Article | 26/03/2007
Plan d'aplatissement, plans de schistosité (plans S) et plans de cisaillement (plans C)
26/03/2007
Résumé
Relation schistosité - cisaillement : plans S, plans C.
Table des matières
Les roches déformées montrent généralement des surfaces liées aux épisodes successifs de la vie des roches : surfaces stratigraphiques, fractures, débits macroscopiques ou "schistosités" diverses.
Parmi les surfaces rencontrées, les plans S et les plans C : schistosité et cisaillement. À quoi correspondent ces deux surfaces ? Que représente la schistosité ? Quelle est l'origine des plans C ? Quels sont les renseignements apportés par ces surfaces sur les déformations subies par la roche ?
Déformation, plan d'aplatissement, schistosité
Le terme schistosité a plusieurs définitions possibles. Le sens ancien considère comme plan de schistosité tout débit visible dans une roche. Les fractures, quand elles sont nombreuses et parallèles, sont alors incluses, de même que les plans de stratification dans les schistes houillers, les schistes carton... Un sens plus récent indique les structures planaires d'origine tectonique (tectono-métamorphique) même si elles n'impliquent pas de débit de la roche à l'état macroscopique. La schistosité est alors tout simplement le plan d'aplatissement maximal de la roche.
Une roche soumise à contraintes peut se déformer. Certains éléments (minéraux, fossiles, ...) peuvent servir de marqueurs de cette déformation. En effet, connaissant (ou supputant) leur état initial, on en déduit l'intensité des déformations dans les directions de l'espace. On représente alors l'ellipsoïde des déformations qui correspond à la déformation d'un objet théorique initialement sphérique.
Par souci de simplification, les dessins ci-après sont en 2D en considérant qu'aucune déformation n'a lieu perpendiculairement au plan du dessin. On représentera donc le cercle initial et l'ellipse des déformations. Le grand axe de l'ellipse (figure 1) correspond à la direction d'allongement, direction perpendiculaire à la direction de raccourcissement : on parle de direction d'aplatissement ou ici, par passage abusif à la 3D, de plan d'aplatissement : plan sur lequel la matière migre du fait du raccourcissement perpendiculaire.
Dans cet article s'intéressant aux plans S et C, on appelle schistosité uniquement les structures planaires développées selon ce plan d'aplatissement (plan S).
Nous allons voir séparément les deux cas extrêmes de déformation aboutissant à la naissance d'une schistosité. Nous verrons d'abord l'aplatissement - étirement puis le cisaillement pour lequel une seconde structure planaire peut apparaître : les plans C.
Déformation par « cisaillement pur » (pure shear, en anglais)
Un niveau géologique soumis à un cisaillement pur voit son épaisseur diminuer selon la direction de raccourcissement et s'étire selon la direction d'allongement (figures 2 à 4) (d'où parfois l'appellation non rigoureuse d'aplatissement-étirement). La déformation se fait à volume constant, ici à surface constante dans nos schémas en 2D. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement.
Dans le cas du pure shear, on remarque que le grand axe de l'ellipse des déformations garde la même orientation au cours de la déformation : on parle de déformation non-rotationnelle. Seule l'intensité cumulée de la déformation varie au cours du temps.
Déformation par « cisaillement simple » (simple shear, en anglais)
Un niveau géologique soumis à un cisaillement parallèle à l'un de ses côtés, garde une épaisseur constante mais ses flancs non-parallèles au cisaillement s'étirent (figures 5 à 7). La déformation se fait à volume constant, ici à surface constante dans nos schémas en 2D. Dans le cas d'une déformation continue, une schistosité selon le plan d'aplatissement se développe.
Dans le cas du simple shear, on remarque que le grand axe de l'ellipse des déformations tend progressivement vers la direction de cisaillement : on parle de déformation rotationnelle. L'intensité cumulée de la déformation varie au cours du temps, mais le plan d'aplatissement résultant "tourne" aussi et tend progressivement à se paralléliser au plan de cisaillement.
Le cisaillement entraîne aussi souvent une part de déformation discontinue : des mouvements relatifs ont lieu le long des plans de cisaillement qui débitent la roche parallèlement au plan général de cisaillement de la roche (figure 8). Schistosité (plans S, déformation continue) et cisaillement (plans C, déformation discontinue) accommodent ensemble la déformation. La schistosité devient sigmoïde car la déformation continue devient non-homogène, elle est plus intense à proximité des plans C (figures 9 à 11) et donc se rapproche du plan de cisaillement.
La roche "cisaillée" montre donc des plans de cisaillement (plans C) parallèles à la direction générale de cisaillement, et une schistosité (plans S) qui indique le sens de cisaillement (le cisaillement tend à coucher la schistosité selon les plans C) (figure 11).
Modélisations analogiques simples
Ces deux cas extrêmes de déformation peuvent facilement être visualisés à l'aide d'un gant élastique (type gant de chirurgien), d'un jeux de cartes et d'un crayon pour dessiner des marqueurs de déformation.
Modélisation du cisaillement pur ou pure shear
Des cercles dessinés sur un gant sont des marqueurs de déformation. On étire le gant, celui-ci "s'aplatit" alors dans la direction perpendiculaire (l'épaisseur de la couche géologique diminue). On observe la déformation progressive des cercles en ellipses de plus en plus allongées (images 11 et 12) indiquant les plans de schistosité.
Source - © 2007 Pierre Thomas, Olivier Dequincey / Planet-Terre - ENS de Lyon
Modélisation du cisaillement simple ou simple shear
Un jeu de cartes permet de modéliser un cisaillement simple. On dessine sur sa tranche un cercle initial. En cisaillant le jeu de carte, on modélise un simple shear. Le glissement des cartes les unes sur les autres est une déformation discontinue, mais si le cisaillement reste homogène alors la déformation apparaît continue à l'échelle du cercle.
En déformation continue, on observe que la déformation est bien rotationnelle : l'ellipse (et donc la schistosité) est de plus en plus "penchée" (images 13 à 15). L'épaisseur du jeu de carte reste bien constante.
Source - © 2007 Pierre Thomas, Olivier Dequincey / Planet-Terre - ENS de Lyon
Lorsque le cisaillement devient non-homogène (certaines cartes glissent plus les unes sur les autres par rapport au reste du paquet), on observe l'apparition de plans de cisaillement (images 16 à 18).
Source - © 2007 Pierre Thomas, Olivier Dequincey / Planet-Terre - ENS de Lyon
Pour visualiser directement la schistosité et son caractère sigmoïde avec le jeu de carte, il est possible soit de dessiner plusieurs petits cercles sur la tranche de manière à voir plusieurs ellipses intégrant des déformations non-homogènes sur la largeur du jeu de carte, soit de tracer un trait dans la largeur du jeu (perpendiculairement au plan de cisaillement) qui correspond au grand axe de l'ellipse de déformation (la schistosité), ou plutôt aux grands axes initialement alignés des petites ellipses précédentes.
Échantillons géologiques
Les deux cas extrêmes décrits ci-avant ne sont pas inconciliables : les déformations subies par les roches sont généralement un mélange des deux avec prépondérance d'un phénomène sur l'autre. De plus, pour des déformations cisaillantes très intenses, la parallélisation des structures d'aplatissement avec les plans de cisaillement rend impossible la détermination du caractère "simple" ou "pur" du cisaillement sur la seule base de la schistosité observée.
Cisaillement dans un granite breton
Les structures C et S sont parfois bien visibles dans des granites légèrement cisaillés, comme c'est le cas pour le granite suivant des environs de Quimper. La photographie brute est ensuite partiellement interprétée pour souligner quelques plans C et plans S. Ici, le cisaillement est dextre si la face photographiée est horizontale. Si la face est verticale, comme sur l'écran, le cisaillement correspond alors à un charriage, le haut de l'échantillon allant vers la droite.
Déformation progressive en cisaillement
Sur le terrain, on peut observer le passage progressif d'une roche non déformée à son équivalent intensément déformé quelques mètres plus loin. Les roches suivantes proviennent des environs de Dun le Palestel (Creuse) dans la zone de la faille de la Marche, grand décrochement ductile senestre. À l'échelle régionale, un décrochement ductile correspond à une bande de cisaillement dans laquelle la déformation n'est pas homogène : des reliques "intactes" côtoient des roches ayant enregistré plus ou moins intensément cette déformation, et des plans de décrochement.
Sur les photographies suivantes, verticales à l'écran, les plans de cisaillement sont sub-horizontaux et le mouvement apparent est un charriage, le haut de l'échantillon allant vers la gauche. Dans la réalité, ces clichés correspondent à des surfaces horizontales, les plans de cisaillement sont alors verticaux et indiquent un décrochement senestre.
Déformation intense avec marqueurs intégrés (oolites)
Les oolithes sont des marqueurs potentiels de déformation. Ci-après, des oolites sphériques "intactes" (photographie d'échantillon et surface de coupe) dans un calcaire oolitique du Jurassique des Corbières méridionales (Pyrénées), près de Calce, secteur métamorphique de la zone nord-pyrénéenne.
Lorsqu'on peut observer un affleurement déformé dans les trois directions de l'espace, il est alors possible de reconstituer l'ellipsoïde des déformations et de mieux décrire la déformation que lorsqu'un seul plan est disponible.
Un exemple de quantification a déjà été proposé à partir de lames minces de cet échantillon (selon le plan appelé ici face A). En négligeant le léger aplatissement selon la face C, un calcul rapide permet d'estimer un allongement d'un facteur 2,5 dans la direction d'étirement et un aplatissement horizontal d'un facteur 1,6. On pourrait proposer un aplatissement-étirement (pure shear) avec une direction privilégiée d'allongement dans le plan d'aplatissement, ou un fort cisaillement (simple shear) doublé d'un léger aplatissement-étirement selon le plan de cisaillement-aplatissement. Le caractère peut-être légèrement sigmoïde de certaines oolites sur la face A pourraient faire pencher plutôt en faveur du cisaillement dominant. Ce n'est qu'en replaçant l'échantillon dans sa position initiale et en retrouvant les structures associées à l'échelle de l'affleurement que l'on pourrait lever les derniers doutes.
Dans le cas d'une composante cisaillante principale, ce cisaillement serait un décrochement en cas de schistosité verticale, et un chevauchement en cas de schistosité sub-horizontale.