Image de la semaine | 06/04/2020
Les falaises de Sainte-Honorine-des-Pertes (Port-en-Bessin, Calvados) : un aperçu de la géomorphologie littorale
06/04/2020
Résumé
Altération et érosion littorale en pays calcaire : falaise, platier et reculs pouvant former des “confessionnaux”.
La semaine dernière, Planet-Terre vous proposait de découvrir le karst de Port-en-Bessin, ses pertes et résurgences au niveau de Port-en-Bessin et les travertins de la plage de Sainte Honorine-des-Pertes (cf. Le karst de Port-en-Bessin (Calvados) : résurgences sous-marines, pertes, travertins). Cette nouvelle image de la semaine aborde la zone de contact entre le karst et le littoral formant une morphologie dynamique typique du littoral normand : une falaise (voir d'autres falaises normandes dans À la découverte géologique des falaises d'Étretat, présentation d'une excursion allant de la plage du Tilleul (Antifer) à la porte d'Amont (Étretat Nord), À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de la plage du Tilleul (Antifer) à l'anse de la Valaine, À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de l'anse de la Valaine à la porte d'Amont (Étretat Nord)).
Les falaises sont un type de morphologie littorale typique des côtes normandes. Ce sont des abrupts littoraux formés par l'érosion due à la dynamique de la mer (courants de houle, tempêtes…). Les dépôts au pied de la falaise constituent la plateforme littorale d'érosion.
Ces falaises illustrent bien les processus d'altération-érosion différentiels : les calcaires, qui sont des roches compétentes (résistantes à l'érosion), forment les zones abruptes alors que les marnes, beaucoup moins compétentes (donc peu résistantes à l'érosion), forment les zones avec les pentes plus faibles.
Au niveau du platier rocheux, il est possible d'observer la dynamique du recul de la falaise notamment par les nombreux blocs éboulés mais aussi par une observation de détail des falaises.
La dynamique de la mer avec les vagues de marée et les courants de houle sont responsables du transport des particules que les processus gravitaires déposent au pied de la falaise. Au cours du temps ces deux phénomènes sont responsables du recul de la falaise. Le recul des falaises est un des problèmes majeurs actuels liés à la montée du niveau marin régulièrement évoqué dans des articles de presse sur le littoral normand (cf. Le Monde, The Conversation). Pour plus de détails sur ses conséquences, (re)lire Impact des activités humaines sur l'érosion littorale.
Un trait particulier des falaises de Sainte-Honorine-des-Pertes est la présence de morphologies concaves délimitant ce qui localement est appelé un “confessionnal”.
L'explication de ce type de morphologie qui peut être proposée fait intervenir l'existence des diaclases (ou de zones de failles) dans la roche. Les processus d'altération-érosion (cf. Pour enfin se mettre d'accord sur la définition de l'altération et de l'érosion) ont tendance à être localisés dans les zones de factures (notamment les plus vastes) et à s'amplifier par infiltration des agents érosifs, ici l'eau de mer, et par amplification des phénomènes d'altération.
Dans cette roche calcaire, les processus d'altération des carbonates de calcium par la réaction CO2 + H2O + CaCO3 → Ca2+ + 2 HCO3− conduisent à la dissolution des carbonates. Ajouté à cela, il faut prendre en compte les processus de cryoclastie, perte de cohésion des éléments des roches par alternance gel-dégel, les changements de volume entre glace et eau étant responsables de surpression dans les microfractures. Autre processus se produisant : l'haloclastie, c'est-à-dire la formation de sels (halite, gypse…) dans les microfractures à partir des ions dissous dans l'eau de mer à l'origine de surpressions (encore plus exacerbées par les processus de thermoclastie, dilatation différentielle des minéraux lors de variations de température).
Les diaclases les plus affectées par tous ces processus sont celles à la base de la falaise ce qui pourrait expliquer que le fond de certains confessionnaux soit surcreusés.
Autre facteur pouvant contribuer à la formation de ces confessionnaux, l'existence de résurgences qui sortent à hauteur de la falaise (comme au niveau du travertin de l'article de la semaine dernière, Le karst de Port-en-Bessin (Calvados) : résurgences sous-marines, pertes, travertins) peuvent contribuer au recul local de la zone en sortant de la falaise. Ce type de phénomène est connu dans le Jura (à plus grande échelle) et forme une morphologie appelée reculée (cf. Les reculées du Jura).
Le ruissèlement sur la pente formée par les marnes peut aussi expliquer que l'écoulement se fasse sur la ligne de plus grande pente et donc dans les creux formés par l'érosion amplifiant encore le creusement localisé de la falaise.
La morphologie concave pourrait aussi être favorisée par les transports de blocs et galets par les courants de marée et de houle expliquant le creusement ou le lissage de la zone par chocs et frottements contre la falaise.
Mais tout cela reste un problème ouvert et toutes les idées sont les bienvenues.
Les schémas (très) simplifiés suivants résument le modèle proposé.
Pour les enseignants et curieux de la géologie de la région, de nombreux compléments indispensables à cet article et à la géologie normande sont à consulter sur le site de la Lithothèque de l'académie de Caen.
Après cet aperçu morphologique, nous nous intéresserons la semaine prochaine aux différentes lithologies rencontrées et à leurs relations de la base au sommet de la falaise.