Image de la semaine | 03/06/2019
Le stratotype du Toarcien à Sainte Verge, banlieue de Thouars (Deux-Sèvres)
03/06/2019
Résumé
Le Toarcien, dernier étage du Jurassique inférieur, et son stratotype (affleurement de référence) riche en ammonites décrit en banlieue de Thouars.
Les stratotypes sont des affleurements qui servent de référence pour définir un étage géologique. Ils ont été historiquement introduits au cours du XIXe siècle. Certains sont toujours “valides” depuis ce XIXe siècle, d'autres ont été changés du fait des progrès de la géologie. Il y a en France 17 stratotypes, dont celui du Toarcien proposé en 1849 par Alcide d'Orbigny. Le Toarcien est le dernier étage du Jurassique inférieur, et date de 183 à 175,6 Ma). Le stratotype du Toarcien contiendrait plus de 80 espèce d'ammonites, et c'est cette richesse qui l'a fait choisir par d'Orbigny. La carte géologique de Montreuil-Bellay le décrit comme suit.
I4. Calcaires argileux, marnes, calcaires à oolites ferrugineuses (Toarcien) (3,4 à 15 m).
C'est sur la feuille de Montreuil-Bellay, près du hameau de Vrines au Nord de Thouars que le stratotype du Toarcien a été défini par d'Orbigny. Cet auteur avait en effet choisi les carrières du Rigollier près de Vrines comme point étalon. En 1987, le stratotype situé dans les anciennes carrières du Rigollier a fait l'objet d'un aménagement (rafraichissement de la coupe et pose de panneaux explicatifs). Le site est désormais classé en réserve naturelle sous la dénomination « réserve naturelle du Toarcien » (décret n°87-950 du 23 novembre 1987 - Environnement). D'autres profils de la région de Thouars exposent l'étage notamment à Ligron et sur la feuille voisine de Thouars, à Thouars même et à Airvault. Au sommet de la carrière de Ligron où sa puissance est d'environ 3,40 m (comme à Vrines), l'étage est très fossilifère ; on détaille, de bas en haut :
- 0,08 à 0,20 m : calcaire bioclastique à rognons limonitiques représentant le Toarcien inférieur et moyen (sous-zones à Falciferum à sous-zone à Bifrons) ; -1,10 m : marne à bancs de calcaire argileux discontinus à la base et au milieu, continus au sommet (début du Toarcien supérieur : zone à Thouarsense) ; -0,60 m : calcaire à oolites ferrugineuses représentant la zone à Insigne et la base de la zone à Pseudoradiosa ; - 0,8 m : reposant sur un interlit marneux des calcaires argileux à oolites ferrugineuses, à débit plus ou moins amygdalaire : sommet de la zone à Pseudoradiosa et base de la zone à Aalensis ; - 0,65 m : calcaire argileux sans oolite ferrugineuse, en bancs irréguliers intercalés dans des marnes grises : sommet de la zone de Aalensis.
On peut remarquer que les fossiles et les faciès du Toarcien des Deux-Sèvres ressemblent beaucoup à ceux du Rhône (cf. Les ammonites calcitisées du Toarcien – Aalénien inférieur des Monts d'Or lyonnais), deux sites pourtant distants de 410 km.
Le nom de Toarcien vient du nom latin de la ville de Thouars (Deux-Sèvres), mais les carrières qui ont servis à d'Orbigny pour définir cet étage ne se trouvent pas sur la commune de Thouars, mais sur la commune limitrophe de Sainte Verge. Ce stratotype se situe sur la bordure Sud-Ouest du Bassin Parisien. Deux anciennes carrières et leurs environnements immédiats ont été classés Réserve Naturelle Nationale (RNN) du Toarcien (RNN91) en 1987. C'est la plus petite RNN de France (0,61 hectare au total). Elles sont clôturées ; des sentiers ont été aménagés à l'intérieur des clôtures ; des panneaux explicatifs et des “échelles stratigraphiques” y détaillant la géologie ont été posés.
Ces carrières ont un intérêt géologique et historique évident, et les protéger est une excellente chose. Avoir classé/protégé ce stratotype est tout à l'honneur des instigateurs de ce classement, et ce n'est pas, hélas, le cas de tous les stratotypes ou para-stratotype de France (je pense au stratotype du Berriasien et à l'ancien stratotype du Stéphanien pour rester en région Auvergne-Rhône-Alpes). Mais comme souvent en France, les bonnes idées sont mal gérées, laissées en plan au bout de quelque temps, souvent par faute de moyens attribués au gestionnaire (communauté de communes du Thouarsais dans le cas présent), gestionnaire qui serait probablement ravi de pouvoir entretenir son patrimoine, mais qui n'en a pas les moyens. Les clôtures (aisément franchissables) empêchent certes qu'un groupe de scolaires pénètre non accompagné dans la carrière et prélève des fossiles (un fossile par élève, et il n'y en aurait plus de visibles au bout de 10 groupes). Mais la “porosité” des clôtures et l'absence de surveillance (par exemple par les voisins, par des employés municipaux…) n'empêcheraient pas des collectionneurs mal intentionnés d'y pénétrer et de faire des prélèvements sauvages. Et l'absence fréquente de réponse aux appels téléphoniques n'encourage pas les géologues “bien intentionnés” et ne voulant faire aucun prélèvement à respecter la loi. On peut également regretter la faiblesse de “l'entretien” des affleurements. Un “coup de Karcher” annuel et le changement de quelques panneaux explicatifs ne feraient pas de mal.
Nous allons vous montrer des images du la première carrière, la carrière des Hauts Coteaux (figures 3 à 12), puis des images de la deuxième carrière, la carrière du Rigollier ou des Groies située 500 m au Nord-Ouest (figures 13 à 20). Il nous a fallu, hélas, violer la lettre de la réglementation pour prendre ces photographies (passer par les trous déjà existant dans les clôtures) ; nous n'avons pas, bien sûr, violé l'esprit de la réglementation en ne ramassant aucun échantillon et en ne “touchant” pas aux fronts de taille.
Si on est de passage dans la région de Thouars, qu'on veut voir des faciès du Toarcien (et du Pliensbachien sous-jacent), qu'on bute sur des clôtures, des portes fermées et un numéro de téléphone ne répondant pas, et qu'on ne veut (ou ne peut) pas passer sous les clôtures en rampant, on peut se promener dans la ville de Thouars et regarder les roches des monuments et du bâti urbain. On peut y faire de belles découvertes et de belles photographies.