnée par un iguane marin (cf. L'histoire évolutive des iguanes des Galapagos : entre géologie, phylogénie et programmes de conservation ) visible au second plan, côté gauche.

Localisation par fichier kmz des mini-cuestas dans des dépôts volcaniques de l’ile Santiago (Galapagos).


Figure 2. Mini-cuestas formées par l'érosion marine dans des dépôts de cendres volcaniques, ile Santiago (Galapagos, Équateur).

Les cendres volcaniques ont été déposées avec un pendage d'une dizaine de degrés sur la surface, elle aussi inclinée, d'une coulée de basalte. Les niveaux de cendres sont constitués d'alternances de couches indurées et de couches plus tendres. L'érosion dans ces alternances dégage des plans faiblement inclinés (le dessus des couches dures) dominant la couche sous-jacente par une “marche d'escalier” (la ”tranche” de la couche dure) : une mini-cuesta. La surface de la coulée est inclinée car elle correspond vraisemblablement au flanc d'une ride de pression (cf. Rides de pression ( pressure ridges ) à la surface de coulées de lave ). L'échelle est donnée par un iguane marin visible sur la figure précédente.


Une cuesta peut se définir de la façon suivante (d'après wikipédia) : une cuesta est une forme de relief dissymétrique constituée d'un côté par un talus à profil concave (le front), en pente raide et, de l'autre, par un plateau doucement incliné en sens inverse (le revers). Les cuestas sensu stricto se trouvent aux bordures des bassins sédimentaires peu déformés avec des couches monoclinales ; le relief correspondant peut également être appelé une “côte” (voir, plus loin, les figures 9 à 17 dans le cas du Bassin parisien). L'érosion fait reculer la cuesta, et peut isoler un relief séparé : une butte témoin (voir, plus loin, les figures 9 et 15 à 17). Les mini-reliefs de l'ile Santiago aux Galapagos correspondent à des modèles réduits de “vraies” cuestas.

Figure 3. Mini-cuestas sur l'ile Santiago (Galapagos) formées par l'érosion (marine) dans des dépôts de cendres volcaniques.

Les cendres volcaniques ont été déposées avec un pendage d'une dizaine de degrés sur la surface, elle aussi inclinée, d'une coulée de basalte. Les niveaux de cendres sont constitués d'alternances de couches indurées et de couches plus tendres. L'érosion dans ces alternances dégage des plans faiblement inclinés (le dessus des couches dures) dominant la couche sous-jacente par une “marche d'escalier” (la “tranche” de la couche dure) : une mini-cuesta. La surface de la coulée est inclinée car elle correspond vraisemblablement au flanc d'une ride de pression (cf. Rides de pression ( pressure ridges ) à la surface de coulées de lave ).

Aux Galapagos, de nombreuses plages sont faites de sable noir (sable volcanique). Ici, il s'agit de sable blanc, constitué de débris d'organismes calcaires, en particulier des restes d'oursins (cf. Plages à radioles ("piquants") d'oursins, calcaire, CO2 et atmosphère ).


Figure 4. Mini-cuestas sur l'ile Santiago (Galapagos) formées par l'érosion (marine) dans des dépôts de cendres volcaniques.

Les cendres volcaniques ont été déposées avec un pendage d'une dizaine de degrés sur la surface, elle aussi inclinée, d'une coulée de basalte. Les niveaux de cendres sont constitués d'alternances de couches indurées et de couches plus tendres. L'érosion dans ces alternances dégage des plans faiblement inclinés (le dessus des couches dures) dominant la couche sous-jacente par une “marche d'escalier” (la “tranche” de la couche dure) : une mini-cuesta. La surface de la coulée est inclinée car elle correspond vraisemblablement au flanc d'une ride de pression (cf. Rides de pression ( pressure ridges ) à la surface de coulées de lave ).

Aux Galapagos, de nombreuses plages sont faites de sable noir (sable volcanique). Ici, il s'agit de sable blanc, constitué de débris d'organismes calcaires, en particulier des restes d'oursins (cf. Plages à radioles ("piquants") d'oursins, calcaire, CO2 et atmosphère ).


Figure 5. Autre secteur des plages de l'ile Santiago (Galapagos, Équateur) montrant des mini-cuestas.

L'érosion marine a dégagé une “mini-butte témoin”, au centre gauche de l'image. Cette butte témoin a été épargnée par l'érosion marine parce qu'elle est armée par une bosse de la coulée basaltique. À droite, des iguanes marins (cf. L'histoire évolutive des iguanes des Galapagos : entre géologie, phylogénie et programmes de conservation ) donnent l'échelle.


Il n'est pas nécessaire d'aller aux Galapagos pour voir des mini-cuestas. Il suffit d'avoir des roches stratifiées (volcaniques, sédimentaires…) possédant un léger pendage et recoupées par une surface d'érosion sub-horizontale (ou moins pentée). Il y a 2 et 3 semaines, nous avons vu, à Jard-sur-Mer (Vendée), les calcaires sub-horizontaux du Jurassique inférieur du Bassin aquitain recouvrir en discordance le socle hercynien du Massif armoricain (cf. La Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée : sa discordance, ses minéralisations et ses mini-failles et La discordance hercynienne de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée ). L'érosion marine a développé des dizaines de mini-cuestas dans ces calcaires jurassiques, mini-cuestas visibles à marée basse à l'Est de la Plage de la Mine, à Jard-sur-Mer.

Figure 6. Vue générale sur l'estran de l'Est de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée.

Les strates calcaires ont un léger pendage vers la mer (vers le Sud). L'érosion marine a formé des dizaines de mini-cuestas. L'échelle est donnée par le personnage visible (en petit) à gauche de la plage.

Localisation par fichier kmz de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer (Vendée).



Figure 8. Vue sur la série de mini-cuestas générées par l'érosion marine sur une série sédimentaire ayant un très léger pendage.

Vue partielle de la figure 6. Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée.


Figure 9. Schéma d'un relief de cuesta “classique”.

L'encyclopédie Larousse, d'où est extrait ce schéma, définit ainsi une cuesta : « forme de relief dissymétrique dégagée par l'érosion dans une structure monoclinale de résistance contrastée, superposant une couche résistante à une couche tendre, l'abrupt constituant le front de cuesta, la partie en pente douce (couche résistante affleurant) le revers ». Le recul d'une cuesta au cours du temps peut, à cause de l'irrégularité de l'érosion, épargner une partie de la couche dure qui se retrouve ainsi isolée et former une butte témoin.

Il suffirait de réduire la taille de ces cuestas d'un facteur 100 à 500, et de remplacer l'érosion par les rivières ou le ruissellement par une érosion marine, pour avoir un équivalent (approximatif) des mini-cuestas des Galapagos ou de Vendée.


En France métropolitaine, les plus connues et les plus classiques des cuestas se trouvent à l'Est du Bassin parisien, entre Paris et les Vosges. À cause de la subsidence de bassin, subsidence plus forte au centre, les couches, déposées à l'horizontale, acquièrent un léger pendage, léger pendage vers l'Ouest dans la moitié orientale du bassin. L'érosion de ces couches à pendage vers l'Ouest génère des fronts de cuestas orientés vers l'Est. Ces versants orientés à l'Est sont très favorables à la culture de la vigne. La plus célèbre de ces cuestas et la cuesta de l'Ile de France, sur laquelle pousse le vignoble de Champagne. Les terrains agricoles les plus chers de France sont donc liés à une cuesta. En effet, un hectare (10 000 m2) de “terrain à Champagne” a un prix moyen de 1 100 000 €/ha (c'est une moyenne, imaginez le prix de l'hectare des grandes maisons de Champagne), prix à l'hectare qui n'est dépassé que par celui de quelques “grands” Bourgogne ou “grands” Bordeaux. Rappelons que le prix moyen des terres agricoles est d'environ 8 000 €/ha en France (2 800 €/ha en Creuse, 6 000 €/ha dans le Loiret, 11 000 €/ha en Beauce…).

Figure 10. Coupe schématique du Bassin parisien (échelle verticale ×30 par rapport à l'échelle horizontale).

Les cuestas “viticoles” de l'Est du Bassin parisien sont fléchées. Rappelons que le vignoble de Champagne est localisé sur et au pied de la Côte de l'Ile de France (et non pas la cuesta nommée Côte de Champagne par les géographes).


Figure 11. Localisation de la coupe de la figure précédente (trait rouge) sur fond de carte géologique de la France.

La flèche noire localise la Côte de l'Ile de France, là où pousse le vignoble de Champagne.


Pour ceux qui ne seraient jamais allés dans le vignoble de Champagne, au pied de la cuesta formée par le Cénozoïque (Paléocène et Éocène) surmontant le Crétacé supérieur, nous vous proposons des vues aériennes, cartes géologiques et photographies prises au sol de deux secteurs du vignoble de Champagne. Les heureux propriétaires de ces vignes peuvent “remercier” les processus générateurs de cuestas.

Figure 12. Vue aérienne oblique de la Côte de l'Ile de France dans les environs de Reims (au centre de la photo).

Le Cénozoïque se trouve à l'Ouest (à gauche). Il domine le Crétacé supérieur à l'Est. La cuesta sépare ces deux “compartiments”. Les terres occupées par le vignoble, plus sombres que le reste des terres agricoles sur cette vue aérienne, se trouvent au pied de cette cuesta. Une butte témoin est visible à l'Est (à droite) de l'agglomération rémoise. L'astérisque bleu localise le relief visible sur la figure 14.


Figure 13. Carte géologique 3D de la Côte de l'Ile de France dans les environs de Reims (au centre de la carte).

Le Cénozoïque se trouve à l'Ouest (à gauche) et est représenté en jaune, orange, bleu et vert soutenu. Il domine le Crétacé supérieur à l'Est, représenté en vert pâle. La cuesta sépare ces deux “compartiments”. Les terres occupées par le vignoble se trouvent au pied de cette cuesta. Une butte témoin est visible à l'Est (à droite) de l'agglomération rémoise. L'astérisque bleu localise le relief visible sur la figure 14.


Figure 14. Image Google Earth Street View (prise en direction du Sud) de la Côte de l'Ile de France et de son vignoble.

Le vignoble est installé sur les 2/3 inférieurs de la cuesta et sur la plaine en contrebas. Le village visible sur l'image est celui de Chamery. Le paysage photographié est indiqué par l'astérisque bleu sur les figures 12 et 13.

Localisation par fichier kmz de la cuesta de la Côte de l’Ile de France, vers Chamery (Marne).


Figure 15. Vue aérienne oblique de la Côte de l'Ile de France, 10 km au Sud-Sud-Est d'Épernay.

Le Cénozoïque se trouve à l'Ouest (à gauche) et domine le Crétacé supérieur à l'Est. La cuesta sépare ces deux compartiments. Les terres occupées par le vignoble, plus sombres que le reste des terres agricoles, se trouvent au pied de cette cuesta. Une butte témoin est visible au centre, la colline de Cramant. L'astérisque bleu localise la photo de la figure 17.


Figure 16. Carte géologique 3D de la Côte de l'Ile de France, 10 km au Sud-Sud-Est d'Épernay.

Le Cénozoïque se trouve à l'Ouest (à gauche), est représenté en jaune, orange, bleu et vert soutenu, et domine le Crétacé supérieur à l'Est, représenté en vert pâle. La cuesta sépare ces deux compartiments. Les terres occupées par le vignoble se trouvent au pied de cette cuesta. Une butte témoin est visible au centre, la colline de Cramant. L'astérisque bleu localise la photo de la figure 17.


Figure 17. Image Google Earth Street View (prise en direction du Nord-Nord-Ouest) de la Côte de l'Ile de France et de son vignoble.

Le vignoble est installé sur les 2/3 inférieurs de la cuesta et sur la plaine en contrebas. Les cailloux visibles dans les vignes et dans le talus de la route sont blancs. Il s'agit de la craie du Crétacé supérieur. Le village dont l'église est visible sur l'image est celui de d'Oger. Le site de prise de vue est indiqué par l'astérisque bleu sur les figures 15 et 16.

Localisation par fichier kmz de la cuesta de la Côte de l’Ile de France, vers Oger (Marne).


La végétation du Bassin parisien ne permet pas d'apprécier la vraie nature des cuestas, avec une couche dure au sommet, couche dure et peu érodable recouvrant une roche plus tendre et plus érodable. C'est beaucoup plus évident dans les pays désertiques comme la Namibie (figures 18 et 19), l'Afrique du Sud (figure 20), l'Arabie Saoudite (figures 21 et 22), la Mauritanie (figure 23)… En naviguant sur Google Earth (en particulier dans les déserts), vous trouverez certainement d'autres belles cuestas.

Figure 21. Vue aérienne d'un des plus grands et du plus célèbre des bassins sédimentaires du Monde : le bassin mésozoïque d'Arabie Saoudite.

De A (à l'Ouest) à B (à l'Est), le trait rouge traverse un “socle paléozoïque ou précambrien”, puis le bassin sédimentaire proprement dit, constitué d'une série de terrains allant du Permien au Cénozoïque inférieur, terrains dont la visibilité disparait à l'Est sous les sables d'ergs et de déserts. Le trait AB est localisé sur la carte géologique de la figure suivante.

Sur son tiers central, ce trait AB recoupe une série de cuestas à regard vers l'Ouest.

Localisation par fichier kmz des cuestas de l’Ouest du bassin mésozoïque d’Arabie Saoudite.


Figure 22. Carte géologique de l'Arabie saoudite localisant le trait AB de la figure précédente.

On voit très bien, sur la moitié gauche du trait, les auréoles sédimentaires “moulant” le socle occidental à l'origine des cuestas. Une version de haute résolution de cette carte est disponible.


La très grande majorité des cuestas se trouve en périphérie de bassins sédimentaires légèrement déformés, qu'on pourrait décrire comme des “giga-synformes” (cuvettes) ou des “dômes sédimentaires” (antiformes). Dans le cas des synformes, les fronts des cuestas sont orientés vers l'extérieur de la structure, vers l'Est à l'Est du Bassin Parisien, par exemple. Dans certains cas plus rares, ce sont des structures antiformes qui sont à l'origine de cuestas, dont les fronts sont alors orientées vers l'intérieur de la structure. Le “prototype” de ces cuestas associées à ces giga-antiformes, ou dômes sédimentaires, est la structure de Richat (appelé localement Guelb er Richât ) en Mauritanie.

Figure 23. Vue aérienne de la structure de Richat (appelé localement Guelb er Richât ), Mauritanie.

Cette structure, de 40 km de diamètre, est appelée « l'œil de l'Afrique » par les astronautes de la Station spatiale internationale. Il s'agit d'un dôme anticlinal affecté de failles concentriques. Les couches les plus vielles (au centre) datent du Protérozoïque supérieur. Les couches les plus récentes (en périphérie) sont des grès très indurés datant de l'Ordovicien. Longtemps pris pour un cratère d'impact, la structure de Richat est maintenant interprétée comme résultant d'un bombement formé par l'injection profonde d'un corps magmatique datant du Crétacé (100 Ma), injection suivie d'effondrements concentriques. Une structure similaire beaucoup plus petite (5 km de diamètre) est visible à gauche de la photo.

La description de cette structure et son origine sont à retrouver dans l’article de G. Matton et M. Jébrak (2014), The “eye of Africa” (Richat dome, Mauritania): An isolated Cretaceous alkaline–hydrothermal complex – J. African Earth Sci., et dans la page Le dôme de Richat, œil de l'Afrique (2020).

La figure suivante représente l'interprétation couramment admise aujourd'hui.

Localisation par fichier kmz de la structure de Richat (« l’œil de l’Afrique »), Mauritanie.


Figure 24. Coupe schématique de la structure de Richat, antiforme due à l'injection de magmas, Mauritanie.

Des magmas plus ou moins différenciés sont parfois remontés le long de ces failles, générant des ring-dykes. L'érosion de cette antiforme faillée a généré des cuestas aux fronts orientés vers le centre de la structure.


À une échelle très réduite, on a déjà aperçu des mini-cuestas liées à un anticlinal dans Un musée des mini-plis dans le Jurassique supérieur du Cap Gris-Nez, Pas de Calais . L’érosion de plis anticlinaux permet alors d’observer des cuestas à fronts orientés vers le cœur du pli.