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Image de la semaine | 25/09/2023

Les Tours Saint-Jacques (Savoie) : quand du calcaire glisse sur des marnes

25/09/2023

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Érosion et buttes témoins ou érosion sur paquets glissés.


Les Tours Saint-Jacques (Allèves, Savoie) sont constituées de trois monolithes principaux (plus quelques-uns plus petits) de plus de 60 m dominant un tablier d'éboulis recouvert de forêt

Figure 1. Les Tours Saint-Jacques (Allèves, Savoie) sont constituées de trois monolithes principaux (plus quelques-uns plus petits) de plus de 60 m dominant un tablier d'éboulis recouvert de forêt

Ces “blocs”, constitués de calcaires valanginiens (dits « calcaires du Fontanil », ou « marbre bâtard », Crétacé inférieur, 140 à 136 Ma), ont une morphologie “anguleuse” et des faces planes verticales. Ils ne ressemblent pas aux classiques pinacles ruiniformes (cf., par exemple, Un très bel exemple d'érosion karstique ruiniforme dans des calcaires dolomitiques : le cirque de Mourèze (Hérault)) et ont donc sans doute une autre origine. Le monolithe de droite ressemble à une lame de couteau vue, ici, par la tranche.


Vue sur les Tours Saint-Jacques, avec un angle légèrement différent, montrant une falaise en arrière-plan

Figure 2. Vue sur les Tours Saint-Jacques, avec un angle légèrement différent, montrant une falaise en arrière-plan

Cette falaise est constituée du même calcaire que les Tours Saint-Jacques (Valanginien), avec le même pendage.


Vue large sur les Tours Saint-Jacques, avec un angle légèrement différent, montrant une falaise en arrière-plan

Figure 3. Vue large sur les Tours Saint-Jacques, avec un angle légèrement différent, montrant une falaise en arrière-plan

Cette falaise est constituée du même calcaire que les Tours Saint-Jacques (Valanginien), avec le même pendage.


Vue d'ensemble sur le “cirque” de Saint-Jacques au centre duquel se dresse les Tours éponymes, Allèves (Savoie)

Figure 4. Vue d'ensemble sur le “cirque” de Saint-Jacques au centre duquel se dresse les Tours éponymes, Allèves (Savoie)

De la droite de la photo à sa gauche, ce cirque est fermé par la falaise de Valanginien. De droite à gauche, on voit cette falaise disparaitre derrière les Tours Saint-Jacques situées en avant-plan, re-apparaitre, puis disparaitre à nouveau derrière un double bloc de calcaire valanginien (indiqués par les lettres A et B) puis derrière des éboulis entièrement boisés. La falaise valanginienne re-apparait tout à gauche de la photo. Les Tours Saint-Jacques et les blocs A et B dépassent d'un tablier d'éboulis, tablier recouvrant les marnes berriasiennes (145 à 140 Ma, Crétacé basal). Les deux photos suivantes détaillent les blocs calcaires A et B.


Vue sur le double bloc de calcaire valanginien A et B de la figure 4

Figure 5. Vue sur le double bloc de calcaire valanginien A et B de la figure 4

Les deux parties A et B sont séparées par une “gorge” étroite. Ce double bloc est séparé de la paroi principale par une dépression dont on ne peut estimer la largeur sur ces photos.


Zoom sur le double bloc de calcaire valanginien A et B de la figure 4

Figure 6. Zoom sur le double bloc de calcaire valanginien A et B de la figure 4

Les deux parties A et B sont séparées par une “gorge” étroite. Ce double bloc est séparé de la paroi principale par une dépression dont on ne peut estimer la largeur sur ces photos.



Carte géologique en vue oblique du “cirque de Saint-Jacques” avec la même projection que pour la figure précédente

Figure 8. Carte géologique en vue oblique du “cirque de Saint-Jacques” avec la même projection que pour la figure précédente

n2 représente les calcaires du Fontanil (Valanginien). Les terrains cartés en orange représentent des éboulis sous lesquels affleurent (au centre droit de la figure) les terrains berriasiens (n1) situés stratigraphiquement immédiatement sous le Valanginien.

On voit que les Tours Saint-Jacques (TSJ) et les blocs A et B sont détachés de la falaise valanginienne et sont entourés par des éboulis. Le trait rouge localise approximativement les coupes théoriques des trois figures suivantes.


Les Tours Saint-Jacques (ainsi que les blocs A et B) sont constituées de calcaires valanginiens. Elles sont situées dans une pente orientée vers le Sud-Ouest en contrebas d'une falaise elle aussi constituée de calcaires valanginiens. Tours Saint-Jacques et falaise valanginienne reposent sur des marnes berriasiennes. Le pendage des couches berriasiennes et valanginiennes est parallèle à la pente sur laquelle sont situées les Tours Saint-Jacques. Deux hypothèses extrêmes et une hypothèse intermédiaire peuvent être envisagées pour expliquer cette disposition : (1) un simple effet de l'érosion, (2) l'effet d'un glissement de terrain de grande ampleur, et (3) l'effet de l'érosion sur un glissement de terrain d'ampleur modérée.

Une simple érosion, sans aucun déplacement : première hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

Figure 9. Une simple érosion, sans aucun déplacement : première hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

Les Tours Saint-Jacques (et les blocs A et B) ont alors la signification de simples buttes témoins. Cette hypothèse n'explique pas la forme anguleuse et en lame de couteau de certaines tours.


Un glissement en masse du bord de la falaires sur une grande distance : deuxième hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

Figure 10. Un glissement en masse du bord de la falaires sur une grande distance : deuxième hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

On parle alors de « paquet glissé », cf. Tassements, Paquets tassés, Paquets glissés sur geol-alp). La distance parcourue par le paquet glissé sans basculer laisse songeur.


Un glissement en masse d'un large “paquet” qui se fragmente au cours de son glissement, le découpant en nombreux “sous-paquets” séparés par des crevasses : troisième hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

Figure 11. Un glissement en masse d'un large “paquet” qui se fragmente au cours de son glissement, le découpant en nombreux “sous-paquets” séparés par des crevasses : troisième hypothèse pour expliquer la genèse des Tours Saint-Jacques

Tous les intermédiaires peuvent exister entre les hypothèses 2 et 3. C'est sans doute parmi eux que se trouve la vraie genèse des Tours Saint-Jacques.


Le remarquable site web de Maurice Gidon (geol-alp) décrit ces Tours Saint-Jacques et les explique comme suit.

Les Tours Saint-Jacques sont des monolithes de calcaires du Fontanil (Valanginien) qui surgissent en rive droite de la cluse de Banges, à l'aplomb du village d'Aiguebelette. Il s'agit d'un typique ensemble de "paquets glissés”, au cœur d'un véritable cirque dont le plancher, incliné vers le Chéran (vers le Sud-Ouest), est centré sur le village d'Allèves. Ce cirque est cerné par une barrière de falaises de calcaires du Fontanil dont la forme de croissant de lune ouvert vers le SO est due à ce qu'elle représente la lèvre supérieure de la crevasse d'arrachement principale de la masse glissée. En fait, tout le fond du cirque est occupé par du matériel glissé, mais une partie de ce matériel est très fragmenté (comme cela se produit dans les éboulements). D'autre part les masses non disloquées sont partagées par des crevasses secondaires en plusieurs paquets que séparent des vallonnements. Les tours ont été détachées les unes des autres par des crevasses de troisième ordre, qui se sont seulement entrebâillées à l'occasion de ce glissement. Des mesures ont révélé une vitesse moyenne annuelle actuelle de glissement de 2,1 cm/an. L'origine de ces glissements est le fait que la dalle de calcaires du Fontanil possède là, à la voûte de l'anticlinal du Semnoz, un net pendage vers le Sud-Ouest. Or, dans cette direction, elle a été sapée par le Chéran lorsque celui-ci s'est encaissé en entaillant la cluse. Cela a déclenché le glissement d'une partie de cette dalle en direction du thalweg de la rivière, à la faveur du fait que les calcaires du Fontanil reposent (de façon stratigraphiquement normale) sur des marnes du Berriasien.

Le site geol-alp propose une photographie interprétée, reprise ci-dessous.

Photographies brute et interprétée du secteur des Tours Saint-Jacques (Savoie)

Figure 12. Photographies brute et interprétée du secteur des Tours Saint-Jacques (Savoie)

Ce secteur appartient à un anticlinal (l'anticlinal du Semnos, AS) chevauchant (ØB = chevauchement subalpin) un autochtone (assombri sur la photo interprétée). Le trait rouge localise approximativement les coupes théoriques des figures 9 à 11.

Cfi signifie calcaires du Fontanil inférieur, Cfs calcaire du Fontanil supérieur, Be Berriasien, H Hauterivien, Urg urgonien.


Vue aérienne de l'anticlinal du Semnoz recoupé par la cluse de Banges, parcourue par le Chéran

Figure 13. Vue aérienne de l'anticlinal du Semnoz recoupé par la cluse de Banges, parcourue par le Chéran

Le trait rouge localise approximativement les coupes théoriques des figures 9 à 11. La punaise jaune localise les Tours Saint-Jacques. À l'arrière-plan, le lac d'Annecy.


Carte géologique en vue oblique, avec la même projection que la figure précédente, de l'anticlinal du Semnoz recoupé par la cluse de Banges, parcourue par le Chéran

Figure 14. Carte géologique en vue oblique, avec la même projection que la figure précédente, de l'anticlinal du Semnoz recoupé par la cluse de Banges, parcourue par le Chéran

Le trait rouge localise approximativement les coupes théoriques des figures 9 à 11. La punaise jaune localise les Tours Saint-Jacques. À l'arrière-plan, le lac d'Annecy.


Localisation des Tours Saint-Jacques (Savoie), juste à l'Est du front subalpin

Et pour se faire plaisir en voyant de beaux paysages, voici cinq photographies supplémentaires des Tours Saint-Jacques, vues de plus ou moins loin, de l'extérieur ou de l'intérieur…