Image de la semaine | 28/03/2022
Les lignites du bassin houiller de Provence (bassin de Fuveau-Gardanne), Bouches du Rhône
28/03/2022
Résumé
Un bassin houiller français important non carbonifère mais crétacé. Bassin lacustre essentiellement calcaire et bancs de lignite à fossiles de gastéropodes et bivalves.
Cet échantillon a été ramassé sur un des deux terrils, dits terrils de Biver ou terrils de Molx, situés à cheval sur les communes de Gardanne et de Simiane-Collongue (Bouches du Rhône), à 10 km au Sud d'Aix-en-Provence. Ces lignites qui datent du Crétacé supérieur sont riches en fossiles de gastéropodes lacustres, des Melania sp.. Comme quoi il n'y a pas que des fossiles de fougère associés au charbon !
Localisation par fichier kmz des terrils de Biver (ou de Molx) du bassin houiller de Fuveau-Gardanne.
Figure 2. Détail des fossiles de Melania sp. de l'échantillon précédent On voit très bien l'aspect brillant du charbon, qui est alors appelé vitrain (ou vitrinite). | Figure 3. Vue d'une face perpendiculaire aux couches de l'échantillon précédent On voit très bien la différence entre des lits de calcaires fins clairs, des lits de calcaires riches en matière organique gris mats et des lits de charbon brillant appelé vitrain (ou vitrinite). |
La France a pu faire sa révolution industrielle au XIXe siècle et devenir une grande puissance industrielle jusque dans les années 1980-1990 grâce à ses gisements de charbon (contrairement à d'autres pays européens comme l'Italie ou l'Espagne, relativement dépourvus en cette ressource). Un gisement domine tous les autres et a fourni à lui seul la moitié de tout le charbon extrait en France au cours des XIXe et XXe siècles : le bassin dit du Nord- Pas de Calais, popularisé par Zola. D'autres gisements importants ont été exploités dans l'Est, le Sud-Est… (Lorraine, Le Creusot, Saint-Étienne…). Les six principaux bassins houillers français datent du Carbonifère. Mais peu de gens savent, sauf les habitants de la région, que le septième bassin houiller français par ordre d'importance se trouve au pays des cigales, à 10 km au Sud d'Aix-en-Provence, et qu'il date du Crétacé supérieur, plus précisément du Fuvélien, nom local du faciès continental du Campanien supérieur, −80 à −70 Ma. Ce bassin, connu sous les noms de « houillères de Provence », ou « bassin minier de Provence », ou encore « bassin de Gardanne-Fuveau », a été l'avant-dernier bassin houiller à fermer en France (en 2003), juste avant celui de Lorraine (2004).
Ce bassin est un bassin lacustre, et ce lac crétacé supérieur s'est installé dans une ondulation synclinale, qui a commencé à s'individualiser pendant les premières phases (Crétacé supérieur) de l'orogenèse pyrénéo-provençale. Ce synclinal précoce était compris entre deux anticlinaux eux aussi précoces, la paléo-Montagne Sainte Victoire et la paléo-Chaine de l'Étoile. C'est dans ce synclinal (dont le fond s'affaissait au cours de la déformation) que ce sont déposés plus de 1000 m de sédiments (du Crétacé supérieur à l'Éocène, dont 150 à 300 m de Fuvélien), principalement calcaire ou marno-calcaire, avec des passées gréseuses, mais aussi avec de nombreux débris végétaux, qui sont devenus des lignites. La tectonique pyrénéo-provençale continuant jusqu'à l'Éocène supérieur, cette ondulation synclinale s'est accentuée et s'est fait chevaucher par les deux anticlinaux la bordant. Elle est devenue ce qu'on appelle le synclinal ou le bassin de l'Arc (l'Arc est un fleuve côtier qui traverse ce bassin d'Est en Ouest avant de se jeter dans l'Étang de Berre), synclinal se faisant chevaucher au Nord par la montagne de la Sainte Victoire et au Sud par la Chaine de l'Étoile.
La diagenèse de la matière organique a été “modérée” et les débris végétaux sont devenus lignite, ou plus exactement se placent maintenant à la limite entre le lignite et la houille sensu stricto. Ce lignite contient (en masse) 65 % de carbone “solide”, 10 % d'eau, 11 % de composés volatils (hydrocarbures dont le méthane, dioxyde de carbone, dihydrogène, azote…) et 4 % de soufre. Plusieurs couches existent dans le Fuvélien, mais l'une d'entre elles est assez épaisse (1 à 3 m) pour que son exploitation par des méthodes “modernes” soit possible et même rentable : la couche dite « Grande Mine ».
Pendant les dernières dizaines d'années d'exploitation, ce charbon était utilisé dans une centrale thermique et dans une usine transformant la bauxite (issue initialement des gisements du Var, puis par la suite importée) en alumine.
On peut trouver des renseignements plus précis et complets dans quatre principales références bibliographique disponibles sur le web, références bien différentes mais chacune très riche dans son domaine : (1) Le lignite du bassin de l'Arc par R. Monteau, (2) Le Bassin Houiller de Provence par S. Berrut, (3) Gisement de lignite de Gardanne (13) – Reconnaissance de l'extension (Campagne de sondages 1982) – Synthèse des résultats et perspectives par Ch. Glintzboeckel (BRGM), et (4) Lignite fuvélien du Bassin de l'Arc (lithothèque Aix-Marseille).
En plus des trois photographies qui précèdent montrant un échantillon ramassé sur les terrils, nous vous présentons trois documents généraux sur ce bassin et sa structure (figures 4 à 6), des photographies des terrils et des installations minières (figures 7 à 11), des photographies d'autres échantillons ramassés sur les terrils et montrant la variété des faciès et des fossiles (figures 12 à 19) et enfin des photographies d'affleurements avec lignite en place (figure 20 à 26).
Le bassin houiller de Provence est le septième en importance, l'avant-dernier à avoir été fermé, et le seul à ne pas être carbonifère. Remarque : il existe d'autres bassins houillers non carbonifères en France, mais d'importance plus modeste : Épinac-Autun (Permien), Manosque (Oligocène), Landes (Mio-Pliocène)…
Figure 5. Extrait de la carte géologique à 1/250 000 de Marseille
Le bassin de l'Arc correspond à un synclinal à remplissage crétacé supérieur (vert) à éocène (rouge), chevauché au Nord par le massif de la Sainte Victoire (SV) et au Sud par la Chaine de l'Étoile (CE). Le trait noir correspond à la coupe de la figure suivante.
Source - © - G. Roger, BRGM
Le Fuvélein qui contient les lignites, dont la couche de lignite dite « Grande Mine » est figurée en noir.
Tous les échantillons isolés présentés ici ont été ramassés sur ces terrils. | Figure 8. Vue rapprochée du terril Nord (droit) de la photo précédente La majorité des roches sont des calcaires clairs (les morts terrains “rejetés” par les exploitants). On trouve quand même de beaux échantillons de lignite et/ou d'alternances lignite/calcaire, comme le prouvent toutes les photos d'échantillons présentées ici. Et ramasser des échantillons sur un terril ne dégrade pas la nature. |
Source - © 2009 - 1886-1890 D'après MaxMaignan – Paul Cézanne Au fond, la Montagne Sainte Victoire. Pour comparaison avec le paysage moderne, est ajouté dans le ciel, avec approximativement la même échelle et le même point de vue, un tableau de Paul Cézanne, tableau intitulé Hameau à Payennet près de Gardanne, tableau se trouvant au Musée de Washington. Quand on pense à la Montagne Sainte Victoire, on évoque plutôt Paul Cézanne qu'Émile Zola. Et pourtant… | |
Au fond, Marseille et la Méditerranée. | Figure 11. Le puits Z, un des derniers puits à avoir été “foncés”, mis en service en 1986 et fermé en 2003 En langage minier, on ne dit par percer ou creuser un puits, mais “foncer”. Le puits Z atteignait la profondeur de 879 m (le puits le plus profond du bassin descendait à 1109 m). La municipalité de Gardanne a racheté l'ancien carreau et a conservé le chevalement et les bâtiments miniers au titre de la conservation du patrimoine industriel. Au fond, la cheminée et les tours de refroidissement de la centrale thermique, qui ne fonctionne aujourd'hui qu'avec du charbon importé lors des périodes de forte demande d'électricité, ou, comme ce début d'année 2022, quand de nombreux réacteurs nucléaires sont en maintenance ou en réparation. Localisation par fichier kmz du chevalement du puits Z de Gardanne (Bouches-du-Rhône). |
Les échantillons que l'on trouve dans les terrils montrent d'autres “choses” intéressantes que les Melania sp. des premières figures. On trouve assez facilement d'autres Melania sp., des petits bivalves (Corbicula sp.), des fossiles difficiles à identifier, des strates de lignites alternant avec des calcaires…
Figure 12. Vues d'un échantillon riche en Melania sp. (photo 2022) | |
Figure 14. Échantillon riche en fossiles de petits bivalves, des Corbicula sp. Photo 2022 | Figure 15. Zoom sur les petites coquilles de Corbicula sp. de l'échantillon précédent Photo 2022. |
Les beaux affleurements de lignite sont rares, en particulier les couches d'épaisseur significative. La quasi-totalité des niveaux exploités dans le bassin minier de Provence (en particulier la couche dite Grande Mine) ne sont visibles qu'en profondeur. En revanche, des marnes et calcaires fuvéliens dans lesquels sont intercalés de fins bancs de lignite affleurent ici ou là dans tout le bassin de l'Arc depuis le secteur de Trets à l'Est jusqu'à l'Étang de Berre à l'Ouest.
Nous vous montrons sept images toutes prises en moins d'1 km le long de la D12, départementale qui va de Trets (Bouches du Rhône) à Saint-Zacharie (Var).
Localisation par fichier kmz de l'entrée d'une ancienne galerie souterraine d'exploitation de calcaire. | De très fins niveaux sombres de lignite sont visibles. |
Figure 22. Détail sur des strates de calcaires contenant de très fin niveaux ligniteux sombres D'après la lithothèque de l'académie d'Aix-Marseille, des niveaux plus épais sont visibles à l'intérieur si on dispose d'un éclairage. |
Figure 23. Banc de lignite d'épaisseur décimétrique au bord de la D12 Localisation par fichier kmz d'un banc de lignite en bord de route. |
Figure 25. Autre affleurement de lignite au fond d'un vallon, à 20 m de la D12 Localisation par fichier kmz d'un second banc de liignite près d'un bord de route. | |