Image de la semaine | 13/12/2021
La discordance cadomienne plissée (Ordovicien/Briovérien) de la région de Rennes (Ille et Vilaine)
13/12/2021
Résumé
Une belle discordance angulaire, ici la discordance panafricaine, elle-même basculée à l'échelle de l'affleurement (plissée à l'échelle régionale).
On voit très bien une série sédimentaire présentant un pendage d'au moins 40° vers le Sud (la droite) ce qui donne un pendage apparent d'environ 25° sur le front de taille. Cette série sédimentaire a un âge ordovicien inférieur (488 Ma) ; elle est principalement constituée de grès, pélites schistosées et conglomérats. Cette série ordovicienne repose en discordance sur des grès et des pélites schistosées plissées et quasiment verticalisées. Cette série est d'âge briovérien supérieur (édiacarien, 635 à 541 Ma). Il s'agit là d'un très bel affleurement (si ce n'est le plus beau) de France de la discordance cadomienne (panafricaine).
Localisation par fichier kmz de la carrière de la Marette, Saint-Malon-sur-Mel (Ille et Vilainne).
La carrière de la Marette a été exploitée jusqu'en 1955. Depuis 2004, le site est aménagé et mis en valeur par la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne (SGMB). Elle fait maintenant partie des espaces naturels départementaux de l'Ille et Vilaine. Cette carrière est maintenant ouverte au public, régulièrement entretenue, débroussaillée… Un panneau explique son intérêt exceptionnel dans la géologie du Massif Armoricain et même de la France. Elle permet en effet de voir un secteur de la chaine cadomienne indemne de métamorphisme cadomien (contrairement à ce qu'on a vu dans la région de Saint-Malo, cf. Les migmatites et le métamorphisme panafricains (cadomiens) de la région de Saint-Malo (Ille et Vilaine)) mais aussi indemne de métamorphisme varisque contrairement au Sud du Massif Armoricain. Les relations entre les deux orogenèses peuvent ainsi être étudiées puisqu'on voit les sédiments paléozoïques recouvrir en discordance les séries briovériennes. Cette discordance, initialement horizontale, a été plissée par l'orogenèse varisque et est maintenant basculée car située sur le flanc d'un synclinal.
Des détails et des précisions sur la géologie de cette carrière peuvent être consultés sur la page La carrière de la Marette du site Encyclopédie de Brocéliande.
Les deux figures suivantes détaillent le schéma du front de taille et les sept schémas résumant l'histoire géologique. | |
Du plus vieux au plus récent, on trouve : 1– Dépôt de sédiments briovériens (protérozoïques), de −650 à −550 Ma. 2– Orogenèse cadomienne (panafricaine), vers −550 à −530 Ma. 3– Érosion de la chaine cadomienne, de −530 à −480 Ma. 4– Dépôt localisé à l'Ordovicien inférieur (dans des grabens) de sédiments détritiques continentaux, vers −480 Ma. 5– Transgression marine d'une série marine paléozoïque, de −470 à −350 Ma. 6– Orogenèse varisque (hercynienne), de −350 à −320 Ma. 7 – Érosion de la chaine varisque, depuis −300 Ma jusqu'au présent. |
À 27 km à l'Est-Sud-Est de la carrière de la Marette, une autre carrière montre la même discordance tectonisée, au flanc Nord du même synclinal varisque : la carrière des Landes. On y voit de l'Ordovicien détritique présentant un pendage de 45° vers le Sud reposant en discordance sur du Briovérien présentant un pendage de 60°. Cette carrière est également aménagée par la SGMB (avec pose d'un panneau explicatif) et est classée dans les espaces naturels protégés d'Ille et Vilaine.
Malgré la végétation qui gagne, on reconnait bien l'Ordovicien incliné de 45° vers la droite (vers le Sud) recouvrant en discordance des strates briovériennes inclinées d'au moins 60°. Localisation par fichier kmz de la carrière des Landes, Guichen (Ille et Vilaine). | Malgré la végétation qui gagne, on reconnait bien l'Ordovicien incliné de 45° vers la droite (vers le Sud) recouvrant en discordance des strates briovériennes inclinées d'au moins 60°. |
Figure 9. Panneau expliquant la géologie de la carrière des Landes Ce panneau est un panneau transparent pour qu'on puisse faire “coller” le schéma avec la réalité en regardant l'affleurement à travers le panneau. Cette transparence rend la lecture difficile avec un éclairage matinal quand le panneau est éclairé par derrière. | Figure 10. Zoom sur le schéma du front de taille du panneau de la figure précédente La légende, très peu lisible sur la figure précédente, est explicitée sous la figure. |
Source - © 2013 SGMB
Figure 11. La carrière des Landes, Guichen (Ille et Vilaine), en 2013
La carrière est bien moins envahie de broussailles qu'en 2021, et on y voyait bien mieux le front de taille et sa discordance, en particulier la différence de pendage entre Ordovicien et Briovérien. Cette constatation pose le problème de l'entretien des sites géologiques remarquables. Quand dans une carrière (site par nature artificiel) l'intérêt géologique est prédominant sur un éventuel intérêt biologique, et si l'intérêt biologique n'est pas dû à des plantes ou des animaux très rares, doit-on, au nom de la préservation de la nature, laisser ronces ajoncs et autres genêts (qu'on voit partout dans les environs) masquer progressivement la géologie qu'on ne voit que dans cette ancienne carrière ?
La tectonique varisque dans le bloc cadomien est relativement faible, ce qui permet de repérer cette orogenèse cadomienne. C'est le cas en Armorique Nord où ce socle cadomien a été très métamorphisé vers −550 Ma (cf. Les migmatites et le métamorphisme panafricains (cadomiens) de la région de Saint-Malo (Ille et Vilaine)), et aussi dans l'Armorique centrale (comme ici) où le Briovérien est tectonisé mais non (ou faiblement) métamorphique. Mais si cette tectonique varisque est relativement modérée, elle est loin d'être nulle. Dans les carrières de la Marette ou des Landes, le Paléozoïque est basculé vers le Sud car constituant le flanc Nord d'un synclinal d'orientation Est-Ouest (raccourcissement Nord-Sud). Cette tectonique varisque est suffisante pour schistoser les niveaux les moins compétents, comme on peut le voir sur les rives de la vallée de la Vilaine, par exemple dans le secteur du Moulin du Boël à 2100 m à l'Est-Sud-Est de la carrière des Landes.
Source - © - Faiz Abdelhafid sur panoramio Figure 12. La vallée de la Vilaine au niveau du Moulin du Boël L'Ordovicien inférieur (formation de Pont-Réan surmontée des “grès armoricains”) est résistant à l'érosion et est traversée par la Vilaine par de véritable “gorges” qui montrent de nombreux affleurements, gréseux ou schisteux, dont les schistes du Boël qui affleurent au premier plan. Ces schistes du Boël, souvent appelés schistes pourpres dans la région, sont schistosés comme leur nom local l'indique, preuve du caractère pénétratif de la déformation varisque. Localisation par fichier kmz du secteur du Moulin du Boël sur les rives de la Vilaine. (Moulin du Boel.kmz) | |
Figure 13. Affleurement de bord de route sur la rive gauche de la Vilaine, 300 m en amont du moulin du Boël On voit très bien la stratification avec d'épais bancs pluri-décimétriques pendant vers la droite. Ces bancs sont “débités” par une fine schistosité très raide pendant de 70 à 80° vers la gauche. | On voit très bien la stratification avec d'épais bancs pluri-décimétriques pendant vers la droite. Ces bancs sont “débités” par une fine schistosité très raide pendant de 70 à 80° vers la gauche. |
Documents établis il y a quelques dizaines d'années par André Philippot et que m'a aimablement communiqués Pierre Jeguzo (SGMB).
Cette coupe est localisée sur la carte de la figure suivante.
Les flèches (1) et (2) localisent les carrières de la Marette et des Landes situées juste sur la discordance, là où l'Ordovicien (o1, vert-brun) recouvre le Briovérien (b2k, rose foncé). La flèche (3) localise le Moulin du Boël au sein de l'Ordovicien. Le trait rouge localise approximativement la coupe de la figure précédente. | On voit que le synclinal du centre Bretagne au Nord duquel se situe la discordance replissée vue dans les carrières de la Marette et des Landes se prolonge à l'Est jusqu'à disparaitre sous la couverture (crétacée) du Bassin Parisien au niveau de la flèche rouge. |
Sans doute une carrière ouverte au niveau de la flèche rouge de la figure précédente montrerait un dispositif voisin : du Crétacé horizontal recouvrant en discordance (discordance horizontale), un “socle” lui-même constitué de Paléozoïque basculé recouvrant en discordance (discordance basculée) un Briovérien très plissé et verticalisé. Si des lecteurs de Planet-Terre habitant entre Caen et Angers ont connaissance de tels affleurements, leurs photos seraient les bienvenues. | Au Nord, ce qui est appelé « bloc cadomien » sur cette carte correspond à du Briovérien un peu plus ancien, plus ou moins métamorphique et intrudé de nombreux granitoïdes cadomiens. Cartouche en haut à droite de la carte géologie que la France à 1/1 000 000. |
Nous venons de voir une discordance “tectonisée”, basculée et plissée, la discordance cadomienne.
Vous pouvez voir d'autres discordances “françaises” sur Planet-Terre, mais des discordances horizontales, par exemple, la discordance hercynienne dans le Boulonnais, La discordance Mésozoïque / Paléozoïque du Boulonnais, Pas de Calais, dans les Pyrénées, La discordance Crétacé supérieur / granite hercynien de la région du Pic de Ger, Pyrénées Atlantiques, ou encore la discordance Cénozoïque / Paléozoïque dans la Montagne Noire, Discordance Éocène / Cambrien au Sud de la Montagne Noire, Minerve (Hérault)…
Merci à Pierre Jegouzo de la SGMB (Société Géologique et Minéralogique de Bretagne) et de l'Université de Rennes de m'avoir fait découvrir la géologie de la région de Saint-Malo lors d'un weekend passé en Bretagne pour y donner une conférence à l'occasion de la Fête de la Science 2021.