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Image de la semaine | 06/11/2023

Les septarias, des concrétions diagénético-bactériennes à l'origine encore discutée

06/11/2023

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Des nodules cloisonnés avec des dépôts de calcite, de dolomie et de bien d'autres cristaux.


Cette image de la semaine est proposée en accompagnement, en illustration, des articles de Bernard Barailler traitant de l'origine (encore discutée) des septarias, concrétions fort belles aux cristallisations variées et objets d'un commerce assez actif pour des “pierres”. Cette image de la semaine a pour but de montrer que ces concrétions, bien que relativement rares, peuvent être observées par tout naturaliste un tant soit peu observateur se promenant dans les Alpes, les Pyrénées ou ailleurs. Nous ne parlerons pas ici de la genèse de ces septarias, le lecteur intéressé devra donc se reporter aux articles de B. Barailler.

Cette image de la semaine comprend 10 photographies “de terrain” prises au hasard d'une balade dans les Corbières en 2020 et 19 photographies d'échantillons issus soit des collections de l'ENS de Lyon (provenant de l'ancienne collection de l'ENS Saint-Cloud et sans doute récoltés dans les années 1970 par des étudiants en excursions), soit de ma collection personnelle (récoltés pendant des vacances entre 1974 et 1980 quand j'étais moi-même étudiant ou thésard). Tous les échantillons isolés, sauf deux, viennent du Callovo-Oxfordien du Sud-Est de la Drôme ou du Nord-Est des Hautes-Alpes.

Une septaria incluse dans des argiles et marnes schistosées du Silurien, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 1. Une septaria incluse dans des argiles et marnes schistosées du Silurien, massif du Mouthoumet (Aude)

On reconnait un ovoïde dur et massif, parcouru de fractures remplies de calcite. Des taches de rouille (sans doute dues à l'oxydation de pyrite) colorent la surface de cette concrétion. La schistosité des marnes n'affectent pas ce nodule mais, au contraire, est déviée par sa présence. Cette septaria se trouve dans le lit d'un ruisseau (asséché en aout 2020) du massif paléozoïque du Mouthoumet (Aude), fragment de socle hercynien de la zone sous-pyrénéenne. La septaria est entourée d'un “sillon” dû à l'affouillement créé par le courant du ruisseau (quand il n'est pas à sec) autour de l'obstacle que constitue cette concrétion.


Septarias incluses dans des argiles et marnes schistosées du Silurien, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 2. Septarias incluses dans des argiles et marnes schistosées du Silurien, massif du Mouthoumet (Aude)

On reconnait, au premier plan, un ovoïde dur et massif, parcouru de fractures remplies de calcite. Des taches de rouille (sans doute dues à l'oxydation de pyrite) colorent la surface de cette concrétion. Une autre septaria est visible une cinquantaine de centimètres à l'arrière du premier nodule. Cette deuxième septaria ne montre pas de fractures pleines de calcite. La schistosité des marnes n'affectent pas ces septarias mais, au contraire, est déviée par leur présence. Ces septarias se trouvent dans le lit d'un ruisseau (asséché en aout 2020) du massif paléozoïque du Mouthoumet (Aude), fragment de socle hercynien de la zone sous-pyrénéenne. La septaria du premier plan est entourée d'un “sillon” dû à l'affouillement crée par le courant du ruisseau (quand il n'est pas à sec) autour de l'obstacle que constitue cette concrétion.


Quand on tape « septaria » dans un moteur de recherche internet, sur les 10 premières références qui sortent, il y en a 9 qui vendent des septarias, un peu pour leur côté esthétique et surtout pour leurs supposées « propriétés lithothérapiques bienfaisantes ». Cela nous rappelle que, quand il y a de l'argent à se faire sur le dos de « gogos », il y a toujours des « commerçants » qui répondent présents, et cela ne date pas d'hier : chez les Romains, Mercure était à la fois le dieu des commerçants et celui des voleurs. Sur ces 10 premières références Google, il n'y en a qu'une qui soit géologique, et encore ne s'agit-il que d'une ébauche Wikipédia de 4 lignes. Planet-Terre se devait de combler cette lacune, car les septarias ne se trouvent pas que sur le web et les marchands de minéraux, mais aussi, parfois, sur le terrain quand on se promène dans des marnes, des argiles et des schistes noirs, comme il y en a dans le Silurien des Pyrénées, le Lias lorrain, le Callovo-Oxfordien des chainons sub-alpins…

Les septarias sont des nodules (ou concrétions) calcaires bien indurés inclus dans des marnes ou des argiles noires plus ductiles et déposées en milieu réducteur. Ce qui caractérise une septaria par rapport à un nodule calcaire ordinaire, c'est la présence d'un réseau de fractures ouvertes remplies de calcite et souvent d'autres minéraux [quartz (SiO2), barytine (BaSO4), célestine (SrSO4), pyrite (FeS2), dolomite (CaMg(CO3)2), sidérite FeCO3…]. Ces fractures dessinent comme des cloisons dans le nodule. Cloison se dit “septum” en latin, d'où le nom de “septaria” donné à ces concrétions cloisonnées.

Le massif paléozoïque du Mouthoumet (Aude) correspond au socle hercynien de la zone sous-pyrénéenne. Il est constitué d'une série sédimentaire allant de l'Ordovicien au Carbonifère inférieur. Il contient un Silurien décrit dans la notice de la carte de Quillant à 1/50 000 comme constitué de « schistes » noirs argileux souvent très tectonisés, surmontés par des « schistes » à nodules calcaires aplatis (des septarias). Ce Silurien a subi la tectonique hercynienne (datant du milieu du Carbonifère dans cette région du Sud de la France). Le fait que la schistosité hercynienne “moule” les septarias montre que la genèse de ces concrétions n'est pas un phénomène “récent” (par exemple dû à l'orogenèse pyrénéenne), mais un phénomène anté-Carbonifère moyen.

Dans les quatre photographies suivantes, nous verrons des zooms sur les deux septarias des figures 1 et 2. Pour éviter le “pillage” de ce site où l'on voit des septarias en place, je ne localise pas ce gisement avec précision. Les amateurs voulant photographier des septarias en place (absents du web où on ne trouve que des septarias dégagées, comme si les septarias ne “naissaient” pas dans un contexte géologique mais tombaient toutes faites du ciel pour atterrir chez des collectionneurs ou des commerçants) peuvent, par exemple, parcourir les nombreux affleurements de Silurien qu'on trouve dans toute la chaine des Pyrénées (et en Montagne Noire).

Vue rapprochée sur les deux septarias de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 3. Vue rapprochée sur les deux septarias de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

On voit très bien la schistosité ne pénétrant pas les septarias mais au contraire les moulant, preuve de l'antériorité du concrétionnement à l'origine des septarias par rapport à la tectonique hercynienne. Des fractures remplies de calcite sont visibles à la surface de la septaria du premier plan ; elles sont absentes de la surface de la septaria du deuxième plan.


Zoom sur la septaria à fractures remplies de calcite de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 4. Zoom sur la septaria à fractures remplies de calcite de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

On voit très bien un réseau de fractures remplies de calcite dessinant des polygones. Ces fractures internes aux septarias sont classiques ; c'est cela qui différencie les septarias des nodules et concrétions calcaires ordinaires. Elles sont très fréquemment internes au nodule, sans en affecter systématiquement la surface. On peut supposer que l'érosion due au ruisseau qui coule dans son lit pendant la saison humide a enlevé cette surface révélant ainsi les fractures internes.


Gros plan sur une partie de la septaria de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 5. Gros plan sur une partie de la septaria de la figure précédente, massif du Mouthoumet (Aude)

On voit très bien un réseau de fractures remplies de calcite dessinant des polygones. Ces fractures internes aux septarias sont classiques ; c'est cela qui différencie les septarias des nodules et concrétions calcaires ordinaires. Elles sont très fréquemment internes au nodule, sans en affecter systématiquement la surface. On peut supposer que l'érosion due au ruisseau qui coule dans son lit pendant la saison humide a enlevé cette surface révélant ainsi les fractures internes.


Vue rapprochée sur la septaria sans fractures apparentes, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 6. Vue rapprochée sur la septaria sans fractures apparentes, massif du Mouthoumet (Aude)

On n'y voit pas de fractures calcitisées ; on peut supposer que la surface de la concrétion n'a pas été totalement érodée par le courant du ruisseau.


Deux autres septarias dans un autre secteur du lit du ruisseau, massif du Mouthoumet (Aude)

Figure 7. Deux autres septarias dans un autre secteur du lit du ruisseau, massif du Mouthoumet (Aude)

La septaria de gauche (1) est parcourue d'au moins 2 fractures calcitisées visibles. On ne voit qu'une fracture dans la septaria de droite (2).


Septaria identique à celles qu'on peut ramasser dans le lit du ruisseau des figures précédentes

Figure 8. Septaria identique à celles qu'on peut ramasser dans le lit du ruisseau des figures précédentes

Celle-ci vient des collections de l'ENS de Lyon et les vieilles fiches de l'ENS Saint-Cloud indiquent comme provenance “Lias de Lorraine”. Cette septaria est cassée en deux ce qui permet d'en voir l'intérieur (figure suivante).


Intérieur de la septaria du Lias de Lorraine de la figure précédente

Figure 9. Intérieur de la septaria du Lias de Lorraine de la figure précédente

Dans cette septaria “ordinaire”, on voit très bien les cloisons, fentes remplies de calcite, fentes n'atteignant pas la surface du nodule. Ce nodule n'est pas sphérique mais a la forme d'un ovoïde de révolution. Une petite géode de calcite est visible au centre du nodule (figure suivante)


Petite géode de calcite au centre de la septaria du Lias de Lorraine de la figure précédente

Septaria ovoïde de provenance inconnue

Figure 11. Septaria ovoïde de provenance inconnue

Les deux moitiés ont été remises dans leur position originelle.


Vues de l'intérieur d'une septaria ovoïde de provenance inconnue

Figure 12. Vues de l'intérieur d'une septaria ovoïde de provenance inconnue

Les deux moitiés ont été mises côte à côte. On retrouve les fractures calcitisées (plus nombreuses que dans la figure 9) qui n'atteignent pas (ou très peu) la surface du nodule.


Localisation des trois contextes géologiques d'où proviennent les septarias montrées dans cet article

Figure 13. Localisation des trois contextes géologiques d'où proviennent les septarias montrées dans cet article

On retrouve le Silurien du massif du Mouthoumet (1), le Jurassique inférieur (Lias) lorrain (2), et le Jurassique supérieur drômois et haut-alpin (3).


Nous vous montrons maintenant 14 photographies de septarias provenant toutes du Sud-Est de la Drôme (ou du Nord-Ouest des Hautes-Alpes). Nous avons choisi ces septarias pour la beauté et la variété des minéralisations qui, en plus de la calcite presque toujours présente, peuvent, parfois, remplir ces fissures (cf. Les cristallisations rencontrées dans les septarias, une diversité minéralogique à l'échelle (pluri)millimétrique). Il y aura des photographies de fissures prises parallèlement ou perpendiculairement aux fissures ; dans ce dernier cas, la paroi restante est photographiée “de face”.

Il y a trois sortes d'amateurs de septaria. Il y a ceux qui arpentent la nature, armés de leur seul appareil photo. À l'opposé, il y a les pilleurs-destructeurs qui aiment la nature à la manière de certains chasseurs qui tirent sur tout ce qui bouge. Ces pilleurs-destructeurs, à des fins mercantiles (argent ou échange), armés de pelles et de pioches, en général sans demander l'autorisation du propriétaire du terrain, excavent et détruisent les couches riches en septarias. Et il y a enfin ceux qui se contentent de ramasser les septarias dégagés naturellement par l'érosion et que les pluies d'orage accumulent au pied de certaines ravines et dans le lit de certains ruisseaux. Espérons que les septarias de la collection de l'ENS de Lyon aient toutes cette troisième origine. Pour ne pas favoriser le pillage et la destruction des zones à septarias, nous n'indiquerons pas la provenance précise des échantillons présentés ici.

Exemple de site pouvant être riche en septarias dans le Nord-Ouest des Hautes-Alpes

Figure 14. Exemple de site pouvant être riche en septarias dans le Nord-Ouest des Hautes-Alpes

Il est probable que certains des blocs en bas de la ravine soient des septarias.


Intérieur d'une septaria dont les fractures sont très incomplètement remplies de calcite assez sombre

Figure 15. Intérieur d'une septaria dont les fractures sont très incomplètement remplies de calcite assez sombre

On devine les micro-cristaux de calcite tapissant la fissure ouverte de droite. Cette calcite sombre tapissant les parois des fissures est appelée « calcite noire » dans l'article de Bernard Barailler, La genèse des septarias, nodules énigmatiques. La fissure ouverte du centre contient un magnifique cristal de quartz bien automorphe. La granulation sombre au voisinage de ce cristal correspond aux cristaux de calcite noire vus de dessus.


Zoom sur une fissure à calcite noire et quartz automorphe de la septaria de la figure précédente

Figure 16. Zoom sur une fissure à calcite noire et quartz automorphe de la septaria de la figure précédente

La fissure ouverte du centre contient un magnifique cristal de quartz bien automorphe. La granulation sombre au voisinage de ce cristal correspond aux cristaux de calcite noire vus de dessus.


Coupe de septaria à calcite noire et quartz

Figure 17. Coupe de septaria à calcite noire et quartz

On voit très bien les fissures ouvertes dont les parois sont tapissées de petits cristaux de calcite sombre. Un beau cristal de quartz est visible dans la fissure inférieure.


Coupe de septaria à calcite noire et quartz

Figure 18. Coupe de septaria à calcite noire et quartz

On voit très bien “de face” une fissure ouverte dont les parois sont tapissées de petits cristaux de calcite sombre. De beaux cristaux de quartz sont visibles dans la partie élargie de la fissure.


Coupe d'une septaria à calcite noire et quartz bipyramidé

Figure 19. Coupe d'une septaria à calcite noire et quartz bipyramidé

On voit très bien “de face” une fissure ouverte dont la paroi est tapissée de petits cristaux de calcite sombre. Un beau cristal de quartz bipyramidé est visible au centre de la photo.



Zoom sur le gros quartz de la septaria de la figure précédente

Nous vous avons présenté, ici, des septarias de dimensions centimétriques ou décimétriques. Il peut en exister de beaucoup plus grandes. Les plus grandes du monde se trouvent en Nouvelle-Zélande près du village de Moeraki (45,362°S 170,841°E). Elles sont connues sous le nom de Moeraki Boulders. Situées sur la côte Est de l'ile du Sud, elles sont dégagées de leur roche encaissante (des argiles noires) par l'érosion marine. Pour leur coté spectaculaire, nous vous montrons deux photographies de ces giga-septarias.

Les Moeraki Boulders, des septarias géantes sur la côte Est de la Nouvelle-Zélande

Figure 29. Les Moeraki Boulders, des septarias géantes sur la côte Est de la Nouvelle-Zélande

Le personnage au centre gauche de la photo donne l'échelle de ces septarias géantes.


Gros plan une septaria brisée des Moeraki Boulders, sur la côte Est de la Nouvelle-Zélande

Figure 30. Gros plan une septaria brisée des Moeraki Boulders, sur la côte Est de la Nouvelle-Zélande

Le personnage de la photo précédente donne la taille de ces septaria géantes (de 1 à 2 m de diamètre). Cette septaria a été brisée (sans doute lors d'une tempête) ce qui permet de voir la calcite (orange) tapissant les fractures internes.