Image de la semaine | 06/11/2023
Les septarias, des concrétions diagénético-bactériennes à l'origine encore discutée
06/11/2023
Résumé
Des nodules cloisonnés avec des dépôts de calcite, de dolomie et de bien d'autres cristaux.
Cette image de la semaine est proposée en accompagnement, en illustration, des articles de Bernard Barailler traitant de l'origine (encore discutée) des septarias, concrétions fort belles aux cristallisations variées et objets d'un commerce assez actif pour des “pierres”. Cette image de la semaine a pour but de montrer que ces concrétions, bien que relativement rares, peuvent être observées par tout naturaliste un tant soit peu observateur se promenant dans les Alpes, les Pyrénées ou ailleurs. Nous ne parlerons pas ici de la genèse de ces septarias, le lecteur intéressé devra donc se reporter aux articles de B. Barailler.
Cette image de la semaine comprend 10 photographies “de terrain” prises au hasard d'une balade dans les Corbières en 2020 et 19 photographies d'échantillons issus soit des collections de l'ENS de Lyon (provenant de l'ancienne collection de l'ENS Saint-Cloud et sans doute récoltés dans les années 1970 par des étudiants en excursions), soit de ma collection personnelle (récoltés pendant des vacances entre 1974 et 1980 quand j'étais moi-même étudiant ou thésard). Tous les échantillons isolés, sauf deux, viennent du Callovo-Oxfordien du Sud-Est de la Drôme ou du Nord-Est des Hautes-Alpes.
Quand on tape « septaria » dans un moteur de recherche internet, sur les 10 premières références qui sortent, il y en a 9 qui vendent des septarias, un peu pour leur côté esthétique et surtout pour leurs supposées « propriétés lithothérapiques bienfaisantes ». Cela nous rappelle que, quand il y a de l'argent à se faire sur le dos de « gogos », il y a toujours des « commerçants » qui répondent présents, et cela ne date pas d'hier : chez les Romains, Mercure était à la fois le dieu des commerçants et celui des voleurs. Sur ces 10 premières références Google, il n'y en a qu'une qui soit géologique, et encore ne s'agit-il que d'une ébauche Wikipédia de 4 lignes. Planet-Terre se devait de combler cette lacune, car les septarias ne se trouvent pas que sur le web et les marchands de minéraux, mais aussi, parfois, sur le terrain quand on se promène dans des marnes, des argiles et des schistes noirs, comme il y en a dans le Silurien des Pyrénées, le Lias lorrain, le Callovo-Oxfordien des chainons sub-alpins…
Les septarias sont des nodules (ou concrétions) calcaires bien indurés inclus dans des marnes ou des argiles noires plus ductiles et déposées en milieu réducteur. Ce qui caractérise une septaria par rapport à un nodule calcaire ordinaire, c'est la présence d'un réseau de fractures ouvertes remplies de calcite et souvent d'autres minéraux [quartz (SiO2), barytine (BaSO4), célestine (SrSO4), pyrite (FeS2), dolomite (CaMg(CO3)2), sidérite FeCO3…]. Ces fractures dessinent comme des cloisons dans le nodule. Cloison se dit “septum” en latin, d'où le nom de “septaria” donné à ces concrétions cloisonnées.
Le massif paléozoïque du Mouthoumet (Aude) correspond au socle hercynien de la zone sous-pyrénéenne. Il est constitué d'une série sédimentaire allant de l'Ordovicien au Carbonifère inférieur. Il contient un Silurien décrit dans la notice de la carte de Quillant à 1/50 000 comme constitué de « schistes » noirs argileux souvent très tectonisés, surmontés par des « schistes » à nodules calcaires aplatis (des septarias). Ce Silurien a subi la tectonique hercynienne (datant du milieu du Carbonifère dans cette région du Sud de la France). Le fait que la schistosité hercynienne “moule” les septarias montre que la genèse de ces concrétions n'est pas un phénomène “récent” (par exemple dû à l'orogenèse pyrénéenne), mais un phénomène anté-Carbonifère moyen.
Dans les quatre photographies suivantes, nous verrons des zooms sur les deux septarias des figures 1 et 2. Pour éviter le “pillage” de ce site où l'on voit des septarias en place, je ne localise pas ce gisement avec précision. Les amateurs voulant photographier des septarias en place (absents du web où on ne trouve que des septarias dégagées, comme si les septarias ne “naissaient” pas dans un contexte géologique mais tombaient toutes faites du ciel pour atterrir chez des collectionneurs ou des commerçants) peuvent, par exemple, parcourir les nombreux affleurements de Silurien qu'on trouve dans toute la chaine des Pyrénées (et en Montagne Noire).
Nous vous montrons maintenant 14 photographies de septarias provenant toutes du Sud-Est de la Drôme (ou du Nord-Ouest des Hautes-Alpes). Nous avons choisi ces septarias pour la beauté et la variété des minéralisations qui, en plus de la calcite presque toujours présente, peuvent, parfois, remplir ces fissures (cf. Les cristallisations rencontrées dans les septarias, une diversité minéralogique à l'échelle (pluri)millimétrique). Il y aura des photographies de fissures prises parallèlement ou perpendiculairement aux fissures ; dans ce dernier cas, la paroi restante est photographiée “de face”.
Il y a trois sortes d'amateurs de septaria. Il y a ceux qui arpentent la nature, armés de leur seul appareil photo. À l'opposé, il y a les pilleurs-destructeurs qui aiment la nature à la manière de certains chasseurs qui tirent sur tout ce qui bouge. Ces pilleurs-destructeurs, à des fins mercantiles (argent ou échange), armés de pelles et de pioches, en général sans demander l'autorisation du propriétaire du terrain, excavent et détruisent les couches riches en septarias. Et il y a enfin ceux qui se contentent de ramasser les septarias dégagés naturellement par l'érosion et que les pluies d'orage accumulent au pied de certaines ravines et dans le lit de certains ruisseaux. Espérons que les septarias de la collection de l'ENS de Lyon aient toutes cette troisième origine. Pour ne pas favoriser le pillage et la destruction des zones à septarias, nous n'indiquerons pas la provenance précise des échantillons présentés ici.
Source - © - A. Heyninck / Mindat
Nous vous avons présenté, ici, des septarias de dimensions centimétriques ou décimétriques. Il peut en exister de beaucoup plus grandes. Les plus grandes du monde se trouvent en Nouvelle-Zélande près du village de Moeraki (45,362°S 170,841°E). Elles sont connues sous le nom de Moeraki Boulders. Situées sur la côte Est de l'ile du Sud, elles sont dégagées de leur roche encaissante (des argiles noires) par l'érosion marine. Pour leur coté spectaculaire, nous vous montrons deux photographies de ces giga-septarias.
Source - © 2017 D'après Krzysztof Golik – CC BY-SA 4.0 | Source - © 2016 D'après Szilas |