Image de la semaine | 05/01/2015
Cônes adventifs sur les flancs du Pico (volcan des Açores), dont l'un a été aménagé en enclos à bétail
05/01/2015
Résumé
Cônes adventifs d'un stratovolcan avec cônes de scories à pentes douces et cônes à pentes raides(spatter cones).
Ce petit volcan basaltique a été aménagé par les éleveurs locaux en enclos à bétail (surtout des bovins). Ce cône est constitué de scories, bien stratifiées à l'extérieur, beaucoup moins bien à l'intérieur. Ces scories sont rouges au centre du volcan, noires en périphérie, ce qui est le cas classique des cônes de scories (faciès cœur de cône et faciès bas de cône). Les flancs extérieurs du cône sont raides (45°) alors que le pendage classique des cônes stromboliens usuels et autres tas de granulats (terril-crassier, tas de sable, cône d'éboulis…) est plutôt de 30 à 35°. Les flancs internes du cratère sont eux particulièrement raides (pendage > 60°), mais sont eux aussi faits de scories.
La végétation poussant sur ses flancs internes laisse supposer que cette raideur est d'origine, antérieure aux aménagements anthropiques.
La semaine précédente, nous vous avons montré comment des bergers basques avaient aménagé un anticlinal pour le transformer en bergerie. Cette utilisation pastorale d'objets géologiques n'est pas un privilège basque et tectonique, puisque des éleveurs portugais des Açores ont utilisé un petit volcan (cône adventif du Pico) pour faire de même, en transformant l'intérieur du cratère en enclos à bestiaux. Il y a des dizaines de cônes adventifs sur les flancs Nord, Ouest et Sud du Pico, cônes qui sont des points de sorties latérales de la lave. Le nombre de ces cônes permet d'avoir un échantillonnage assez complet des différentes formes possibles de cônes adventifs, tous faits de scories basaltiques. Ces cônes ont une morphologie comprise entre deux pôles : (1) une morphologie "classique" avec des pentes (pentes externes et pentes du cratère) comprises entre 30 et 35°, et (2) une morphologie où les pentes internes comme externes sont beaucoup plus raides. L'aménagement du cône transformé en corral en modifie un peu la morphologie, mais montre un aspect assez proche du pôle (2), avec pentes interne et externe très raides. Et, de plus, cet aménagement permet de voir l'intérieur des dépôts scoriacés, et donc de proposer une explication à ses pentes raides.
Cette pente correspond à la pente d'équilibre que prend un tas d'objets aux formes quelconques et avec un coefficient de friction "géologique" moyen. À l'arrière-plan, on voit sous les nuages l'île de Faial et sa capitale Horta. | Cette pente correspond à la pente d'équilibre que prend un tas d'objets aux formes quelconques et au coefficient de friction "géologique" moyen. |
Dans un cône de scories "banal" comme ceux qui constituent l'essentiel de la Chaîne des Puys, la majorité des scories sont déjà solides quand elles retombent. Certaines ont acquis une forme de bombe en tournoyant pendant leur trajectoire aérienne ; si elles conservent cette forme en retombant, c'est qu'elles étaient déjà solidifiées quand elles sont arrivées à terre. Ces scories solides peuvent rouler les unes sur les autres et donner à la pente du volcan cette pente d'équilibre caractéristique de 30-35°. Un physicien pourrait "aisément" calculer la valeur de cette pente en fonction de la forme moyenne des scories et de leur rugosité de surface. Si les scories sont émises plus chaudes ou projetées moins haut, elles sont encore pâteuses quand elles retombent. Elles s'aplatissent en arrivant à terre, moulent les scories solides déjà en place sur lesquelles elles retombent et s'y collent. Elles peuvent même légèrement continuer à couler vers le bas en filant, un peu comme le fromage d'une fondue savoyarde, ce qui soude particulièrement bien les scories entre elles. Mais en aucun cas elles ne peuvent rouler les unes sur les autres et conférer à la pente du cône son angle d'équilibre. C'est cette retombée de scories encore pâteuses qui se collent les unes sur les autres qui explique la pente très raide de ces cônes. Ce genre de cône aux pentes raides formé par des scories retombant encore suffisamment chaudes et visqueuses pour se coller les unes aux autres est aussi appelé spatter cone.
Figure 5. Vue globale sur la partie sommitale d'un cône adventif à bords raides, sur le flanc Ouest du Pico La pente externe à droite du sommet atteint 65°. La pente du bord interne du cratère atteint 80° (quasi verticale) sur la gauche du cratère. Ce type de cône s'appelle spatter cone. | Figure 6. Zoom sur la partie sommitale d'un cône adventif à bords raides, sur le flanc Ouest du Pico La pente externe à droite du sommet atteint 65°. La pente du bord interne du cratère atteint 80° (quasi verticale) sur la gauche du cratère. Ce type de cône s'appelle spatter cone. |
Dans un cône de scories "banal" comme on peut en voir dans la Chaîne des Puys, la majorité des scories sont déjà solides quand elles retombent et forment des cones à pentes douces. Les scories que l'on voit ici, en particulier celles qu'on voit à une vingtaine de centimètres en bas à gauche du couteau, étaient encore pâteuses quand elles sont retombées. Elles ont moulé les scories déjà en place sur lesquelles elles sont retombées, elles ont même parfois continué à couler vers le bas en filant, un peu comme le fromage d'une fondue savoyarde. C'est cette retombée de scories encore pâteuses qui se collent les unes sur les autres qui explique la pente très raide de ce genre de cône, plus raide que la pente d'équilibre d'un tas de granulats. | Dans un cône de scories "banal" comme on peut en voir dans la Chaîne des Puys, la majorité des scories sont déjà solides quand elles retombent et forment des cones à pentes douces. Les scories que l'on voit ici, en particulier celles qu'on voit à une vingtaine de centimètres en bas à gauche du couteau, étaient encore pâteuses quand elles sont retombées. Elles ont moulé les scories déjà en place sur lesquelles elles sont retombées, elles ont même parfois continué à couler vers le bas en filant, un peu comme le fromage d'une fondue savoyarde. C'est cette retombée de scories encore pâteuses qui se collent les unes sur les autres qui explique la pente très raide de ce genre de cône, plus raide que la pente d'équilibre d'un tas de granulats. |
Source - © 2010 / 2007 Flavie Rude / Pierre Thomas |
Figure 10. Vue sur un autre cône adventif du Pico (Açores), cône largement égueulé
Il s'agit d'un cône aux pentes classiques (30 à 35°) largement égueulé. Ce cône égueulé aurait lui aussi pu servir de corral, mais les agriculteurs ont préféré laisser le fond de son cratère en pâture.
Figure 12. Panorama sur des cônes adventifs du flanc Ouest du Pico (Açores)
La ville que l'on voit est la ville de Madalena, localité principale de l'île de Pico. À l'arrière de Madalena, on devine l'île de Faïal.
Figure 13. Le volcan de Pico (2351 m) vu depuis l'entrée du "cône-corral" Des vaches montrent l'intérêt local de transformer un volcan en enclos à bestiaux. | Figure 14. Vue d'une partie du champ de cônes adventifs sur le flanc Ouest du Pico (Açores) Le cône adventif transformé en enclos à bestiaux est situé au centre de la photo. La route (étroite et à une voie) en donne l'échelle. Il est impossible de montrer l'ensemble des cônes adventifs du Pico sur une seule image Google Earth car ce volcan n'est quasiment jamais entièrement dégagé des nuages sur les images disponibles. |
Source - © 2007 Urs Künzler sur panoramio.com | Figure 16. Une image rare : le Pico presque sans nuage vu depuis le sommet de l’île de Faial Le Pico est vu depuis le sommet de l'île de Faial (cf. La caldeira de Faial (Açores) et les limites de la (trop) "populaire" notion de volcan rouge / volcan gris) avec un éclairage de fin d'après-midi. Les cônes adventifs des figures précédentes sont situés au tiers inférieur du volcan, juste à l'aplomb du sommet. |
Figure 17. L'île de Pico (Açores), avec le volcan Pico (à gauche) La punaise jaune indique la position du volcan-corral. Au Nord-Est, l'île de Sao Jorge. À l'extrême gauche, la partie orientale de l'île de Faial. | Les Açores sont une très riche destination de vacances ou d'excursions, qui a déjà donné lieu à une dizaine d'articles publiés sur Planet-Terre. |