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Image de la semaine | 13/03/2023

Les galets impressionnés (ou cupulés) et cisaillés du poudingue triasique basque, route d'Oiartzun au col d'Elurretxe, Pays basque espagnol

13/03/2023

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Galets à cupules de pression/dissolution et galets cisaillés dans un poudingue.


Figure 1. Galet impressionnés (on dit aussi cupulés) dans un conglomérat (poudingue) du Trias inférieur basque, route d'Oiartzun au col d'Elurretxe, Pays basque espagnol.

Le gros galet du centre de la photo (au-dessus de mon doigt) est affecté par une série d'une quinzaine de petites cupules creusant sa surface. Les galets de ce conglomérat torrentiel et/ou fluviatile sont normalement arrondis et devraient avoir une surface lisse comme tout galet torrentiel ayant subi un transport important. La formation de ces cupules affectant la surface du galet est donc postérieure au dépôt et, à plus forte raison, à son transport. D'autres cupules sont visibles sur d'autres galets, en particulier juste au-dessus de ma montre.


Figure 2. Zoom sur le galet cupulé du centre de la photo précédente, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

La moitié gauche du galet a sa surface cupulée “intacte”. La moitié droite a sa surface très altérée et son aspect “lisse” entre les cupules a disparu. Mais on devine encore le fond des certaines cupules dans le quart supérieur droit du galet. Juste au-dessus du gros galet central, on voit très bien un galet plus petit lui aussi cupulé.


Figure 3. Gros plan sur la base du gros galet cupulé des photos précédentes, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

Les deux galets numérotés 1 et 2 ne semblent pas simplement juxtaposés au pied du gros galet mais semblent bien le pénétrer en formant chacun une cupule, cupules que l'on verrait si on enlevait ces deux petits galets.


Figure 4. Vue sur une surface plus étendue de ce conglomérat triasique, Pays basque espagnol.

On voit bien des galets, arrondis, d'une taille décimétrique à centimétrique, pris dans une matrice gréso-sableuse. Même à cette échelle, on devine que certains galets sont cupulés.


Figure 5. Vue d'ensemble sur la falaise faite de ce poudingue triasique, Pays basque espagnol.

On devine une vague stratification horizontale, stratification mise en évidence par la variation de la taille moyenne des galets. Aucun galet n'est visible dans les couches sommitales, constituées de grès et non pas de conglomérats. Cette falaise sert de terrain d'escalade pour les amateurs locaux.


La formation post-sédimentaire des cupules creusant les surfaces des galets est due à la tectonique ayant affecté les conglomérats. Ces conglomérats, majoritairement constitués de galets de quartz, ont subi divers évènements tectoniques depuis leur dépôt au Trias inférieur, principalement les évènements dus à l'orogenèse pyrénéenne. Quand un poudingue (constitué de galets séparés les uns des autres par une matrice gréso-sableuse) subit un raccourcissement, il peut y avoir un mouvement relatif entre les galets et la matrice, et deux galets en simple contact vont avoir tendance à encore se rapprocher. Si, au niveau de ce contact, un des galets à un rayon de courbure nettement inférieur à celui de l'autre galet, il se développera une surpression locale ; alors ce galet à petit rayon de courbure se comportera comme un poinçon. À cause de l'eau omniprésente dans le sous-sol et dans toute la croute supérieure, et comme le quartz (ainsi que la calcite) est plus soluble à forte pression qu'à faible pression, il y aura interpénétration des galets, avec pénétration des “petits” galets dans les gros, et formation de cupules dites de pression/dissolution. Ces cupules seront visibles sous forme de petites cavités si l'érosion met à l'air la surface du gros galet et enlève les petits galets “poinçonneurs”. Ces galets sont dits “cupulés” ou également “impressionnés”. Ce phénomène est en général plus fréquent et plus visible dans des galets calcaires que dans des galets siliceux, la dissolution sous pression des carbonates étant plus importante que celle de la silice.


Nous vous montrons, dans les photographies suivantes, trois autres gros plans de ce poudingue avec trois aspects de ces galets impressionnés.

Figure 7. Exemple d'un gros galet cupulé, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

Sur cette photo, on distingue très bien la matrice gréso-sableuse entre les galets de toutes tailles.


Figure 8. Secteur de la falaise “colonisé” par des lichens en forme de cupules, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

Association de cupules biologiques et de cupules géologiques. Certaines cupules de lichen s'installent d'ailleurs dans des cupules tectoniques.


Figure 9. Empreinte d'un gros galet ovoïde ou plutôt d'une de ses moitiés, l'autre étant encore restée dans la falaise, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

On devine bien la forme du demi-galet disparu à cause du caractère lisse et légèrement concave de cette empreinte maintenant en surplomb. Une vingtaine de petits galets dépassent de cette surface concave lisse. Ces petits galets ont dû jouer un rôle de poinçon et ont dû “impressionner” la face convexe du demi gros galet maintenant disparu, qu'hélas, je n'ai pas retrouvé au pied de la falaise.


Les évènements tectoniques qui ont affecté ce niveau de poudingue triasique n'ont pas fait que cupuler des galets. Ils en ont fracturé certains comme l'attestent les deux photographies suivantes. On parle de galets “cisaillés”. De tels galets cisaillés ont déjà été montrés sur Planet-Terre, par exemple dans Failles inverses conjuguées cisaillant un galet (Coustouge, Aude) ou dans Chronologie entre la formation d'une roche, l'érosion et la déformation .

Figure 10. Gros plan sur un galet cisaillé au centre de l'image, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

Si ce galet avait été fracturé avant son dépôt, par exemple lors de son transport par un torrent, jamais ses différentes parties ne se seraient sédimentées en restant en contact.


Figure 11. Gros plan sur un galet cisaillé à droite de la photo, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

La partie supérieure du galet s'est déplacé vers l'arrière du plan actuel de l'affleurement.


Figure 12. Extrait de la carte géologique de France à 1/1 000 000 localisant l'affleurement de conglomérat triasique (t1, coloré en violet, flèche jaune) à l'extrémité Ouest des Pyrénées.

On est entre Biarritz et San Sebastian.

Cette carte géologique montre un certain nombre de failles inverses/chevauchements affectant tous les terrains, des plus vieux (Carbonifère inférieur h1-2) au plus jeune (Paléocène, e1). Les galets cisaillés et cupulés sont sans doute le résultat (de toute petite ampleur) de cette tectonique régionale.


Cet affleurement de conglomérat triasique ne permet pas uniquement de faire de la tectonique et de l'escalade, mais aussi de la sédimentologie. On peut étudier les grès qui surmontent les conglomérats, ainsi que le contact stratigraphique entre ces conglomérats et son substratum.

Figure 13. L’affleurement de conglomérat triasique à galets cupulés et tectonisés, route d'Oiartzun au col d'Elurretxe, Pays basque espagnol.

Même à cette échelle, on devine les galets du conglomérat, et on constate la nature mieux stratifiée et sans galet visible des niveaux supérieurs.


Figure 14. Vue sur l'affleurement de conglomérat triasique à galets cupulés et tectonisés.

Même à cette échelle, on devine les galets du conglomérat, et on constate la nature mieux stratifiée et sans galet visible des niveaux supérieurs.


Figure 15. Vue aérienne de l'affleurement de conglomérat (punaise rouge).

L’affleurement est un peu dans la situation d'une butte témoin constituée de terrains résistant à l'érosion (les conglomérats) et reposant sur un substratum beaucoup moins résistant.

La ligne jaune, au fond à droite, correspond à la frontière franco-espagnole avec, de part et d'autre, les villes d'Irun et d'Hendaye.


Figure 16. Gros plan sur le sommet de la falaise de poudingue triasique, Pays basque espagnol.

En bas, les conglomérats, avec une lentille gréseuse à 1 m sous le sommet des conglomérats. En haut des grès bien stratifiés. On assiste donc, de bas en haut, à une très forte baisse de l'énergie du milieu de sédimentation triasique.


Figure 17. Les grès supérieurs (avec parfois des micro-conglomérats) “chapeautant” les conglomérats triasiques.

Des stratifications obliques sont bien visibles. Bien que l'énergie du milieu ait fortement diminué, ces grès se sont déposés sous des courants.


Figure 18. Détail des grès supérieurs (avec parfois des micro-conglomérats) “chapeautant” les conglomérats triasiques.

Des stratifications obliques sont bien visibles. Bien que l'énergie du milieu ait fortement diminué, ces grès se sont déposés sous des courants.


Figure 19. Vue d'ensemble de la base du niveau conglomératique, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

En 2013, occupé à rechercher cupules et galets cisaillés, je n'ai pas étudié de près ce contact, et l'interprétation provisoire que je propose ici n'a été faite qu'au bout de 10 ans, rien qu'avec quelques photos.

Régionalement, le substratum du Trias correspond à des pélites schistosées du Carbonifère inférieur, localement recouvertes d'un placage de grès marneux attribués au Permien. Sur la photo, il est difficile de trancher entre ces deux propositions, en particulier vu l'état très altéré du substratum. Quoi qu'il en soit, on aurait là un affleurement de la limite Paléozoïque / Mésozoïque. Cette limite inférieure des conglomérats a une géométrie très irrégulière. Sédimentation sur une surface ravinée par des écoulement torrentiels ayant précédé le dépôts des galets ? Déformation du niveau très incompétent que seraient les grès marneux permiens sous la surcharge des conglomérats ?


Figure 20. Vue de détail de la base du niveau conglomératique, poudingue triasique, Pays basque espagnol.

En 2013, occupé à rechercher cupules et galets cisaillés, je n'ai pas étudié de près ce contact, et l'interprétation provisoire que je propose ici n'a été faite qu'au bout de 10 ans, rien qu'avec quelques photos.

Régionalement, le substratum du Trias correspond à des pélites schistosées du Carbonifère inférieur, localement recouvertes d'un placage de grès marneux attribués au Permien. Sur la photo, il est difficile de trancher entre ces deux propositions, en particulier vu l'état très altéré du substratum. Quoi qu'il en soit, on aurait là un affleurement de la limite Paléozoïque / Mésozoïque. Cette limite inférieure des conglomérats a une géométrie très irrégulière. Sédimentation sur une surface ravinée par des écoulement torrentiels ayant précédé le dépôts des galets ? Déformation du niveau très incompétent que seraient les grès marneux permiens sous la surcharge des conglomérats ?


Figure 21. Extrait de la carte géologique de France à 1/1 000 000 localisant l'affleurement (flèche blanche) de poudingue triasique.

Ce Trias correspond au niveau basal de la couverture mésozoïque des massifs de socle varisque de l’Ouest de la zone axiale des Pyrénées. Ce socle varisque est ici constitué de Paléozoïque supérieur et inférieur, et même de Protérozoique supérieur. La couverture, quant à elle, est constituée d'un Trias varié (avec en particulier des niveaux évaporitiques au Trias supérieur, cf., par exemple, Le gypse triasique de Bidart, Pyrénées Atlantiques et Exploitation du sel de sources salées sortant d'un diapir de Trias dans les montagnes basques ), d'un Jurassique réduit, et d'un ensemble Crétacé + Paléocène très épais (cf., par exemple, Les trois plus beaux affleurements de la limite K-T en Pays Basque : Bidart, Baie de Loya et Zumaia et Les flyschs du Crétacé-Tertiaire du Pays Basque : slumps et méga-slumps, turbidites et méga-turbidites… ).

Localisation par fichier kmz de l'affleurement à galets cupulés de la route d'Oiartzun, Pays basque espagnol.