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Image de la semaine | 15/05/2023

Le Bushveld (Afrique du Sud), un musée de la différenciation et des roches magmatiques stratifiées

15/05/2023

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Roches basiques différenciées et litées dans la plus grande intrusion basique litée connue, le complexe du Bushveld.


Site montrant des couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 1. Site montrant des couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

La photographie a été prise dans une direction parallèle à celle des strates. L'allure stratifiée de cet affleurement est inhabituelle pour des péridotites.

Localisation par fichier kmz de l'affleurement de péridotites stratifiées de Jagdlust (Bushveld, Afrique du Sud).


Couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 2. Couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

La photographie a été prise dans une direction parallèle à celle des strates. L'allure stratifiée de cet affleurement est inhabituelle pour des péridotites.


Zoom sur les couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 3. Zoom sur les couches de péridotites bien stratifiées affleurant dans le lit d'une petite rivière asséchée, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

La photographie a été prise dans une direction parallèle à celle des strates. L'allure stratifiée de cet affleurement est inhabituelle pour des péridotites.



Surface d'une des couches de péridotite des figures précédentes, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 5. Surface d'une des couches de péridotite des figures précédentes, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Dans cette couche précise, on reconnait des olivines de couleur vert-olive et des minéraux noirs, très vraisemblablement des orthopyroxènes (opx). Ici, on est proche de 50 % de chaque espèce minérale (un peu plus d'olivines que d'orthopyroxènes), et on est donc à la limite entre une orthopyroxénite (majorité opx) et une harzburgite (majorité olivine, opx, absence ou peu de cpx).


Vue rapprochée sur la surface de la couche de péridotite de la figure précédente, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 6. Vue rapprochée sur la surface de la couche de péridotite de la figure précédente, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Dans cette couche précise, on reconnait des olivines de couleur vert-olive et des minéraux noirs, très vraisemblablement des orthopyroxènes (opx). Ici, on est proche de 50 % de chaque espèce minérale (un peu plus d'olivines que d'orthopyroxènes), et on est donc à la limite entre une orthopyroxénite (majorité opx) et une harzburgite (majorité olivine, opx, absence ou peu de cpx).


Zoom sur la surface de la couche de péridotite de la figure précédente, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 7. Zoom sur la surface de la couche de péridotite de la figure précédente, Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Dans cette couche précise, on reconnait des olivines de couleur vert-olive et des minéraux noirs, très vraisemblablement des orthopyroxènes (opx). Ici, on est proche de 50 % de chaque espèce minérale (un peu plus d'olivines que d'orthopyroxènes), et on est donc à la limite entre une orthopyroxénite (majorité opx) et une harzburgite (majorité olivine, opx, absence ou peu de cpx).


Lame mince en LPNA (gauche) et en LPA (droite) taillée dans une péridotite de l'affleurement de Jagdlust, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 8. Lame mince en LPNA (gauche) et en LPA (droite) taillée dans une péridotite de l'affleurement de Jagdlust, Bushveld (Afrique du Sud)

On peut reconnaitre des olivines, dominantes, et quelques orthopyroxènes. On est donc à la limite entre une dunite (90 % olivine) et une harzburgite. Les minéraux opaques sont sans doute de la chromite.


Paysage typique de la région de Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

Figure 9. Paysage typique de la région de Jagdlust, partie orientale du massif du Bushveld, Afrique du Sud

On est dans un paysage de roches stratifiées, les plus résistantes à l'altération-érosion formant des cuestas caractéristiques, cuestas sub-horizontales (pendage voisin de 10°). Les roches formant ces cuestas sont soit des péridotites, soit des pyroxénites, soit des gabbros noritiques (je ne suis pas allé voir sur place).


L'image de cette semaine et des deux semaines qui suivent correspondent à un “photoreportage” sur le complexe magmatique du Bushveld, la plus importante intrusion basique et ultrabasique du monde en domaine continental. Ce photoreportage fait suite à une excursion géologique organisé par le CBGA en 2008 et dont l'encadrement géologique était assuré par Jean-François Moyen (actuellement professeur à l'Université de Saint-Étienne).

Le but de ces trois articles n'est pas de retracer-interpréter l'histoire fort complexe de cette intrusion, intrusion multiple qui est un véritable “monstre géologique”, mais de montrer une galerie de photographies d'objets géologiques extraordinaires. Pour simplifier à outrance l'histoire du Bushveld, on peut dire qu'il s'agit d'un giga-sill complexe, fait de roches basiques et ultrabasiques, d'une épaisseur de 7 à 8 km et affleurant sur environ 300 km d'Est en Ouest et 200 km du Nord au Sud. Ce giga-sill complexe a été alimenté par une succession d'injections magmatiques, injections suivies de différenciations par cristallisation fractionnée, éventuellement suivies de contaminations par du matériel crustal, tout cela recommençant plusieurs fois pendant un temps géologiquement très bref (temps inférieur à la précision/incertitude des mesures radiochronologiques). Le lecteur intéressé par la géologie du Bushveld, voulant comprendre ce qu'on connait des mécanismes précis de sa formation, recherchant une bibliographie abondante… pourra se reporter à un article de J. F. Moyen disponible sur le web, Le complexe du Bushveld (2007). Les très courts textes d'accompagnement de cette image de la semaine et des deux suivantes “puisent” d'ailleurs largement dans cet article. J'ai rédigé cette image de la semaine (et les deux qui suivent) quinze ans après avoir été sur le terrain, ce qui pourrait expliquer un certain “flou” dans la localisation des affleurements, dans la détermination ultra-précise de certains faciès…

Les neuf photographies qui précèdent ont été prises à la base de ce complexe du Bushveld. L'essentiel des roches de cette base présentent une texture cumulative : il ne s'agit pas de liquides magmatiques ultrabasiques “gelés” sur place, mais de cristaux précipités/déposés au fond d'une “chambre magmatique ” en cours de croissance.

En simplifiant, on peut diviser le complexe du Bushveld en quatre unités. De bas en haut, on trouve :

  1. La Zone Inférieure (Lower Zone, LZ), épaisse de 1000 à 1300 m, très majoritairement composée de cumulats ultrabasiques. C'est de là que proviennent les photographies 1 à 9.
  2. La Zone Critique (Critical Zone, CZ), épaisse d'environ 1500 m, spectaculairement litée, et constituée de pyroxénites cumulatives (majoritairement des orthopyroxénites) et localement de cumulats d'olivine assez semblable à ceux de la Zone Inférieure, avec, dans la partie supérieure, de plus en plus de niveaux de norite (gabbro à orthopyroxènes) et d'anorthosite (gabbro constitué presque exclusivement de plagioclases). Les photographies 13 à 25 proviennent du sommet de cette Zone Critique.
  3. La Zone Principale (Main Zone, MZ), épaisse d'environ 3000 m, majoritairement constituée de gabbro noritique, associé à des niveaux de pyroxénite et d'anorthosite. Les niveaux minéralisés en chrome et en platine (les fameux UG2 – Upper Group 2 – et Merensky Reef – MR) se trouvent au sommet de la Zone Critique et à la base de la Zone Principale.
  4. La Zone Supérieure (Upper Zone, UZ), épaisse d'environ 2000 m, est constituée de gabbro, leucogabbro et diorite.

Ces quatre zones correspondent à quatre injections magmatiques élémentaires (ou plutôt à quatre suites d'injections répétitives presque identiques) se succédant dans un très bref intervalle de temps. Ces quatre zones recouvrent une Zone Marginale, présente seulement localement, et sont recoupées par des intrusions acides (entre autres, le complexe de Lebowa…). Aucune photographie de la Zone Marginale et du complexe de Lebowa ne sont présentées dans ces trois articles consacrés au Bushveld. La Zone Marginale et le complexe de Lebowa sont parfois regroupés avec les quatre zones du Bushveld sensu stricto en un Bushveld sensu lato. Le complexe du Bushveld sensu stricto date de de 2054±1,5 Ma (Protérozoïque inférieur). La Zone Marginale date de 2057±4 Ma et le complexe de Lebowa date de 2053±4 Ma. Tous ces corps magmatiques sont intrusifs dans des roches sédimentaires d'âge supérieurr à 2500-2600 Ma (le super groupe du Transvaal) et sont localement recouverts de roches sédimentaires d'âge inférieur à 2000 Ma.

Carte géologique simplifiée de l'Afrique du Sud

Figure 10. Carte géologique simplifiée de l'Afrique du Sud

Le Bushveld sensu lato, giga multi-sill complexe intrusif dans le super groupe du Transvaal est représenté en violet.


Carte et coupe géologiques simplifiées du Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 11. Carte et coupe géologiques simplifiées du Bushveld (Afrique du Sud)

La Zone Marginale n'est pas représentée, les Zones Inférieure et Critique ont été regroupées (en vert). Le super groupe du Transvaal est représenté en hachures obliques. Sur la coupe, on voit bien que ces terrains du groupe du Transvaal forment le mur et le toit du complexe du Bushveld, ce qui montre bien que ce complexe forme un multi-sill complexe intrusif dans des terrains archéens et/ou protérozoïques inférieurs.


Log lithostratigraphique simplifié du complexe du Bushveld sensu stricto

Figure 12. Log lithostratigraphique simplifié du complexe du Bushveld sensu stricto

On voit bien les quatre Zones (Inférieure, Critique, Principale et Supérieure), les deux niveaux les plus richement minéralisés en chrome et platine (UG2 et MR à la limite entre les Zones Critique et Principale, cf. les deux semaines à venir), les niveaux riches en chromite (C dans la Zone Critique) et en magnétite (M dans la Zone Supérieure).


Dans la suite de cet article, et après les péridotites des figures 1 à 9 (“Pe” à gauche du log de la figure 12), nous vous montrons quelques aspects des pyroxénites stratifiées (figures 13 à 19, “Py” à gauche du log la figure 12) et des gabbros-noritiques / anorthosites (figures 20 à 25, “An” à gauche du log de la figure 12).

Affleurement de pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 13. Affleurement de pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Les pyroxènes sont ici majoritairement des orthopyroxènes. Ce gisement se situe au sommet de la Zone Critique, dans le niveau appelé UG2 (Upper Group 2).

Localisation par fichier kmz des pyroxénites stratifiées de la ferme Maandaagshoek (Bushveld, Afrique du Sud).


Aspect stratifié des pyroxénites près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 14. Aspect stratifié des pyroxénites près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Les pyroxènes sont ici majoritairement des orthopyroxènes. Ce gisement se situe au sommet de la Zone Critique, dans le niveau appelé UG2 (Upper Group 2).


Altération en boule débutant dans les pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 15. Altération en boule débutant dans les pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Comme quoi il n'y a pas que les granites qui s'altèrent en boules. Rappelons qu'il y a aussi les basaltes (voir, par exemple, Le débit et l'altération en boules des basaltes), les gabbros (voir, par exemple, Les ophiolites en 180 photos – 2/7 Les gabbros, figures 15 à 17)…


Altération en boule dans les pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 16. Altération en boule dans les pyroxénites stratifiées près de la ferme Maandaagshoek, Bushveld (Afrique du Sud)

Comme quoi il n'y a pas que les granites qui s'altèrent en boules. Rappelons qu'il y a aussi les basaltes (voir, par exemple, Le débit et l'altération en boules des basaltes), les gabbros (voir, par exemple, Les ophiolites en 180 photos – 2/7 Les gabbros, figures 15 à 17)…


Niveau de pyroxénite contenant, en plus des orthopyroxènes dominants, une proportion non négligeable de feldspaths plagioclases et aussi des grands clinopyroxènes verts (riches en chrome), Bushveld (Afrique du Sud)


Lame mince (LPNA à gauche, LPA à droite) dans une orthopyroxénite de la ferme Maandaagshoek, avec très peu de feldspath

Figure 19. Lame mince (LPNA à gauche, LPA à droite) dans une orthopyroxénite de la ferme Maandaagshoek, avec très peu de feldspath

La “tache” jaune au centre de la lame en LPA et la tache bleue à droite de cette même photo correspondent sans doute à deux gros cristaux de clinopyroxène contenant en inclusion de petits cristaux d'orthopyroxène.


Au sommet de la Zone Critique, en plus de niveaux de pyroxénite, de niveaux de péridotite (plus réduits que ceux de la Zone Inférieure, non photographiés ici mais bien présents), on trouve des niveaux de gabbro à orthopyroxènes (= norite) et des niveaux composés quasi-exclusivement de plagioclases (= anorthosite). Ces gabbros noritiques et ces anorthosites sont souvent magnifiquement stratifiés et lités, de façon plus spectaculaire que les pyroxénites et les péridotites des photographies précédentes. Mais, comme pour les péridotites et pyroxénites, ces lits gabbro-anorthositiques sont d'épaisseur relativement régulière, décimétrique. La formation des litages magmatiques reste un phénomène assez mal compris et cette incompréhension est souvent masquée et passée sous silence. Si des variations de composition à grande échelle (décamétrique, hectométrique voire kilométrique) peuvent être expliquées par des processus classiques (cristallisation fractionnée, réalimentation, mélange de magmas…), il est plus difficile d'expliquer de la même façon des centaines et des centaines de lits réguliers centimétriques à métriques. Il est peu vraisemblable de proposer des centaines de venues magmatiques successives, toutes identiques en volume et en composition. Jean François Moyen, dans son article Le complexe du Bushveld (p. 28-32), discute d'ailleurs des origines possibles de ce litage décimétrique.

Affleurement avec des alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 20. Affleurement avec des alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Certains lits semblent composés de gabbro (norite) classique, d'autres sont exclusivement composées de plagioclases (anorthosite). Les transitions sont parfois très nettes, parfois progressives. Dans les lits riches en pyroxènes, ceux-ci sont parfois répartis de façon homogène, parfois concentrés en bas ou en haut des lits… Tout cela montre que la genèse de ce litage n'est pas un phénomène simple.

Localisation par fichier kmz du site à alternances norite-anorthosite de Tweefontein (Bushveld, Afrique du Sud).


Vue rapprochée sur ces alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 21. Vue rapprochée sur ces alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Certains lits semblent composés de gabbro (norite) classique, d'autres sont exclusivement composées de plagioclases (anorthosite). Les transitions sont parfois très nettes, parfois progressives. Dans les lits riches en pyroxènes, ceux-ci sont parfois répartis de façon homogène, parfois concentrés en bas ou en haut des lits… Tout cela montre que la genèse de ce litage n'est pas un phénomène simple.


Détail des alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 22. Détail des alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Certains lits semblent composés de gabbro (norite) classique, d'autres sont exclusivement composées de plagioclases (anorthosite). Les transitions sont parfois très nettes, parfois progressives. Dans les lits riches en pyroxènes, ceux-ci sont parfois répartis de façon homogène, parfois concentrés en bas ou en haut des lits… Tout cela montre que la genèse de ce litage n'est pas un phénomène simple.


Vue sur d'autres alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 23. Vue sur d'autres alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Certains lits semblent composés de gabbro (norite) classique, d'autres sont exclusivement composées de plagioclases (anorthosite). Les transitions sont parfois très nettes, parfois progressives. Dans les lits riches en pyroxènes, ceux-ci sont parfois répartis de façon homogène, parfois concentrés en bas ou en haut des lits… Tout cela montre que la genèse de ce litage n'est pas un phénomène simple.


Détail de ces autres alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Figure 24. Détail de ces autres alternances norite-anorthosite près de Tweefontein, Bushveld (Afrique du Sud)

Certains lits semblent composés de gabbro (norite) classique, d'autres sont exclusivement composées de plagioclases (anorthosite). Les transitions sont parfois très nettes, parfois progressives. Dans les lits riches en pyroxènes, ceux-ci sont parfois répartis de façon homogène, parfois concentrés en bas ou en haut des lits… Tout cela montre que la genèse de ce litage n'est pas un phénomène simple.


Lame mince d'anorthosite échantillonnée au niveau de l'affleurement de la figure 20 (LPNA en haut, LPA en bas)

Figure 25. Lame mince d'anorthosite échantillonnée au niveau de l'affleurement de la figure 20 (LPNA en haut, LPA en bas)

Ces anorthosites sont composées de plagioclases (automorphes). L'orthopyroxène, quand il y en a, est interstitiel, et occupe les espaces entre les cristaux rectangulaires de plagioclase. Les pyroxènes s'organisent ainsi en petits amas en forme d'étoile, ou de flocon, qui “moulent” la forme des plagioclases.


Au sommet de la Zone Critique, quand on peut voir les relations géométriques entre ces différentes roches, on a souvent la séquence suivante, de bas en haut : les péridotites (pas toujours présentes), les pyroxénites, les gabbros noritiques et les anorthosites. Cette séquence peut se répéter plusieurs fois ; on a identifié huit répétitions de cette séquence dans la partie supérieure de la Zone Critique. Je n'ai pas pu, hélas, photographier en une seule prise une telle séquence complète et je suis obligé de vous la présenter avec trois affleurements distincts. On a là la “caricature” d'une coupe complète d'une série de différenciation d'un magma basique, comme tous les livres et les cours en décrivent dans ce qu'on appelle “chambres (ou réservoirs) magmatiques”. On peut noter que ces réservoirs magmatiques remplis de cette succession de roches est beaucoup plus fréquente dans les livres que dans la nature où l'on n'en connait qu'une trentaine (que l'on nomme souvent des intrusions basiques litées, le Bushveld étant, de loin, la plus grande et la plus complexe). Cette relative rareté (constatation empirique) n'est pas sans poser un problème. En effet, rien que dans le Massif Central cénozoïque, il existe au moins sept séries magmatiques différenciées allant du basalte au trachyte, à la rhyolite ou à la phonolite (Chaine des Puys, Sancy, Mont-Dore, Cézallier, Cantal, Limagne, Velay). Il devrait donc exister en profondeur sous la surface du Massif Central au moins sept réservoirs, sept intrusions basiques litées “potentielles” (certes bien plus petites que le Bushveld), qu'une érosion et/ou une tectonique futures devraient porter à l'affleurement dans les dizaines ou centaines de millions d'années à venir. Sept intrusions basiques litées potentielles sous le seul petit Massif Central, une trentaine à l'affleurement sous l'ensemble des continents… On voit là l'ampleur de notre mauvaise compréhension des mécanismes, des lieux et de la géométrie des sites où a lieu la différenciation magmatique.

Localisation du complexe du Bushveld en Afrique du Sud