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Image de la semaine | 07/03/2022

Les mosasaures, des reptiles marins géants du Crétacé supérieur

07/03/2022

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Découverte et principales caractéristiques des mosasaures, reptiles marins fossiles à ne pas ranger dans les dinosaures (tous terrestres).


Le mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

Figure 1. Le mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

Les mosasaures correspondent à un groupe de lézards nageurs marins géants ayant vécu au Crétacé supérieur. Les mosasaures n'appartiennent pas au groupe biologique des dinosaures. Le mosasaure du Musée des Confluences est un Mosasaurus baugei, trouvé dans le Maastrichtien du Maroc (−70,6 à −65,6 Ma).

Ce musée a été présenté dans Les sciences de la Terre au Musée des Confluences de Lyon.

Localisation par fichier kmz du Musée des Confluences de Lyon.


Nous avons vu la semaine dernière des ossements isolés attribués à des mosasaures dans les anciennes carrières souterraines de la Malogne (Belgique) (cf. Les carrières souterraines de craie phosphatée de la Malogne (Cuesmes, province du Hainaut, Belgique) et ses restes de mosasaures). Les fossiles d'ossements “géants” sont connus depuis “toujours” dans les régions où ils sont “fréquents” dans le sous-sol. Ils ont donné lieu à de nombreuses légendes. D'aucun y voient même l'origine du mythe des dragons. Ces fossiles sont entrés dans le domaine scientifique et dans la connaissance du grand public averti avec les premières descriptions scientifiques vite vulgarisées dans les années 1820-1840. Des restes d'iguanodon furent découverts en Angleterre en 1822, et décrit par William Buckland en 1824. Le terme de dinosaure est proposé en 1842 par Richard Owen (du grec ancien δεινός / deinόs “terrible” et σαῦρος / saûros “lézard”). Et depuis cette date, tous les fossiles de “lézards terribles” sont rangés dans les dinosaures par le grand public, la vulgarisation… (cf. T. rex superstar - L'irrésistible ascension du roi des dinosaures), et souvent à tort, car il y a des gros reptiles au Mésozoïque qui sont certes “terribles” mais qui ne sont pas des dinosaures au sens biologique et cladistique du terme (par exemple les plésiosaures, les ichtyosaures, les ptérosaures… et les mosasaures).

Mais des ossements de gros reptiles, en particulier un crâne, avaient déjà été trouvés et décrits avant les années 1820, et en particulier un crâne avait été trouvé dès 1766 dans des carrières de la région de Maastricht (Pays Bas). Ces fossiles ont donné lieu à des débats entre spécialistes. Ces animaux étaient manifestement aquatiques. Mais étaient-ce des lézards géants, de gros crocodiles, des cétacés… ? Les armées révolutionnaires françaises ont “confisqué” ces ossements en 1795 car Maastricht, forteresse autrichienne, venait d'être prise par les troupes de Kléber. Ces ossements, et en particulier le crâne, furent apportés au Muséum national d'histoire naturelle de Paris où ils se trouvent encore. Ces fossiles furent étudiés par Faujas de Saint-Fond en 1799 et par Cuvier, qui publia une monographie en 1812. La conclusion de ces études a placé cet animal dans les reptiles, sous-groupe des lézards (squamate). L'animal recevra le nom de Mosasaurus hoffmanni en 1829 (“mosasaure” signifie « lézard de la Meuse », la Meuse étant la rivière qui traverse Maastricht). De nombreux autres fossiles furent trouvés sur tous les continents et permirent de préciser le mode de vie des mosasaures dont on connait une quinzaine d'espèces, mode de vie assez semblable à celui des dauphins ou des orques actuels.

Page 37 du livre Histoire naturelle de la montagne de Saint Pierre de Maastricht, écrit en 1799 par le géologue français Barthélemy Faujas de Saint-Fond

Figure 4. Page 37 du livre Histoire naturelle de la montagne de Saint Pierre de Maastricht, écrit en 1799 par le géologue français Barthélemy Faujas de Saint-Fond

On y voit la représentation de la découverte du crâne fossile du mosasaure de Maastricht..

Ce livre peut être lu dans son intégralité sur biodiversitylibrary.org et chargé sous divers format depuis archive.org.


Agrandissement du dessin illustrant la découverte du crâne fossile du mosasaure de Maastricht en 1766





Quand on habite la région lyonnaise, on a la chance de disposer d'un musée consacrant une part importante de ses expositions aux sciences naturelles. Ce musée expose en particulier un fossile complet de mosasaure. Il est alors facile de le photographier sous toutes les coutures, et de montrer des détails de ses dents, de son crâne, de ces membres… Nous vous montrons cette semaine 14 photographies du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon (figures 1, 2, 10 à 13, 16, 17, 19 à 24).

Il y a quelques dizaines d'années, on m'a donné quelques échantillons venant d'anciennes collections. On m'a donné en particulier 4 échantillons avec pour toutes indications d'origine « dents de mosasaure, Maroc ». Il y a trois dents séparées qui ne posent pas de problème particulier (figure 14). Mais il y a aussi un fragment d'os de mâchoire, avec une dent dépassant de l'os de la mâchoire, mais aussi une dent plus petite semblant complètement incluse dans l'os (figure 15). Est-ce une dent “venue d'ailleurs” que les hasards de la sédimentation et de la fossilisation ont placé là, ou plutôt une dent de remplacement comme chez les crocodiliens actuels ? Si, comme c'est probable, il s'agit d'une dent de remplacement comme chez les crocodiliens actuels, on peut se demander pourquoi je n'ai pas trouvé une telle disposition avec une dent de remplacement sous une dent “en service” dans les dizaines d'images de crânes de mosasaures disponibles sur internet. Si des connaisseurs de la dentition des reptiles pouvaient aider à élucider ce problème…

Crâne et région oculaire du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon et ses curieuses plaques osseuses formant une structure appelée anneau sclérotique ou scléral

Figure 16. Crâne et région oculaire du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon et ses curieuses plaques osseuses formant une structure appelée anneau sclérotique ou scléral

On retrouve cet anneau scléral chez d'autres reptiles du Mésozoïque, dont les ichtyosaures, les dinosaures…


Zoom sur la région oculaire du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon et ses curieuses plaques osseuses formant une structure appelée anneau sclérotique ou scléral

Figure 17. Zoom sur la région oculaire du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon et ses curieuses plaques osseuses formant une structure appelée anneau sclérotique ou scléral

On retrouve cet anneau scléral chez d'autres reptiles du Mésozoïque, dont les ichtyosaures, les dinosaures…


Anneau scléral (ou sclérotique) d'une poule “moderne” (Gallus gallus domesticus)

Figure 18. Anneau scléral (ou sclérotique) d'une poule “moderne” (Gallus gallus domesticus)

Ce squelette de poule mesure 37 cm de hauteur. Le diamètre externe de l'anneau scléral mesure 13 mm. À la taille et au diamètre relatif du “trou” central près, cet anneau scléral “moderne” ressemble beaucoup à celui des mosasaures. À l'exception des crocodiliens, la quasi-totalité des reptiles possèdent un anneau scléral. C'est le cas des squamates (serpents et lézards), et les mosasaures étaient des lézards. C'est aussi le cas des dinosaures, et les oiseaux (donc les poules) sont des dinosaures !


Le mosasaure du Musée des Confluences de Lyon photographié “par dessous”

Figure 19. Le mosasaure du Musée des Confluences de Lyon photographié “par dessous”

On voit très bien les nombreuses côtes délimitant une cage thoracique et la colonne vertébrale. On voit aussi très bien les deux membres antérieurs, très transformés en nageoires/palettes natatoires par rapport aux membres “classiques” des tétrapodes (cf. figure 25). Les relations entre la ceinture scapulaire et la colonne vertébrale ne sont pas claires dans le montage des os fait lors de l'installation du squelette au plafond de la salle.


Membre antérieur droit du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

Figure 20. Membre antérieur droit du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

La polyphalangie des cinq doigts est évidente.


Détail du membre antérieur droit du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

Figure 21. Détail du membre antérieur droit du mosasaure du Musée des Confluences de Lyon

La polyphalangie des cinq doigts est évidente.






Vue sur la majeure partie de la salle du Musée des Confluence de Lyon dans laquelle est suspendu le mosasaure (à droite)

Figure 26. Vue sur la majeure partie de la salle du Musée des Confluence de Lyon dans laquelle est suspendu le mosasaure (à droite)

Quatre gros reptiles sont visibles sur cette photo : pendus au plafond, notre mosasaure en pleine “nage” et deux ptérosaures en plein vol, et au centre, un dinosaure (un Camarasaurus) marchant au sol. Sur ces quatre reptiles, un seul est un dinosaure (le Camarasaurus). Mais pour le grand public, ces quatre reptiles sont des dinosaures, ce qu'ils ne sont pas pour trois d'entre eux. Et il ne faut pas oublier que si les ptérosaures ne sont pas des dinosaures, les colibris et autres oiseaux (présentés dans une salle voisine) le sont bel et bien. Enseignants et médiateurs ont encore du travail !