Image de la semaine | 16/11/2015
Un exemple de petit lapiaz : le lapiaz de Loulle (Jura)
16/11/2015
Résumé
Un lapiaz jeune et peu étendu, rigoles de dissolution, végétation et nostocs (crachat du diable ou crachat de Lune).
En pays calcaire, les morphologies superficielles les plus spectaculaires des karsts sont souvent des lapiaz (aussi appelés lapiés, lapiez, lapiès ou karren). Il s'agit de surfaces calcaires parcourues de "rigoles de dissolution" plus ou moins marquées. Ces rigoles apparaissent soit à partir des diaclases initialement présentes dans la roche, progressivement élargies par l'action des eaux de ruissellement chargées de CO2, soit le long de la ligne de plus grande pente par simple dissolution, sans qu'il y ait besoin de fissure initiale. Le dioxyde de carbone dissous dans ces eaux de ruissellement (eaux de pluie ou de la fonte des neiges) provient un peu du CO2 atmosphérique. Mais comme souvent les fractures sont tapissées de voiles bactériens, de concentrations de cyanobactéries et même remplies d'humus abritant végétaux et champignons, c'est surtout la respiration de ces êtres vivants (bactéries, champignons, racines des végétaux…) qui produit le CO2, CO2 que ces organismes ont eux-mêmes directement ou indirectement extrait de l'atmosphère par la photosynthèse.
Dans les fissures ainsi formées, quand un sol, important producteur de CO2 (et d'acides humiques), s'est installé, cela accélère encore la dissolution au niveau de ces fissures qui s'élargissent, s'approfondissent et vont prendre le dessus par rapport aux autres. On passe ainsi d'un karst peu évolué, comme à Loulle, à un karst beaucoup plus mature (comme par exemple celui du Bois de Païolive que l'on verra dans 3 semaines).
La dissolution des carbonates par les eaux chargée de CO2 peut s'écrire : CO2 + H2O + CaCO3 → 2 HCO3- + Ca2+.
C'est la réaction inverse de ce qui se passe dans les grottes riches en stalactites, stalagmites et autres concrétions (cf., entre autres, Les excentriques, des concrétions spéléologiques bien étranges).
Le lapiaz de Loulle est très facilement accessible aux curieux des sciences de la nature. On peut facilement s'y garer, et il est indiqué par un panneau sur le bord de la D255 entre Pillemoine et Loulle.
D'après la carte géologique au 1/50 000 de Champagnole (1965) le lapiaz de Loulle affecte la couche de calcaire nommé J7 (Séquanien). Dans la terminologie actuelle, le Séquanien correspond à l'Oxfordien supérieur et au Kimméridgien basal, étages du Jurassique supérieur (≈145 Ma). Il s'agit de calcaires, parfois oolitiques ou péri-récifaux. Des faciès particuliers de ce même calcaire de Loulle font l'objet d'un article séparé (cf. Loulle (Jura) : sous le lapiaz, la plage et ses dinosaures).
Ce lapiaz est recouvert de dépôts glaciaires, noté Gm sur la carte géologique de Champagnole. La notice de cette carte indique qu'il s'agit de moraines de fond. Lors des dernières glaciations, la région était donc recouverte de glaciers, agents érosifs puissants. Les éventuels lapiaz anté-glaciaires ont été érodés, et la morphologie actuelle est donc très récente (moins de 15 000 ans). Ce jeune âge explique la morphologie "immature" de ce lapiaz.