Article | 11/06/2007
Île de La Réunion : l'éruption du Piton de la Fournaise, avril 2007
11/06/2007
Résumé
Présentation de l'édifice volcanique de l'île de La Réunion, le dynamisme du Piton de la Fournaise et son éruption d'avril 2007.
Table des matières
L'île de la Réunion est un édifice volcanique ayant la forme d'un cône aplati de 220 km de diamètre environ. Ce relief a plus de 7500 m de hauteur : il repose sur le plancher de l'Océan Indien à plus de 4500 m de profondeur et culmine au Piton des Neiges, à 3070 m d'altitude.
Après un rappel de la structure de l'île de la Réunion et une présentation du Piton de la Fournaise, les principales manifestations de l'éruption d'avril 2007 sont passées en revue.
La structure de l'édifice volcanique de La Réunion
L'édifice de La Réunion comprend deux volcans :
- le volcan bouclier du Piton des Neiges, à l'Ouest, dont l'activité a cessé il y a environ 20.000 ans ;
- le volcan bouclier du Massif de la Fournaise, dont l'activité a débuté il y a environ 450.000 ans.
Définir l'âge du Massif de la Fournaise peut faire l'objet de discussions : soit on considère tout l'édifice à l'Est du Piton des Neiges et alors il a plus de 1 Ma (Volcan des Alizés = Proto-Fournaise, ancêtre du Piton de la Fournaise), soit on ne prend en compte que les deux derniers boucliers fournaisiens et l'édifice n'a que 450 ka environ.
Le flanc occidental du Massif de la Fournaise repose contre l'édifice du Piton des Neiges, en revanche son versant oriental est ouvert sur l'océan (pente moyenne de 10°). Le volcan actif proprement dit (Piton de la Fournaise) se situe dans une zone d'effondrement sommital, l'Enclos Fouqué. Le fond plat de celui-ci a une altitude oscillant entre 2100 et 2200 m. Le sommet du Piton actif est constitué de deux cratères juxtaposés : le petit Cratère Bory (point culminant du Piton de la Fournaise, à 2632 m) étant accolé à l'Ouest du Cratère Dolomieu, d'à peu près 1 kilomètre de diamètre.
La dynamisme du Piton de la Fournaise
Les manifestations de l'activité du Piton de la Fournaise sont celles classiquement associées au dynamisme des volcans de points chauds océaniques :
- la mise en place de coulées de nature exclusivement basaltique,
- un dynamisme pour l'essentiel effusif (les manifestations explosives ayant pour origine essentielle d'éventuelles interactions entre l'eau – phréatique ou océanique – et le magma ou le substratum chaud, comme cela a été observé en avril 2007).
- les coulées sont émises au niveau de fissures éruptives, sièges d'une extension notable due à aux pressions exercées par le magma basaltique.
- les éruptions sont alimentées par un réseau de chambres magmatiques.
Les coulées ont une morphologie variée. Les deux types extrêmes étant :
- les coulées aa (ou coulées à gratons), assez visqueuses, ont une surface très chaotique, constituée pendant le refroidissement par l'accumulation meuble de multiples fragments de basaltes anguleux. Généralement, la progression de ce type de coulée est lente.
- les coulées pahoehoe, plus fluides, donc de progression plus rapide (parfois plusieurs dizaines de km/h dans des chenaux), ont après refroidissement une croûte d'aspect lisse ou cordé.
La fluidité (donc la viscosité) n'est pas le seul facteur responsable de cette dualité ; les styles aa et pahoehoe seraient surtout dus aux contraintes de cisaillement subies par le magma en relation avec sa viscosité. Trop d'agitation (fontaines violentes, pentes fortes…) font passer la lave de pahoehoe (forme primitive d'écoulement) à aa.
La distribution des fissures n'est pas aléatoire et s'organise en "rifts- zones hawaïennes". Deux principales rift-zones ont été cartographiées sur le Massif de la Fournaise :
- la "rift zone N 120" au NW et SE du Piton de la Fournaise ;
- la "rift zone NE" vers la commune de Sainte Rose.
Le réseau de chambres magmatiques, dont la morphologie a été approchée grâce à l'imagerie sismique, serait composé de réservoirs profonds (entre 3 et 6 km de profondeur), peu ou pas affectés par les fréquentes éruptions, et un système plus superficiel (entre 500 et 2000 m d'altitude environ). Celui-ci serait un réseau très complexe de sills et de dykes, de configuration très changeante.
Très actif, le Massif de la Fournaise est le siège de nombreuses éruptions depuis quelques années (22 depuis 1998, après une période de calme de 6 années). Toutes, sur cette période, ont cependant été confinées dans les rift-zones intra-Enclos. Les éruptions hors-enclos les plus récentes datent de 1977 (évacuation du village de Bois-Blanc, au Nord de l'Enclos), 1986 (deux coulées atteignant l'océan, au Sud de l'Enclos) et 1998, pendant l'éruption du Kappor.
L'éruption d'avril 2007
L'éruption d'avril 2007 a été particulièrement spectaculaire : ses effets se sont répercutés en trois endroits, tous intra-enclos :
- sur le flanc oriental du Massif de la Fournaise, dans un secteur compris entre 0 et 600Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaisem d'altitude,
- au sommet du Piton de la Fournaise, au niveau du secteur des cratères Bory et Dolomieu,
- dans une moindre mesure, dans le voisinage du Nez Coupé du Tremblet.
Source - © 2007 Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise
Les manifestations de l'éruption sur les pentes et le littoral
Le 30 mars 2007, vers 23h, une fissure éruptive s'ouvre dans la partie Sud-Est de l'Enclos, vers 1900 m d'altitude. L'éruption très fugace, ne dure qu'une dizaine d'heures.
Caractéristiques détaillées de la première éruption (données de l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise).
- crise sismique 20h23 (heure locale = GMT+ 3)
- début éruption 30 mars 2007, 23h00
- fin éruption 31 mars, 9h00
- volume 106 m3
Cependant, une forte sismicité demeure, en particulier dans la région Sud-Est du Massif, annonçant une reprise imminente probable d'une activité éruptive. Celle-ci se manifeste effectivement le 2 avril, vers 600 m d'altitude. La fissure, dans le prolongement de la précédente, appartient à la rift-zone Sud-Est.
L'éruption fissurale se caractérise par des fontaines de lave (les plus grandes ayant atteint 200 m de hauteur), et l'émission totale de près de 100 millions de mètres cubes de lave. Les coulées, par moments et par endroits extrêmement fluides, ont atteint près de 60 km/h dans des chenaux sur la coulée en place.
La RN2 a été coupée sur plus de 1,3 km par des coulées atteignant parfois 40 m d'épaisseur. Enfin, l'océan a été atteint, les coulées édifiant une plateforme avançant le littoral sur plus de 200 m.
Caractéristiques détaillées de la seconde (et principale) éruption (données de l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise).
- début éruption 2 avril 2007 à 10h (heure locale)
- fin éruption 29 avril, 15h
- surface totale : 3,6.106 m2
- surface de la plateforme : 0,45.106 m2
- volume sur terre : 50 à 70. 06 m3
- volume en mer : 40.106 m3
Les images 8 à 13 illustrent l'ampleur du phénomène.
Le débit des fontaines de lave au niveau de la fissure éruptive et celui des coulées atteint un maximum : les fontaines de laves sont tellement hautes qu'elles dépassent le niveau de la falaise et font croire aux habitants du village du Tremblet qu'une coulée se dirige vers eux. Les coulées détournent les rivières et les cascades. Au pied du rempart, une mer de lave avec des vagues qui déferlent, des bulles qui crèvent, un véritable bruit de ressac.
Le village est évacué. Les habitants rejoignent leurs familles ou sont accueillis au gymnase de la ville la plus proche, Saint Philippe. Ils ne tarderont pas à regagner leurs habitations, le risque de coulée hors-enclos étant écarté, mais devront toujours affronter la nocivité des vapeurs acides dégagées par la lave au contact de l'océan.
Les manifestations de l'éruption au sommet du Piton de la Fournaise
Du 2 au 10 avril, près de 100 millions de m3 de laves ont été émis par la fissure, à 600 m d'altitude. Le point d'émission, bas par rapport aux chambres magmatiques superficielles, entraîne donc leur vidange partielle. L'effet sur la morphologie sommitale du Piton de la Fournaise ne tarde pas à se faire sentir. Dans la nuit du 6 au 7 avril 2007, un pit cratere (cratère-puits) se forme au sommet du Piton.
Le terme de pit cratere, plus précis que celui de caldeira est donné aux cratères d'effondrement de petite taille, le terme de caldeira étant parfois réservé aux cratères d'effondrement de grande taille.
La morphologie du Cratère Dolomieu est totalement bouleversée. Rempli par des coulées mises en place d'août à décembre 2006, celui-ci s'effondre brusquement, dégageant dans l'atmosphère un panache sombre de débris. Le phénomène a été décrit dans la rubrique "image de la semaine" du 7 mai 2007, où vous pourrez retrouver des images du Dolomieu avant et après l'effondrement.
En lieu et place de laves figées planes, culminant à près de 2600 m d'altitude, on observe maintenant une dépression profonde de 300 m, d'un volume de l'ordre de 100 millions de mètres cubes. Les effondrements ont encore lieu fréquemment : actuellement, ils sont profonds et n'entraînent pas de modifications significatives du fond du pit-cratere. À suivre...
Caractéristiques détaillées de l'effondrement du sommet du Dolomieu (données de l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise).
mesures de distances et angles du bord du Dolomieu
- profondeur : 340 ±20 m
- volume : 100 à 150.106 m3
d'après Urai, Minoru, GS Japan, AIST, via images ASTER
- profondeur : 320±15 m
- volume : 96.106 m3
Les images suivantes illustrent quelques autres aspects du phénomène, observés du 12 avril au 5 mai 2007.
À environ 60 m d'altitude, au village du Tremblet, cela fait près d'une semaine que le ciel nocturne est rougi par les coulées s'étalant en contrebas, dans l'Enclos. Ce soir là (image 14), on observe un nuage noir qui se superpose au nuage blanc et rouge provenant des coulées : ce sont les premiers signes de l'effondrement de la caldeira sommitale.
Le cratère Bory, en équilibre au-dessus du Dolomieu, est entaillé par une fissure concentrique au Dolomieu, qui s'élargit progressivement.
La Soufrière (petit cratère situé au Nord du Dolomieu) est coupée en deux.
Les effondrements se poursuivent, se traduisant par une activité sismique ressentie à proximité du volcan, par l'élargissement des fissures entaillant le bord oriental du cratère Bory (mais celui-ci tient toujours !!!) et par des éboulements sur les versants internes du Dolomieu. Ses pentes s'adoucissent sensiblement.
L'éruption du Piton de la Fournaise du cru 2007 s'avère donc digne d'intérêt à plus d'un titre : par le volume des matériaux émis comme par les répercussions manifestes d'une vidange basale des chambres magmatiques sur la morphologie sommitale d'un volcan bouclier.