Image de la semaine | 21/06/2021
De l'Altiplano au Pacifique, les canyons du Pérou – Exemple du canyon de Colca
21/06/2021
Résumé
Chaine de subduction andine, arc volcanique, surrection tectonique, hauts plateaux et creusement de canyons.
Planet-Terre a déjà montré des canyons “de poche” (cf. Les canyons dans la molasse miocène du Bas Dauphiné) et, à l'opposé, des grands canyons comme celui du Colorado (cf. Le Grand Canyon du Colorado vu du ciel (Arizona, USA)) ou de la Fish River (cf. Le canyon de la Fish River, Namibie : discordance, failles, dykes, stromatolites…). Ces deux grands canyons sont entaillés dans des séries sédimentaires tabulaires et très peu déformées, séries sédimentaires que des failles ou des ondulations à grand rayon de courbure ont récemment surélevées. Les canyons du Pérou, dont le canyon de Colca, sont dans un autre contexte géologique. Ils sont situés dans une chaine de montagne, la Cordillère des Andes. Ils sont entaillés dans des roches variées, majoritairement volcano-sédimentaires et souvent affectées de grandes failles. Ces canyons “partent” de l'Altiplano, qui est un des deux grands plateaux du globe d'altitude moyenne supérieure à 4000 m (l'autre étant le plateau du Tibet). Ces canyons débutent dans l'Ouest des terrains de l'Altiplano, traversent la Cordillère occidentale dont certains sommets dépassent 6000 m et sur laquelle sont “posés” les volcans de l'arc magmatique, et atteignent le piémont andin qui descend en pente douce jusqu'au Pacifique. D'autres canyons relient directement l'Altiplano et l'Océan Pacifique, dont le canyon de Cotahuasi (à 100 km au Nord-Ouest du canyon de Colca) et qui est encore plus profond. On peut voir l'embouchure de ce canyon de Cotahuasi aux figures 18 à 22 de Barkhanes, champ de dunes, Chandelier de Paracas et autres aspects du désert côtier péruvien.
Dans un premier temps (jusqu'à la photographie 6), nous regarderons certains aspects du canyon de Colca dans sa partie la plus étroite, au niveau de la Croix du Condor. Puis (photographies 7 à 11) nous regarderons des paysages plus en amont, là où la vallée de la rivière Colca est plus large, moins profonde, et cultivée. Dans un troisième temps, nous vous présenterons quelques paysages typiques de l'Altiplano dans ce secteur au Nord de la ville d'Arequipa (photographies 12 à 16). Puis nous discuterons (très rapidement) de l'origine de la topographie andine, en particulier de l'altitude élevée de l'Altiplano (figures 17 à 19). Enfin, pour se faire plaisir et ne pas oublier le “V” de SVT, les photographies 20 à 28 montreront un animal et un végétal emblématiques de ces hautes terres andines.
Source - © - Bruno Locatelli / panoramio |
Quand on quitte la Croix du Condor et qu'on se dirige vers l'Est (vers l'amont), la rivière Colca prend de l'altitude. Le canyon devient de moins en moins profond. Il n'est plus un canyon sensu stricto, mais une simple vallée. Ces flancs bien moins raides qu'en aval sont cultivés par tout un système de terrasses héritées des Incas. Dans cette région où la pluviométrie est très faible, les Incas, puis leurs descendants plus ou moins hispanisés ont établi tout un système de canaux d'irrigation partant de prises d'eau sur la rivière Colca et parcourant les flancs presqu'à l'horizontal. Un système de vannes permettait d'amener l'eau à toutes les terrasses situées en contrebas.
L'origine de ce canyon de Colca est à rechercher dans l'origine de la Cordillère des Andes en général, et celle de l'Altiplano en particulier. L'Altiplano, qui signifie “plaine d'altitude” en espagnol est le deuxième plus vaste plateau du monde (après le plateau du Tibet) situé à une altitude moyenne supérieure à 3500 m. Il est situé au cœur de la Cordillère des Andes sur près de 1500 km de long (entre les parallèles 15 à 27°S) et sur une largeur pouvant atteindre 250 km. Il est bordé à l'Est par la Cordillère Orientale (qui culmine à 6438 m) et à l'Ouest par la Cordillère Occidentale (qui culmine à 6768 m) et où est situé l'arc volcanique.
Si les chaines de collision font partie des programmes des lycées, des universités, des concours de recrutement… il n'en n'est pas de même des chaines de subduction. J'ai très souvent constaté qu'un étudiant entrant en M2 “préparation à l'agrégation SV-STU” à l'ENS de Lyon (et souvent déjà titulaire du CAPES) sait en gros comment s'est fait l'Himalaya, quel est l'origine de son relief… Un nombre non négligeable peut même dessiner une coupe à main levée (très approximative) de cette chaine. Mais bien peu savent et peuvent faire la même chose au sujet de la Cordillère des Andes. Pourquoi cette “différence de traitement” et pourquoi dure-t-elle depuis au moins 40 ans ? Pour la quasi-totalité de ces élèves, les Andes ne sont qu'une simple chaine de volcans et d'intrusion granodioritiques qui expliquent à eux seuls les hautes altitudes. Or les Andes sont une “vraie” chaine de montagnes, avec ses plis, ses grands chevauchements, son épaississement crustal… Cet intense raccourcissement est dû au couplage entre la lithosphère Sud-américaine et la lithosphère de la plaque Nazca qui subduit. Le pendage de la plaque plongeante, son couplage avec la lithosphère Sud-américaine… varient avec le temps, ce qui entraine des déplacements des zones de raccourcissement, des interruptions des phases de compressions… Sous les Andes, et en particulier sous l'Altiplano, l'épaisseur de la croûte continentale a été au moins doublée depuis l'Oligocène, ce qui explique la haute altitude de ce plateau et la vigueur de l'érosion par les rivières (rares à cause du climat très sec) qui rejoignent l'océan. Les figures 17 et 19, résument l'état actuel des connaissances et des interrogations sur la structure de la Cordillère des Andes au niveau du Pérou.
Les falaises vertigineuses des canyons péruviens et les solitudes désolées de l'Altiplano hébergent des animaux et des végétaux caractéristiques de ces biotopes “extrêmes”. Quittant le domaine de la géologie, nous vous montrons des condors des Andes (Vultur gryphus), oiseaux charognards emblématiques des Andes, et une azorelle (Azorella compacta) qui forme de bien curieuses boules sur les hauts plateaux andins.