Image de la semaine | 19/01/2015
Les cônes de scories à forte explosivité et autres tuff-rings, Parc National de Timanfaya, Lanzarote, îles Canaries (Espagne)
19/01/2015
Résumé
Formation de cônes de scories liés à des éruptions explosives.
La caldeira de Corazoncillo est un bel exemple de cône de scories mis en place avec un dynamisme différent de celui des cônes de scories standards. Trois principales différences morphologiques permettent d'arriver à cette conclusion. (1) La pente parfois très raide des flancs internes du cratère, qui peut avoir une morphologie de falaise. (2) Ces flancs raides ne sont pas tapissées de scories étant retombées dans le cratère. Au contraire, ces flancs raides recoupent et laissent apparaître les couches de scories constituant le cône, couches pendant vers l'extérieur du cône (pendage centrifuge). (3) Le diamètre du cratère (Øc) est relativement grand par rapport au diamètre total du volcan (Øv), avec Øv/Øc < 2. De plus, dans un certain nombre de cas (comme ici), les pentes externes de ces cônes inhabituels ont parfois un pendage bien inférieur à 30°, la pente d'équilibre classique des « tas de granulats ».
Un cône volcanique standard grandit le plus souvent à la suite d'explosions successives de faible intensité. Chaque explosion, faible, n'agrandit que peu le cratère pré-existant où elle a lieu. Les projections émises par cette explosion retombent en partie dans le cratère. Cela explique (1) que le cratère ne grandit que peu, puisque l'agrandissement du cratère par le souffle de l'explosion est compensée par le remplissage de ce cratère par les retombées qui suivent ; (2) que les flancs du cratère ont une pente "faible" (≈30°), caractéristique de la pente d'équilibre des "tas" de granulats.
Les cônes volcaniques ayant la morphologie de la caldeira de Corazoncillo sont le résultat d'explosions beaucoup plus violentes, au moins à la fin de leur activité. Le souffle des explosions violentes agrandit le cratère préexistant en recoupant les flancs ; les projections, violemment expulsées, retombent pour leur grande majorité à l'extérieur du cratère dont elles ne tapissent pas les flancs. Ces flancs sont donc souvent de véritables falaises verticales ou très raides recoupant et mettant en évidence les couches constituant les flancs du cône précédemment déposés. Ces pentes très raides donnent souvent lieu à des effondrements et des éboulements postérieurs. Les cônes ayant cette morphologie sont souvent appelés « tuff rings ».
Tous les intermédiaires existent bien sûr entre les cônes à très faible et à très forte explosivité. Un même édifice peut également changer d'explosivité au cours de sa croissance. Cette forte explosivité vient souvent d'un dynamisme avec une importante composante phréatique, de l'eau phréatique vaporisée par le magma se rajoutant aux gaz magmatiques.
Si l'explosivité est encore plus grande, ces caractères morphologiques s'exacerbent, et on obtient la morphologie caractéristique d'un maar.
La caldeira de Corazoncillo est un des très nombreux cônes de scories présents dans le Parc National de Timenfaya, sur l'île de Lanzarote. Une majorité de ses cônes, mais pas tous, ont une morphologie suggérant une composante explosive importante. La proximité de la mer et de sa nappe phréatique pourrait expliquer l'importance de la composante phréatique et la forte explosivité de nombreux édifices. Ces cônes ont presque tous été mis en place entre 1730 et 1736. Ils accompagnaient une énorme émission de laves basaltiques (8 millions de m3). Cendres et laves ont recouvert 167 km2, soit 20% de la surface de l'île. Il s'agit, avec l'éruption du Laki en 1783-1784, de l'une des deux plus grandes éruptions laviques de l'histoire récente. On peut enfin noter que le terme de caldeira de Corazoncillo est le nom local de ce cône volcanique surbaissé, et n'a pas de signification géologique particulière. Caldera est un terme espagnol qui signifie « chaudière » ; son équivalent portugais caldeira signifie « chaudron ». Si les géologues réserve le nom de caldeira (ou, parfois, caldera) aux dépressions volcaniques de grande taille issus d'un effondrement, ce terme populaire est d'usage courant dans les pays hispanophones ou lusophones et désigne souvent tout cratère volcanique, quelle que soit son origine.
Le Parc de Timanfaya (Canaries) est un musée des morphologies volcaniques engendrées par des laves fluides (basaltes). Outre ses cônes et autres tuff rings, on peut y voir des tunnels de lave, (cf. Tunnels de lave effondrés (sinuous rilles) et les figures 11 et 12 de Stalactites et stalagmites de basalte dans les tunnels de lave (lava tubes)), de belles surfaces de coulées (cf. figures 8 et 9 de Coulées de laves anciennes de type aa (en gratons) : Arizona, Canaries, Islande et Chaîne des Puys)... Nous vous montrons encore des photos de deux autres cônes de scories, plus petits que la caldeira de Corazoncillo, mais dont les caractéristiques morphologies (pentes internes du cratère fortes recoupant les couches de scories, cratère de taille importante par rapport à la taille du cône…) laissent supposer une mise en place avec une forte composante explosive, au moins à la fin de leur fonctionnement.