Article | 30/11/2016
Les taffonis dans les andésites de Terre-de-Bas des Saintes (Guadeloupe)
30/11/2016
Résumé
Altération de coulées andésitiques plus ou moins bréchifiées sur une ile de l'arc des Petites Antilles.
Table des matières
La géologie de Terre-de-bas des Saintes (Guadeloupe)
Les Saintes (en créole, Lésent) sont un archipel des Antilles françaises dans la mer des Caraïbes. Ces iles tropicales se situent au Sud de la Guadeloupe continentale (formée par les deux grandes îles principales, Basse Terre et Grande Terre), à l'Ouest de Marie-Galante et au Nord de la Dominique, au cœur de l'arc interne des Petites Antilles. Ce petit archipel fut découvert par Christophe Colomb le 4 novembre 1493, qui le baptisa Los Santos en référence à la fête de la Toussaint qui venait d'être célébrée.
Les iles et ilots de l'archipel des Saintes présentent malgré leur petite taille des témoignages riches et variés d'une longue activité volcanique plio-quaternaire (les auteurs donnent des dates s'échelonnant entre -4,7 Ma et -0,6 Ma). Ce volcanisme calco-alcalin est directement lié à la subduction intra-océanique, avec une position centrale dans l'arc récent des Petites Antilles. Terre-de-Bas des Saintes est la plus grande ile de l'archipel et présente une forme massive, homogène, délimitée par des falaises rectilignes (ce qui contraste avec Terre-de-Haut et les ilets environnants). Entièrement volcanique, Terre-de-Bas a été édifiée en une phase éruptive principale, probablement assez brève, datée à environ -2 Ma, marquée essentiellement par des coulées andésitiques auto-bréchifiées. Les points d'émission étaient sans doute situés au centre de l'ile, vu le pendage des coulées. Cette phase effusive a été suivie par une activité terminale plus explosive, avec des dépôts de cendres et des nuées pyroclastiques dans l'Ouest de l'ile, datée à -0,6 Ma environ.
L'auto-bréchification définit des zone de faiblesse et des blocs de tailles métriques, qui permettent le développement de taffonis plus ou moins frustres, comme illustré ci-dessous.
La formation des taffonis
Les taffonis (cavités dans les roches dont le nom dérive du corse tafone, trou) et autres formes d'érosion alvéolaire apparentées ont été évoqués à plusieurs reprises sur : Érosion alvéolaire dans des calcaires bioclastiques à Chinon (Indre et Loire) et Uzès (Gard), Quand les grès de l'Éocène inférieur (Yprésien) du Pays basque espagnol (Mont Jaizkibel) imitent le gothique flamboyant, Les taffonis du Cap de Creus (Espagne), de la côte de Namibie et de l'ile d'Elbe, Quand l'érosion alvéolaire fabrique des taffonis géants et emboités, et fête la Saint Valentin, Uluru (Australie).
La formation de ces cavités dans les roches est assez mal comprise, mais semble souvent être une conséquence de l'altération / érosion des roches en présence d'embruns. Ces structures se mettent souvent en place là ou préexistent des fractures ou des irrégularités de la roche (d'origine diagénétique pour les roches sédimentaires, mais aussi d'origine tectonique, volcanique, métamorphique, hydrothermale, etc). Plusieurs processus combinés conduisent à la formation de ces structures (cf. Les taffonis du Cap de Creus (Espagne), de la côte de Namibie et de l'ile d'Elbe) :
- L'haloclastie (du grec hals, sel, et klastos, brisé) désigne la fragmentation de la roche par la formation de sels à partir des ions contenus dans l'eau de mer, lors de l'évaporation au soleil de l'eau salée déposée par les embruns. L'évaporation de l'eau dans les fractures de la roche conduit à la formation de cristaux (halite ou gypse) qui créent une surpression sur les minéraux environnants et désolidarisent les minéraux de la roche.
- L'hydrolyse est l'altération des minéraux par l'eau, qui conduit à la libération des produits ioniques d'hydrolyse et la néoformation de minéraux secondaires argileux (donc plus friables).
- La thermoclastie (du grec thermos, chaleur, et klastos, brisé) correspond à la fragmentation par l'action de surpressions liées à des dilatations thermiques (changements de volume) au gré des variations de température. La présence localisée de sels, déposés par les embruns et présentant un fort coefficient de dilatation thermique, conduirait à de telles surpressions sur les minéraux environnants.
- Les réactions chimiques entre minéraux. L'eau de mer et les ions qu'elle contient réalisent avec les minéraux des roches des échanges chimiques qui déstabilisent les réseaux cristallins et augmentent l'altérabilité de la roche.
Les embruns et la pluie lessivent et transportent ensuite les fragments des minéraux et les éléments chimiques ; les vents côtiers, parfois violents, peuvent évider les points bas des cavités et entrainer dehors les grains de sable qui stagnaient au fond. Tout cela forme les cavités observées sur les photographies ci-dessous.
Qu'il s'agisse plutôt d'un épiphénomène en géologie, et qu'il ne soit pas parfaitement expliqué, n'empêche pas d'admirer ses résultats, souvent très esthétiques ! La multiplication des exemples illustre en outre le fait que ces formations alvéolaires sont susceptibles d'apparaitre dans des contextes divers et surtout dans des roches variées.
Quelques références sur la géologie de la Guadeloupe, des Saintes et des iles proches
D. Jacques, R.C. Maury, 1988. L'archipel des Saintes (Guadeloupe, Petites Antilles)) : géologie et pétrologie, Géologie de la France, 2-3, 89-99
J.-C. Komorowski, G. Boudon, M. Semet, F. Beauducel, C. Anténor-Habazac, S. Bazin, G. Hammouya, 2005. Guadeloupe, in Volcanic Hazard Atlas of the Lesser Antilles, J. Lindsay, R. Robertson, J. Shepherd, S. Ali (eds), Seismic Research Centre, 66-102
Guadeloupe Geological Map, sur le site Carribean volcanoes (visité le 25/11/2016)
H. Bertrand, G. Dromart, S. Guillot, J.-M. Lardeaux, C. Nicollet, P. Thomas, 2001. La croûte océanique de l'île de la Désirade, Planet-Terre
Nicolas Seprez, Laure Willhelm, 2009. Vallée de la Désolation et Boiling Lake sur l'île de la Dominique (Arc des Antilles), Planet-Terre