Article | 02/04/2020
Télédétection et mesure de la déformation liée à divers processus géologiques
02/04/2020
Résumé
GPS, InSAR et corrélation d'images : suivi des déformations et la détermination des mécanismes dans le cas d'activité sismique et volcanique, de glissement de terrain, de déplacement de glaciers ou suite à des activités humaines. Acquisition d'un MNT global par InSar.
Table des matières
- Séismes en contexte décrochant
- Séismes en contexte compressif en subduction, exemple du séisme de Tohoku Oki (Japon, 2011)
- Contexte extensif de rifting : dykes et failles normales
- Suivi de l'activité de volcans
- Suivi de glissements de terrain
- Suivi de glaciers
- Surveillance des activités anthropiques
- InSAR et modèles numériques de terrain
- Les mesures de déformation dans l'enseignement du second degré
- Bibliographie
Cet article a pour but de montrer la diversité des cadres d'utilisation des techniques de mesure de la déformation (GPS, InSAR et corrélation d'images), ainsi que leur complémentarité et leurs limites. Les exemples d'application du suivi de la déformation concernent principalement la surveillance des volcans, des glaciers, des glissements de terrain, mais aussi l'étude à posteriori de séismes et d'éruptions. Dans la mesure du possible, les exemples donnés renvoient à des publications plus poussées, référencées et accessibles directement depuis la bibliographie.
Cet article ne détaille pas les méthodes, mais on pourra se référer aux articles dédiés (interférométrie – Interférométrie radar : principes et utilisation dans la surveillance de la déformation du sol, corrélation d'image – Corrélation d'images – Principes et utilisation dans la surveillance de la déformation du sol, et GPS sur lee site CS-Physique, Le GPS - Principe de localisation dans l'espace (1/2)) pour plus de détails sur leurs principes. La figure ci-dessous fait une synthèse des particularités et des domaines d'application des différentes techniques.
Les exemples traités ici sont choisis pour leurs aspects pédagogiques. Ils sont dans la mesure du possible, précédés d'un modèle de déformation, pour permettre de faciliter la lecture des interférogrammes.
Séismes en contexte décrochant
L'analyse d'un interférogramme couvrant un séisme est une opération difficile à faire à l'œil : comme un interférogramme enregistre le projeté de la déformation dans la ligne de visée du satellite, deux interférogrammes couvrant le même évènement dans deux lignes de visée différentes pourront avoir un aspect différent. De même, deux failles jouant de la même manière mais d'orientations différentes peuvent engendrer des motifs de déformation très différents sur un interférogramme. L'animation ci-dessous illustre cette situation.
Source - © 2020 A. Augier / kunos.fr
Dans la mesure du possible, les interférogrammes présentés seront annotés pour en faciliter la lecture, mais l'interprétation d'un interférogramme reste difficile, tant son aspect dépend de la géométrie d'acquisition. Les deux exemples ci-dessous illustrent cette sensibilité à la géométrie d'acquisition pour deux séismes en contexte décrochant.
Le séisme de Bam (Iran, 2003)
Le contexte tectonique de l'Iran est complexe. Il s'agit principalement d'une collision entre l'Arabie et l'Eurasie, conséquence de la fermeture de l'ancien océan Téthys. Certaines failles ont un jeu en décrochement, comme celle ayant affecté la ville de Bam en 2003. Le tremblement de terre a causé 26 271 morts et 30 000 blessés (sur environ 80 000 habitants). Lors de ce séisme, les failles sont restées aveugles, et n'ont pas atteint la surface. Seules les méthodes géophysiques telles que la mesure de la déformation peuvent alors permettre de caractériser la géométrie et le nombre des failles. La figure 3 montre un modèle de déformation dû à un séisme virtuel équivalent.
Les interférogrammes couvrant ce séisme sont particulièrement propres, dans la mesure où la région est désertique. Une légère perte de cohérence est cependant visible dans la localité de Bam, ce qui est dû à la présence de végétation.
La forme de cet interférogramme en "ailes de papillon" est caractéristique des séismes décrochants. Notez sur la figure 4 que l'amplitude de la déformation des "ailes du papillon" tourne en sens opposé sur les 2 interférogrammes (de l'extérieur vers le centre, on va, en haut, de l'orange au jaune puis au bleu, mais, en bas, du bleu au jaune puis à l'orange), ce qui n'est pas sans rappeler le symbole du mécanisme au foyer d'un séisme décrochant (avec quatre quadrants et une inversion du sens “blanc vers noir“ de part et d'autre d'un plan nodal). L'aspect esthétique de cet interférogramme lui a valu une certaine médiatisation, et il est souvent utilisé pour illustrer les principes de l'InSAR.
Source - © 2004 D'après Jónsson et al. [13]
Source - © 2005 D'après Funning et al. [8]
Le séisme de Landers (Californie, 1992)
La faille de Landers est une faille parallèle à la faille de San Fransisco. La zone a connu un séisme important en 1992 qui a été étudié par GPS et corrélation d'images, et qui a la particularité d'être le premier séisme imagé par interférométrie radar. L'étude de la déformation montre que la faille a joué en décrochement dextre.
Cet exemple montre la complémentarité des trois méthodes due à leurs limites respectives de résolution spatiale.
Source - © 2017 D'après Gombert et al. [9]
Les données d'interférométrie radar sont compatibles au premier ordre avec un décrochement dextre. L'interférométrie permet de cartographier plus finement la déformation que le GPS. Cependant, la déformation est très importante à proximité de la faille, les franges y sont tellement rapprochées qu'un seul pixel peut en contenir plusieurs, ce qui rend tout déroulement impossible.
Source - © 1993 D'après Massonnet et al. [15]
L'étude par corrélation d'images permet des mesures précises de la déformation importante à proximité de la faille. En revanche, la déformation est trop faible loin de la faille pour être accessible par cette méthode.
L'étude par corrélation d'images met en évidence le fait que même si la faille a globalement joué sur toute sa longueur, le glissement n'y est pas continu : certains endroits ont glissé de manière plus importante que d'autres.
L'analyse couplée des différentes données de déformation permet de retrouver la quantité de glissement le long de différents segments de la faille.
Source - © 2017 D'après Gombert et al. [9]
La déformation intersismique (entre 2 séismes) se fait généralement trop faiblement pour être suivie par imagerie : seul le GPS permet de la suivre. Dans le cas de la Californie, cette déformation intersismique explique bien l'origine des séismes décrochants : la figure 10 montre en quoi la déformation du séisme d'Hector Mine trouve son origine dans le contexte géodynamique de la Californie dans son ensemble.
Source - © 2015 D'après Vernant [22]
Séismes en contexte compressif en subduction, exemple du séisme de Tohoku Oki (Japon, 2011)
Ce séisme à l'origine de la catastrophe de Fukushima est un exemple très représentatif du rebond élastique en contexte de subduction (cf. Séisme du 11 mars 2011 au large de Sendai, île de Honshu, Japon). On va voir quels sont les déplacements attendus dans le cas d'un séisme dû à une faille inverse, puis voir en quoi les données GPS permettent de reconstituer le déroulement d'un rebond élastique dans un contexte en compression.
La figure 13 montre le suivi de la déformation intersismique et la déformation liée au séisme. Pour la période cosismique (pendant le séisme), même si l'échelle de la déformation n'est pas du même ordre de grandeur que le modèle numérique présenté à la figure 12, on retrouve un motif de déformation similaire, les vecteurs du bloc chevauchant convergent vers le plan de faille. La déformation du bloc chevauché n'est pas mesurée dans la mesure où elle est sous l'océan.
Source - © 2011 D'après Supersite (UNAVCO) [21]
Les données GPS permettant un échantillonnage temporel très fin, il est possible de caractériser la dynamique de la déformation. La figure 14 montre les trois composantes de la déformation enregistrées par la station MIZU, à l'Est du Japon (en rouge sur la figure 13). La déformation a duré moins de 2 minutes, ce qui peut être considéré comme instantané aux échelles de temps considéreés, et qui témoigne d'un comportement élastique de la lithosphère. On y observe cependant deux pics principaux, qui montrent que la déformation s'est faite en plusieurs temps. Ce détail temporel est accessible par GPS mais ni par InSAR, ni par corrélation d'images.
Source - © 2011 D'après Supersite (UNAVCO) [21]
La bonne couverture en stations GPS du Japon et le bon échantillonnage temporel du GPS permettent de caractériser très finement la dynamique du champ de déformation : la vidéo ci-dessous montre comment l'onde de déformation se propage de l'Est vers l'Ouest (à ne pas confondre avec les ondes sismiques qui mesurent une oscillation), en deux temps pour le séisme principal, et montre l'impact d'une réplique importante localisée plus au Sud.
Source - © 2011 R. Grapenthin / YouTube
Ce séisme ayant affecté le Japon en entier, les gradients de déformation sont peu importants (malgré une déformation importante : le Japon ayant bougé de 4 m vers l'Est). Comme ce pays dispose d'une couverture très dense en GPS, les données InSAR ou de corrélation d'images n'apportent pas de plus-value par rapport au GPS. Cependant, les nombreuses répliques ayant suivi n'ont eu que des impacts locaux, pour lesquels la densité de la couverture en GPS reste insuffisante pour caractériser précisément la déformation.
À partir des données de déformation, qu'elles soient GPS ou InSAR, il est possible de retrouver la géométrie de la faille à l'origine du séisme, ainsi que la quantité de glissement. La faille trouvée a un pendage faible d'environ 15° vers l'Ouest, et correspond au plan de contact entre la plaque Pacifique et la plaque Amérique du Nord (la partie la plus au Nord du Japon appartient en effet à cette plaque). Deux zones de glissement sont à prendre en compte, qui n'ont pas forcément joué en même temps, ce qui explique la dynamique en deux temps identifiée à la figure 14. La quantité maximale de glissement le long de la faille est estimée à environ 30 mètres.
Source - © 2011 D'après Ide et al. [11]
L'ensemble des données de déformation permet de proposer un modèle conceptuel pour ce type de séisme : le déplacement de la plaque Pacifique vers l'Ouest provoque la compression de la bordure de la plaque Amérique du Nord (dont fait partie le Nord du Japon). Cette mise en compression peut provoquer des séismes superficiels en jeu inverse dans la partie cassante de la croute, qui restent insuffisants pour accommoder l'intégralité de la compression. Lorsque les contraintes de la plaque chevauchante dépassent la friction au niveau du plan de faille, alors la plaque chevauchante retrouve sa position initiale, un peu comme si on relâchait un ressort comprimé, d'où l'appellation de rebond élastique. Des séismes le long de failles en jeu normal peuvent se produire dans la croute cassante. Comme seule une partie de la faille a joué, la plaque chevauchante ne reprend pas entièrement sa position initiale : elle est tordue, ce qui peut aboutir à des séismes en jeu décrochant de part et d'autre de la faille principale.
Contexte extensif de rifting : dykes et failles normales
En contexte extensif de rifting, la déformation liée aux contraintes régionales extensives peut être accompagnée par une déformation liée à l'injection de grands dykes magmatiques, pouvant provoquer des failles normales en surface. C'est ce que nous allons voir dans l'exemple suivant, dans l'Afar, au niveau du rift Manda Hararo qui a connu une activité exceptionnelle en 2005.
Source - © 2005 A. Philpotts / T. Wright
La déformation liée à cet évènement a été suivie par interférométrie radar (figure 20) et corrélation d'images (figure 21). Elle correspond au premier ordre à ce qui est attendu pour un dyke. Cependant, sur les bords du rift, la transition entre déplacements verticaux et horizontaux est brutale (en pointillés sur la figure 21), cette transition est localisée là où des failles normales sont visibles sur le terrain (voir figure 19). Des failles normales ont donc participé à la déformation.
Une subsidence importante est associée aux deux volcans encadrant le rift au Nord alors qu'une déformation liée à un dyke ou des failles normales devrait plutôt aboutir à une élévation à l'extérieur du rift : les réservoirs des deux volcans sont donc impliqués dans la déformation et pourraient être à l'origine du magma ayant rempli le dyke (ce qui semble cohérent avec le suivi de la sismicité, qui a montré une progression vers le Sud de la position des foyers, ce qui pourrait correspondre à la propagation du dyke du Nord vers le Sud).
Source - © 2006 D'après Wright et al. [24
Les sources à l'origine de cet évènement sont donc multiples et ont été retrouvées à partir de ces données de déformation (voir figure 21 pour une représentation en carte et figure 22 pour une représentation 3D), ce qui permet d'en quantifier les paramètres :
- un dyke gigantesque (environ 60 km de long, 10 km de haut, s'ouvrant localement d'environ 8 m pour une moyenne de 3,5 m, pour un volume total de 2,5 km3 de magma !) ce qui provoque la subsidence du graben ;
- des failles normales bordant le rift favorisant la subsidence du graben ;
- les réservoirs associés aux deux volcans en cours de vidange, pour un volume total de 0,5 km3.
Les chambres magmatiques ne peuvent pas expliquer l'intégralité du volume du dyke, un réservoir plus profond est donc impliqué.
Source - © 2006 D'après Wright et al. [24]
L'ouverture de ce dyke gigantesque a libéré une partie des contraintes tectoniques extensives accumulées depuis le dernier épisode de rifting, lui-même dû aux contraintes régionales. Cependant, malgré son ampleur, le dyke de septembre 2005 n'a pas suffi à libérer totalement ces contraintes : d'autres injections ont eu lieu quelques jours après cet évènement majeur, et ont permis de mettre en évidence la présence d'un réservoir profond localisé sous le centre du rift, ainsi que de probables communications entre les réservoirs des volcans et ce réservoir profond.
Source - © 2008 D'Ebinger et al. [3]
Suivi de l'activité de volcans
En général, la déformation engendrée par les éruptions est trop faible pour être mesurée par corrélation d'images, les méthodes les plus utilisées sont donc l'interférométrie radar et le GPS.
Dynamiques de réservoirs : cycles d'inflation/déflation des Champs Phlégréens
À l'Ouest de Naples se trouve un système de caldeiras emboîtées, au centre duquel se trouve le temple de Sérapis. Les trois colonnes encore debout de ce temple sont marquées à leur base par des traces de lithodomes, témoignant d'un séjour prolongé sous le niveau de la mer. Cette simple observation permet de déduire que la zone a connu au moins une subsidence importante suivie d'une inflation tout aussi importante.
Plus récemment, la zone a connu une inflation d'environ 2 mètres, qui a obligé la ville à construire un nouveau port emboîté dans l'ancien, les bites d'amarrages et le quai étant devenus trop haut pour accoster.
Ces cycles d'inflation/déflation sont dus à une dynamique de réservoirs profonds, dont l'impact peut être modélisé à l'aide d'un modèle simple (modèle de Mogi).
Source - © 2020 A. Augier / kunos.fr
La zone est surveillée en continu par GPS et interférométrie radar, et a connu de nouvelles crises depuis le début des années 1990. La source à l'origine de cette déformation est un réservoir profond (3 km sous la surface) dont le volume varie. Les phases d'inflation peuvent être interprétées comme le remplissage du réservoir par du magma, les phases de subsidence sont plus difficiles à interpréter, dans la mesure où le réservoir n'est pas vidangé (en tout cas, pas vers la surface) et que la vitesse de déformation est trop rapide pour invoquer une simple contraction thermique.
Source - © 2010 D'après Vilardoa et al. [23]
Source - © 2020 D'après D'Auria et al. [2]
Injection de dykes : activité classique au Piton de la Fournaise
Le Piton de la Fournaise est l'un des volcans les plus actifs au monde, et probablement l'un des plus surveillé. Il entre en éruption en moyenne 2 à 3 fois par an, et l'écrasante majorité des éruptions se fait via une fissure éruptive à proximité du cône central. Généralement, la déformation la plus importante a lieu juste avant et au début de l'éruption, lors de l'injection d'un dyke dans l'édifice, dont l'intersection avec la surface est à l'origine des fissures éruptives par lesquelles sort le magma.
Ce type d'activité entraine des déformations trop faibles pour être suivies par corrélation d'images. Par ailleurs, la déformation ayant une faible extension spatiale, elle est difficile à caractériser par GPS : il faudrait une forte densité de stations au sol, ce qui entrainerait des coûts prohibitifs. C'est donc l'interférométrie radar qui permet un suivi de ce type d'activité.
La figure 30 montre quelques interférogrammes couvrant ces éruptions classiques au Piton de la Fournaise. La géométrie des dykes à l'origine des éruptions nécessite de prendre en compte des géométries plus complexes qu'un simple rectangle, comme dans le cas du Manda Hararo (voir figure 22).
Source - © 2010 D'après Fukushima et al. [7]
Superposition de sources : le cas de l'éruption d'avril 2007 du Piton de la Fournaise
L'éruption d'avril 2007 a été particulière pour plusieurs raisons. D'une part, par ses manifestations visibles : c'est l'éruption qui a émis les plus gros volumes de lave depuis que le volcan est surveillé, et elle a été marquée par l'effondrement spectaculaire de son sommet sur plus de 300 mètres de haut (cf. Ile de La Réunion : l'éruption du Piton de la Fournaise, avril 2007 et Effondrement du cratère Dolomieu, caldeira sommitale du Piton de la Fournaise (île de La Réunion)). D'autre part, deux fissures éruptives sont impliquées : la première (ouverte le 30 mars) est à la base du cône central, alors que la seconde s'est ouverte à plusieurs kilomètres du cône central, à la limite de l'enclos, ce qui n'est pas exceptionnel, mais suffisamment rare pour être souligné. Enfin, c'est la première fois qu'une déformation continuant longtemps après la fin de l'éruption a été enregistrée, et ce, à deux endroits différents.
Cette éruption montre en quoi GPS et InSAR sont complémentaire : l'InSAR permet de cartographier finement la déformation avec une résolution temporelle médiocre alors que le GPS permet une étude fine de la dynamique de la déformation, mais avec une résolution spatiale très limitée.
Source - © 2011 D'après Augier [1]
L'interférogramme couvrant l'éruption permet de voir plusieurs motifs de déformation qui se superposent, et qui semblent associés à des processus différents. En parallèle, les données GPS, qui permettent un échantillonnage temporel fin, ont une résolution spatiale médiocre, la déformation principale du flanc Est n'a pas été enregistrée par GPS. C'est l'association des deux méthodes qui permet de comprendre la chronologie et l'impact des différentes sources à l'origine de cette déformation.
Source - © 2011 D'après Augier [1]
La déformation post-éruptive est plus simple, puisque seuls deux motifs de déformation sont visibles. Cependant, la position des stations GPS n'a permis de surveiller que la déformation du cône, mais pas celle du flanc, accessible uniquement par InSAR. Les deux méthodes montrent que la déformation s'amortit dans le temps, et qu'elle continue plus d'un an après la fin de l'éruption.
Les données GPS et InSAR peuvent être utilisées pour retrouver la géométrie et la position des différentes sources à l'origine de la déformation. Leur interprétation nécessite cependant de confronter les géométries trouvées avec d'autres données. Ainsi, la source à l'origine de la subsidence post-éruptive du cône central est interprétée comme un système hydrothermal en décompression, dont l'ouverture aurait été provoquée par l'effondrement. L'alignement entre la fissure d'avril 2007, la position du maximum de déformation et la déformation provoquée par le dyke, plaident en faveur de la présence d'un réservoir temporaire mis en place sous le flanc, qui pourrait lui même être à l'origine du glissement du flanc vers l'Est.
Source - © 2011 D'après Augier [1]
Suivi de glissements de terrain
L'exemple qui suit montre la dynamique de glissements de terrain lents dans les Alpes, à proximité de Barcelonnette. La déformation ne peut pas y être suivie par GPS dans la mesure où la station pourrait être endommagée et ensevelie en cas de mouvements importants. Ces glissements sont généralement suivis par corrélation d'images, les satellites actuels tels que Pléiades permettant de mesurer des déformations horizontales de l'ordre de la dizaine de centimètres.
Ces deux exemples montrent les risques associés à ces glissements de terrain, dans la mesure où le village de Saint-Pons se trouve en aval du couloir emprunté par le glissement de La Valette, et où Super-Sauze est une station de ski dont les équipements sont vulnérables, station pouvant drainer une population importante.
Source - © 2014 D'après Stumpf et al. [20]
Suivi de glaciers
Les glaciers fluent en permanence. L'étude de leur déformation peut permettre de mieux en comprendre la dynamique et de surveiller les variations de leur comportement, en lien avec les changements climatiques. De plus, l'estimation de leur régression permet de mieux calibrer les modèles climatiques, dans la mesure où une modification de l'apport d'eau douce continentale peut avoir un impact sur la circulation thermohaline et donc sur le climat global.
Les zones polaires peuvent se retrouver une grande partie de l'année à l'obscurité, ce qui empêche le suivi des glaciers par GPS (pas d'alimentation des stations en hiver) et par corrélation d'images prises dans le visible. Il reste donc l'utilisation d'images radar, qui peuvent être acquises pendant la nuit. La déformation des glaciers est suffisamment importante pour que la corrélation d'images puisse être utilisée sur les images d'amplitude, généralement de résolution spatiale médiocre (une vingtaine de mètres). L'InSAR peut aussi être utilisée.
Source - © 2007 D'après Nakamura et al. [18]
Les mesures de vitesse de déplacement du glacier montrent que la vitesse semble stable de l'amont jusqu'à la ligne d'échouage, mais que le glacier accélère en direction du large. Il y a donc un apport de glace de plus en plus important dans la baie de Lützow-Holm, glace qui finira par fondre, entrainant un apport d'eau douce plus important aux océans.
Source - © 2007 D'après Nakamura et al. [18]
La progression d'un glacier peut être suivie par interférométrie radar. Les images obtenues montrent de très nombreuses franges qu'il est difficile d'interpréter directement, mais qui peuvent donner des indications sur la dynamique de progression du glacier.
Source - © 2018 D'après TUDelft
Des mesures systématiques ont permis d'établir des cartes de vitesse de progression des glaces pour le Groenland et l'Antarctique, qui complètent les mesures altimétriques permettant d'estimer les variations de volume des calottes. Ces mesures permettent par ailleurs d'estimer la géométrie des différents bassins versants.
Surveillance des activités anthropiques
Subsidence urbaine et liée à des constructions
Le développement rapide des villes provoque une déformation qu'il est possible de mesurer par interférométrie radar. La ville de Tianjin (Chine), est passée de 442 200 habitants en 2000 à 569 900 en 2010, l'extension de la zone urbaine absorbant principalement ces nouveaux habitants. La figure 41 montre une subsidence importante (30 mm/a) en périphérie de ville, et suit l'urbanisation progressive de la zone. Cette subsidence est due au réajustement du sol provoqué par l'ajout de bâtiments, mais est plus importante vers l'Est que vers l'Ouest. Ce type de mouvement n'est pas spécifique des villes à fort développement, la majorité des grandes métropoles se déforme ainsi.
Source - © 2011 D'après Perissin et Wang [19]
La construction de certains ouvrages d'art monumentaux s'accompagne aussi de mouvements du sol. La mise en eau du barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangtze en Chine a été surveillée par interférométrie. L'ouvrage est tellement imposant qu'il est aussi possible de surveiller sa propre déformation. La mise en eau du barrage a été suivie d'une subsidence en amont du barrage, mais cette subsidence n'est pas homogène et certaines berges ont fortement subsidé. Beaucoup plus en amont (le lac de barrage fait environ 1000 km), la montée des eaux a été responsable de l'amorce de glissements de terrain qui peuvent être suivis par télédétection de la même manière que le glissement de La Valette (figure36).
Source - © 2011 D'après Perissin et Wang [19]
Plus proche de nous, une subsidence importante a été observée à Paris lors des travaux de la station de métro Condorcet (ligne Éole de la RATP), suivie d'un soulèvement à la fin des travaux. La subsidence est interprétée comme la conséquence du pompage d'eau lors des travaux et non comme un affaissement dû au creusement de la station. Le soulèvement observé après les travaux est interprété comme la conséquence de l'arrêt du pompage à la fin des travaux. Cette déformation est à l'origine de fissures observées dans les bâtiments autours de la zone.
Extraction de ressources et effondrement : exemple de Bayou Corn (Louisiane)
La doline de Bayou Corn (Louisiane) s'est formée en 2012 à cause de l'effondrement du mur d'un dôme de sel suite à l'extraction de saumures utilisées pour en extraire de la soude et du chlore. L'extraction est faite par injection mining : de l'eau douce sous pression est injectée dans un puits, puis la saumure est pompée avant d'être acheminée vers une raffinerie.
L'extraction de saumure a pour conséquence la mise en place d'une cavité en profondeur. L'injection répétée d'eau douce contre les parois du dôme de sel aurait provoqué son amincissement par dissolution, puis sa rupture, aboutissant à la formation de la doline.
La région étant riche en hydrocarbures, l'effondrement aurait alors traversé des poches d'hydrocarbures et la nappe du Mississipi, cause du remplissage du gouffre par un mélange d'eau et d'hydrocarbures.
La zone n'était pas activement surveillée par télédétection, mais des images radar étaient acquises en routine sur la zone. Des interférogrammes ont été calculés après l'effondrement. Il aurait été possible d'anticiper l'effondrement à partir des données de déformation (et peut-être de prendre des mesures de protection). Par ailleurs, la formation de la doline ne s'est pas faite en un seul coup. Elle a continué à s'agrandir après l'effondrement principal.
Source - © 2014 D'après Jones et Blom [12]
InSAR et modèles numériques de terrain
La mission SRTM (Shuttle Radar Topography Mission) est une mission majeure qui a permis d'obtenir un modèle numérique de terrain quasi-global. Même s'il ne s'agit pas de mesure de déformation, la technique d'imagerie est de l'interférométrie radar. La différence avec la mesure de la déformation tient dans le fait que les images maitresse et esclave sont prises en même temps, mais à des distances différentes : la navette étant équipée d'un émetteur radar et de deux récepteurs espacés, l'un des deux étant positionné à l'extrémité d'un long mât.
Ce modèle numérique de terrain est le premier à proposer une couverture quasi-globale et a la particularité d'être distribué gratuitement par la NASA. Sa résolution est de l'ordre de 90 mètres.
Les mesures de déformation dans l'enseignement du second degré
Prendre des exemples concrets et récents pour illustrer les processus géologiques est un plus pour ancrer les enseignements de géologie dans le réel. Les mesures de déformation permettent de faciliter l'illustration de ces processus sur des exemples récents.
En effet, depuis quelques années déjà, les agences spatiales favorisent la distribution libre des données satellitales (hors applications militaires) ce qui n'était pas le cas jusqu'alors. Cette "libération" des données permet aux observatoires d'être beaucoup plus réactifs et de produire des images de mesure de déformation très rapidement après un évènement géologique.
C'est particulièrement le cas pour les données d'interférométrie radar, qui, même si elles sont parfois difficiles à interpréter à l'œil, peuvent permettre d'illustrer une direction de déformation ou une quantité de déplacement. La communauté InSAR est particulièrement réactive : par exemple, en utilisant un simple moteur de recherche avec des mots clé du type "InSAR Teil 2019", il a été possible de trouver des interférogrammes sur ce séisme français dès le lendemain du séisme du Teil (cf. Le séisme du 11 novembre 2019, Le Teil (Ardèche)).
Le projet MOUNTS (Monitoring Unrest From Space) propose une chaine de traitements automatisés qui surveille en routine différents volcans, et qui permet le calcul d'interférogrammes tirés des satellites Sentinel 1, 2 et 5P. Ces interférogrammes sont mis à disposition seulement quelques jours après l'acquisition de la seconde image, et peuvent permettre d'illustrer un cours à partir d'un évènement très récent.
Bibliographie
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