Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesLe canyon de Sesriem, Namibie

Image de la semaine | 07/06/2021

Le canyon de Sesriem, Namibie

07/06/2021

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un petit canyon dans le désert, érosion “récente” dans des conglomérats de piémont liée à une surrection tectonique.


Le canyon de Sesriem (Namibie), vu du dessus et depuis le fond

Figure 1. Le canyon de Sesriem (Namibie), vu du dessus et depuis le fond

À droite, vue prise du fond du canyon de Sesriem (Namibie). Ce canyon mesure une trentaine de mètre de profondeur (un immeuble de 10 étages, le personnage donne l'échelle) ; sur ses 1500 m de longueur, sa largeur varie de 10 à 75 m. Ce canyon entaille une vaste plaine à signification de piémont situé à une altitude de 745 m.

À gauche, vue sur la plaine entaillée par le canyon.

Localisation par fichier kmz du canyon de Sesriem, Namibie.


Vue plus large sur la plaine de Sesriem entaillée de gauche à droite (d'Est en Ouest) par un canyon (Namibie)

Cadre morphologique du canyon de Sesriem (flèche rouge au centre de l'image), Namibie

Figure 3. Cadre morphologique du canyon de Sesriem (flèche rouge au centre de l'image), Namibie

Ce “mini canyon” (1,5 km de long, 10 à 75 m de largeur, 30 m de profondeur) entaille le piémont situé au pied du plateau central namibien (au fond de l'image). Le rebord de ce plateau est à une altitude de 1500 à 1800 m alors que son piémont (au niveau de Sesriem) est à une altitude d'environ 750 m. Ce piémont descend en pente douce jusqu'à l'Atlantique Sud, situé 100 km à l'Ouest. Ce piémont est largement recouvert par les dunes du désert du Namib qu'on voit dans le quart Nord-Ouest de l'image. La rivière Tsauchab qui l'a creusé n'est pas autant encaissée ni en amont ni en aval de ce canyon, ce qui pose la question de l'origine de ce canyon.


Le canyon de Sesriem est un petit canyon en plein désert. La rivière Tsauchab qui l'a creusé est en général à sec. Il constitue une étape intéressante qui rompt la monotonie des paysages désertiques quand on va du Nord au Sud de la Namibie. Et surtout, il pose un intéressant problème géologique. Ce canyon entaille le piémont du plateau central de Namibie. Rappelons qu'un piémont, au sens géomorphologique, correspond à une vaste plaine située au pied d'un massif montagneux. Les piémonts (ou piedmonts) sont formés de la coalescence des cônes de déjection des différents cours d'eau qui descendent des montagnes en charriant et déposant tous les produits qu'ils transportaient, alluvions constituées de galets, graviers, sables, argiles... Ce piémont est soumis à un climat désertique depuis des dizaines de millions d'années. Les rivières descendant du plateau sont à sec la plupart du temps et peuvent le rester plusieurs années d'affilée. L'alluvionnement et l'érosion y sont très faible, ce qui pose la question de l'origine de ce « coup de sabre » qui s'enfonce dans ce piémont sur 1,5 km de long. La raideur des versants indique un âge relativement “jeune”.

Cette région de l'Ouest namibien est le siège d'une sismicité certes modérée, mais importante pour ce contexte intraplaque. Des mouvements verticaux significatifs ont lieu au Néogène (Miocène-Pliocène-Quaternaire). Ils seraient responsables de surrections qui, cumulées, peuvent dépasser 500 m, surrections à l'origine des grands canyons comme celui de la Fish River, qu'on peut comparer à celui du Colorado. Dans sa thèse intitulée Mécanismes de déformations post-rifting des marges passives. Exemple des marges péri-atlantiques et modélisation (2004), Marie Leroy, à la page 112, consacre quelques lignes au canyon de Sesriem : « C'est un canyon qui a été créé par la rivière éphémère Tsauchab s'écoulant vers Sossusvlei. Il s'est creusé sur 30 mètres de profondeur et un kilomètre de long dans des sédiments conglomératiques d'origine fluviatile. Ces épais sédiments sont âgés de 15 à 18 Ma, c'est-à-dire contemporains de la période de soulèvement continental miocène. Ils témoignent d'un climat plus humide qu'actuellement et qui a permis l'érosion et le transport important des roches soulevées à cette époque. L'incision plus récente de ces conglomérats pourrait correspondre au deuxième épisode de soulèvement daté du Pliocène. »

Il se pose donc une double question, à laquelle je ne connais pas de réponse claire. Une question régionale : quelle est l'origine de ces importants mouvement verticaux néogènes qui affectent tout l'Ouest namibien ? Une question locale : pourquoi ce surcreusement récent à l'origine du canyon de Sesriem a-t-il eu lieu là et pas ailleurs en amont ou en aval ?

Ne pas pouvoir proposer de réponse claire et univoque à ces questions n'empêche d'admirer les manifestations de l'érosion dans ces formations fluviatiles, ni de réfléchir à des causes possibles à ce surcreusement local. Les figures 4 à 6 montrent des vues aériennes de plus en plus proches de ce canyon, les figures 7 et 8 des vues prise du rebord du canyon, les figures 9 à 20 correspondent au parcours d'aval en amont de quasiment toute la longueur du canyon, parcours effectué au coucher du soleil, et les figures 21 à 26 correspondent à des zooms “sédimentologiques”.

Vue aérienne du canyon de Sesriem, Namibie

Figure 4. Vue aérienne du canyon de Sesriem, Namibie

On voit bien que la partie très encaissée est extrêmement limitée. Les pointillés rouges correspondent au trajet illustré par les photos 9 à 26.


Vue aérienne rapprochée du canyon de Sesriem, Namibie

Figure 5. Vue aérienne rapprochée du canyon de Sesriem, Namibie

On voit bien que la partie très encaissée est extrêmement limitée.



Vue prise depuis le rebord du canyon de Sesriem, Namibie

Figure 7. Vue prise depuis le rebord du canyon de Sesriem, Namibie

La nature conglomératique de la roche dans laquelle a été creusé le canyon se voit très bien.


Vue prise depuis le rebord du canyon de Sesriem, Namibie

Figure 8. Vue prise depuis le rebord du canyon de Sesriem, Namibie

La nature conglomératique de la roche dans laquelle a été creusé le canyon se voit très bien.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 1/11

Figure 9. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 1/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 2/11

Figure 10. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 2/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 3/11

Figure 11. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 3/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 4/11

Figure 12. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 4/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 5/11

Figure 13. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 5/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 6/11

Figure 14. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 6/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 7/11

Figure 15. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 7/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 8/11

Figure 16. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 8/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 9/11

Figure 17. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 9/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 10/11

Figure 18. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 10/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 11/11

Figure 19. Parcours d'aval en amont tout le long du canyon de Sesriem, Namibie, vue 11/11

Le canyon devient de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on remonte vers l'amont.


Sortie du canyon de Sesriem (Namibie) quelques minutes avant le coucher du soleil

Figure 20. Sortie du canyon de Sesriem (Namibie) quelques minutes avant le coucher du soleil

Hasard extraordinaire, après cette promenade géologique, ce coucher de soleil en plein désert m'a permis d'observer, pour la seule fois de ma vie, un phénomène atmosphérico-astronomique rare : le rayon vert, cf. Le rayon vert (et même le rayon bleu), un phénomène atmosphérique réel que l'on peut photographier. Ce rayon vert a été visible durant 2 à 3 secondes, 6 minutes après la prise de cette photo.


Durant le kilomètre et demi parcouru dans le canyon, on peut voir de très nombreuses figures sédimentaires caractéristiques de la sédimentation fluviatile : alternances gréso-conglomératiques (anciennes alternances de lits de sable argileux et de galets), figures de chenaux…

Vue d'ensemble de segments de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Figure 21. Vue d'ensemble de segments de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Même un œil non averti reconnait les alternances gréso-conglomératiques, d'anciens chenaux…


Vue d'ensemble d'un segment de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Figure 22. Vue d'ensemble d'un segment de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Même un œil non averti reconnait les alternances gréso-conglomératiques, d'anciens chenaux…


Vue d'ensemble d'un autre segment de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Figure 23. Vue d'ensemble d'un autre segment de la paroi du canyon de Sesriem (Namibie)

Même un œil non averti reconnait les alternances gréso-conglomératiques, d'anciens chenaux…


Lit de galets interstratifiés entre deux lits sableux, canyon de Sesriem, Namibie

Figure 24. Lit de galets interstratifiés entre deux lits sableux, canyon de Sesriem, Namibie

Au centre de l'image, les galets sont assez plats, et sont statistiquement orientés en oblique ///. On parle de disposition en écailles de poisson, chaque écaille recouvrant partiellement la suivante. Cela permet de déterminer le sens du courant qui les a déposés, de la gauche vers la droite, ce qui correspond (heureusement) à un courant de l'amont vers l'aval.


Lit argilo-sableux presque au sommet de la falaise du canyon de Sesriem (Namibie), à 1 ou 2 m sous la surface actuelle

Figure 25. Lit argilo-sableux presque au sommet de la falaise du canyon de Sesriem (Namibie), à 1 ou 2 m sous la surface actuelle

Des “tubes” verdâtres sont visibles au sein des sables argileux ocres-beiges. Il s'agit très vraisemblablement de traces de racines d'arbres xérophiles ayant poussé pendant la dernière période humide. Comme nous l'avons vu la semaine dernière (Les racines, des agents d'altération chimique majeurs, Pénestin (Morbihan) et Colunga (Espagne)), les ions Fe3+ qui colorent en ocre-beige les sables argileux ont été réduit en ions Fe2+.


Zoom sur un lit argilo-sableux presque au sommet de la falaise du canyon de Sesriem (Namibie), à 1 ou 2 m sous la surface actuelle

Figure 26. Zoom sur un lit argilo-sableux presque au sommet de la falaise du canyon de Sesriem (Namibie), à 1 ou 2 m sous la surface actuelle

Des “tubes” verdâtres sont visibles au sein des sables argileux ocres-beiges. Il s'agit très vraisemblablement de traces de racines d'arbres xérophiles ayant poussé pendant la dernière période humide. Comme nous l'avons vu la semaine dernière (Les racines, des agents d'altération chimique majeurs, Pénestin (Morbihan) et Colunga (Espagne)), les ions Fe3+ qui colorent en ocre-beige les sables argileux ont été réduit en ions Fe2+.



Localisation du canyon de Sesriem en Namibie

Toutes les photographies de P. Thomas de cet article ont été prises lors d'une excursion géologique organisée en 2017 par le CBGA (Centre briançonnais de géologie alpine) et encadrée par Olivier Dauteuil (Université de Rennes).