Image de la semaine | 07/06/2021
Le canyon de Sesriem, Namibie
07/06/2021
Résumé
Un petit canyon dans le désert, érosion “récente” dans des conglomérats de piémont liée à une surrection tectonique.
Source - © 2017 – ? Pierre Thomas – D'après panoramio-7614899 / Google earth
Le canyon de Sesriem est un petit canyon en plein désert. La rivière Tsauchab qui l'a creusé est en général à sec. Il constitue une étape intéressante qui rompt la monotonie des paysages désertiques quand on va du Nord au Sud de la Namibie. Et surtout, il pose un intéressant problème géologique. Ce canyon entaille le piémont du plateau central de Namibie. Rappelons qu'un piémont, au sens géomorphologique, correspond à une vaste plaine située au pied d'un massif montagneux. Les piémonts (ou piedmonts) sont formés de la coalescence des cônes de déjection des différents cours d'eau qui descendent des montagnes en charriant et déposant tous les produits qu'ils transportaient, alluvions constituées de galets, graviers, sables, argiles... Ce piémont est soumis à un climat désertique depuis des dizaines de millions d'années. Les rivières descendant du plateau sont à sec la plupart du temps et peuvent le rester plusieurs années d'affilée. L'alluvionnement et l'érosion y sont très faible, ce qui pose la question de l'origine de ce « coup de sabre » qui s'enfonce dans ce piémont sur 1,5 km de long. La raideur des versants indique un âge relativement “jeune”.
Cette région de l'Ouest namibien est le siège d'une sismicité certes modérée, mais importante pour ce contexte intraplaque. Des mouvements verticaux significatifs ont lieu au Néogène (Miocène-Pliocène-Quaternaire). Ils seraient responsables de surrections qui, cumulées, peuvent dépasser 500 m, surrections à l'origine des grands canyons comme celui de la Fish River, qu'on peut comparer à celui du Colorado. Dans sa thèse intitulée Mécanismes de déformations post-rifting des marges passives. Exemple des marges péri-atlantiques et modélisation (2004), Marie Leroy, à la page 112, consacre quelques lignes au canyon de Sesriem : « C'est un canyon qui a été créé par la rivière éphémère Tsauchab s'écoulant vers Sossusvlei. Il s'est creusé sur 30 mètres de profondeur et un kilomètre de long dans des sédiments conglomératiques d'origine fluviatile. Ces épais sédiments sont âgés de 15 à 18 Ma, c'est-à-dire contemporains de la période de soulèvement continental miocène. Ils témoignent d'un climat plus humide qu'actuellement et qui a permis l'érosion et le transport important des roches soulevées à cette époque. L'incision plus récente de ces conglomérats pourrait correspondre au deuxième épisode de soulèvement daté du Pliocène. »
Il se pose donc une double question, à laquelle je ne connais pas de réponse claire. Une question régionale : quelle est l'origine de ces importants mouvement verticaux néogènes qui affectent tout l'Ouest namibien ? Une question locale : pourquoi ce surcreusement récent à l'origine du canyon de Sesriem a-t-il eu lieu là et pas ailleurs en amont ou en aval ?
Ne pas pouvoir proposer de réponse claire et univoque à ces questions n'empêche d'admirer les manifestations de l'érosion dans ces formations fluviatiles, ni de réfléchir à des causes possibles à ce surcreusement local. Les figures 4 à 6 montrent des vues aériennes de plus en plus proches de ce canyon, les figures 7 et 8 des vues prise du rebord du canyon, les figures 9 à 20 correspondent au parcours d'aval en amont de quasiment toute la longueur du canyon, parcours effectué au coucher du soleil, et les figures 21 à 26 correspondent à des zooms “sédimentologiques”.
Source - © ? D'après panoramio-132372549 / Google earth | |
Source - © 2020 D'après Carnet d'escapades | Source - © ? D'après panoramio-112628858 / Google earth |
Durant le kilomètre et demi parcouru dans le canyon, on peut voir de très nombreuses figures sédimentaires caractéristiques de la sédimentation fluviatile : alternances gréso-conglomératiques (anciennes alternances de lits de sable argileux et de galets), figures de chenaux…
Source - © ? D'après panoramio-86356818 / Google earth
Toutes les photographies de P. Thomas de cet article ont été prises lors d'une excursion géologique organisée en 2017 par le CBGA (Centre briançonnais de géologie alpine) et encadrée par Olivier Dauteuil (Université de Rennes).