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Image de la semaine | 30/06/2014

Traces de coups de pioche préhistoriques dans une minière néolithique de silex, Spiennes (Mons), Belgique

30/06/2014

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Exploitation de rognon de silex dans d'étroites galeries souterraines creusées dans de la craie.


Intérieur d'une galerie néolithique creusée dans la craie campanienne de Spiennes (6 km au Sud de Mons, Belgique)

Figure 1. Intérieur d'une galerie néolithique creusée dans la craie campanienne de Spiennes (6 km au Sud de Mons, Belgique)

Cette galerie a été creusée 4000 ans avant notre ère à une quinzaine de mètres de profondeur pour en extraire des silex puis les tailler, comme celui présenté en bas à droite de l'image et photographié au Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux du Service public de Wallonie (Spiennes). L'échelle est donnée par le tuyau gris servant à l'aération des galeries, tuyau qui mesure environ 10 cm de diamètre.

La paroi de cette galerie est constituée de craie blanche datant du Campanien (Crétacé supérieur). Cette craie, comme très souvent dans le Bassin Parisien, contient des rognons de silex (cf. À la découverte géologique des falaises d'Étretat... et La Madone des oursins et des silex, cité souterraine de Naours, Somme), silex sombres quand ils ne sont pas altérés, plus clairs quand il le sont. On voit très bien un rognon allongé et à la forme tourmentée derrière l'étai. En avant du sommet de l'étai, on voit une empreinte en creux dans le plafond de la galerie, c'est l'empreinte d'un rognon de silex en forme de galette extrait de là il y a environ 6000 ans. Pour extraire ces rognons de silex sans les casser, les mineurs du néolithique ont creusé la craie autour du rognon. On voit encore la trace de leurs outils de type pioche (outils eux-mêmes en silex), sous forme de sillons mis en valeur par l'éclairage rasant.


Nous avons vu la semaine dernière que la Belgique exportait des pierres ornementales, en particulier la célèbre « Pierre Bleue de Belgique ». Dès le Néolithique, la Belgique, ou du moins ses habitants de l'époque, faisait commerce et "exportait" des silex taillés depuis la région de Mons. C'est au milieu du 19ème siècle qu'on découvre d'extraordinaires quantités de silex taillés dans la région de Spiennes, à 6 km au Sud de Mons (Belgique). On était là sur une très vaste zone d'extraction de silex et de fabrique d'outils en silex taillés. Ces silex étaient extraits depuis le Paléolithique dans des argiles et des nappes alluviales formées aux dépens de la craie campanienne (Crétacé supérieur). Le site a acquis une renommée mondiale quand on a découvert des dizaines de puits de mines atteignant la craie non altérée et ses silex de qualité supérieure. Chaque puits vertical mesure de 5 à 16 m de profondeur pour environ 1 m de diamètre. Au fond des puits, des courtes galeries (quelques mètres de longueur, 50 à 150 cm de hauteur) partent en rayonnant dans diverses directions. Les mineurs cherchaient manifestement des silex de bancs précis qui devaient posséder des qualités particulières. Des silex taillés de Spiennes ont été trouvés à plus de 140 km des sites d'extraction, et faisait donc l'objet d'un commerce important. Les datations au 14C d'objets trouvés sur les sites donnent un âge compris entre 4300 et 2200 ans avant notre ère. Ces datations sont confirmées par des restes de céramiques découverts sur place et appartenant à la culture de Michelsberg (4300 à 3700 ans av. J.-C.). Ces mines et ces ateliers de taille de silex datent donc du Néolithique, souvent encore appelé « âge de la pierre polie ». Cela montre qu'en cette période de sédentarisation des populations européennes, du développement de l'agriculture, des débuts de la céramique…, Homo sapiens taillait encore des silex, et développait même de véritables centres d'extraction et d'industrie lithique et faisait commerce de ces pierres. Le début de la "civilisation moderne" ! Ces objets et autres lames en pierre taillée pouvait servir tels quels : une lame en silex avec un bon tranchant coupe très bien, et pouvait être très utile en tant que couteau ou outil pour les moissons. Ces objets en pierre taillée pouvaient aussi servir d'ébauches en vue d'un polissage ultérieur.

La fabrication et l'utilisation d'objets en pierre taillée ne semble avoir disparu qu'avec l'apparition des métaux.

De très nombreux puits naturellement ou artificiellement comblés après la fin de leur exploitation ont été (et seront encore) dégagés par les archéologues. Le site des minières néolithiques est au cœur du Géoparc du Bassin de Mons, il a été classé au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO en 2000. Le fait que la ville de Mons va être Capitale Européenne de la Culture en 2015 a servi d'accélérateur à la réalisation d'un Centre de Découverte "Silex's" ouvert au public au printemps 2015, qui permettra, entre autres, d'accéder à une ou plusieurs de ces mines souterraines néolithiques, mines choisies, entres autres, pour la "grande" taille de leurs galeries. Situé à 8 km de la frontière française, à 20 km de Maubeuge, 35 km de Valenciennes… ce patrimoine est très facilement accessible aux collègues de la région Nord-Pas de Calais.

Avant cette ouverture programmée pour 2015, l'accès aux mines et aux chantiers de fouilles n'étaient possibles que sur demandes motivées. J'ai pu accéder à l'une de ces minières (bien trop petite et "fragile" pour être ouverte à un tourisme "de masse") en 2013 avec l'aimable autorisation du Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux du Service public de Wallonie (Spiennes) et grâce à Maxime Dumenil de l'Université de Mons. Merci à eux.

Détail de l'empreinte en creux d'un rognon de silex extrait par des mineurs du Néolithique

Figure 2. Détail de l'empreinte en creux d'un rognon de silex extrait par des mineurs du Néolithique

On voit très bien les traces faites par les outils (probablement eux-mêmes en silex), traces sous forme de sillons mis en valeur par l'éclairage rasant.




Mosaïque montrant autant que faire se peut le cadre des images précédentes dans une minière de silex de Spiennes (Belgique)

Vue d'une autre galerie de la même minière de silex, d'environ 100 cm de hauteur à gauche, 50 cm à droite

Figure 6. Vue d'une autre galerie de la même minière de silex, d'environ 100 cm de hauteur à gauche, 50 cm à droite

Presque au centre de l'image, un boyau très étroit mène à une autre zone d'exploitation.


Puits d'accès (vu depuis sa base) aux galeries de la minière de silex des images précédentes, Spiennes (Belgique)

Figure 7. Puits d'accès (vu depuis sa base) aux galeries de la minière de silex des images précédentes, Spiennes (Belgique)

Ce puits vertical, creusé il y a environ 6000 ans, mesure une dizaine de mètres de hauteur, pour moins d'un mètre de diamètre. Il a été vidé, dégagé, "sécurisé" et aménagé (échelle, câbles et tuyau de ventilation) par les archéologues. Un rognon de silex enchâssé dans la craie est visible au centre droit de l'image. On peut supposer que les minières ouvertes au tourisme (qui ne pourra jamais être un tourisme de masse vue la taille des puits et galeries) auront des accès plus aisés que cette minière.


Dessin montrant ce que pouvaient être les modalités d'exploitation des silex de Spiennes (Belgique) il y a 6000 ans

Figure 8. Dessin montrant ce que pouvaient être les modalités d'exploitation des silex de Spiennes (Belgique) il y a 6000 ans

Les conditions de travail du mineur en bas à gauche ne devaient pas être "faciles".

Dessin de B. Clarys extrait de http://minesdespiennes.org/.



Une "grande" galerie d'une autre minière de silex de la région de Spiennes (Belgique)

Figure 10. Une "grande" galerie d'une autre minière de silex de la région de Spiennes (Belgique)

C'est sans doute de telles galeries qui seront accessibles aux visiteurs dès l'ouverture du Centre de Découverte "Silex's".


Dans le Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux (Spiennes, Belgique)

Figure 11. Dans le Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux (Spiennes, Belgique)

Un rapide aperçu de ce que devrait présenter le futur Centre de Découverte (Silex's).


Une lame de silex du Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux (Spiennes, Belgique)

Figure 12. Une lame de silex du Centre de Recherche Archéologique du Camp à Cayaux (Spiennes, Belgique)

Un rapide aperçu de ce que devrait présenter le futur Centre de Découverte (Silex's).