Image de la semaine | 28/02/2022
Les carrières souterraines de craie phosphatée de la Malogne (Cuesmes, province du Hainaut, Belgique) et ses restes de mosasaures
28/02/2022
Résumé
Un environnement de dépôt particulier à la fin du Crétacé : phosphates et fossiles marins divers.
Des gisements de craie phosphatée sont connus dans la craie du Crétacé supérieur du Nord-Est du Bassin parisien, en particulier dans la Somme et dans la région de Mons (province du Hainaut, Belgique). Les couches phosphatées sont présentes dans des paléocuvettes d'érosion de dimensions infra-kilométriques (érosion par des courants sous-marins ou, éventuellement, ayant eu lieu lors d'émersions temporaires). Le phosphate est contenu dans des sables ou des nodules inclus dans la craie. Les grains et nodules phosphatés sont constitués de minéraux du groupe des francolites, mélange complexe d'apatite (Ca5(PO4)3(OH,Cl,F) plus ou moins carbonatée et/ou soufrée, et dont la formule générale est (Ca,Mg,Sr,Na)10(PO4,SO4,CO3)6F2-3. Ces phosphates ne proviennent pas d'une précipitation directe à partir de l'eau de mer (la teneur moyenne de la mer en P2O5 est d'environ 0,07 ppm). Les organismes vivants (plancton, animaux et végétaux marins) concentrent le phosphore (la teneur des tissus biologiques peut atteindre 1 % en masse). À la mort des organismes, la décomposition bactérienne libère le phosphore contenu dans les cadavres (ou les fécès) sédimentés au fond ; ce phosphore enrichit la boue du fond et précipite dans des phosphates du groupe des francolites sous forme de petits grains. Ces minéraux phosphatés sont plus denses que les argiles et carbonates de la boue crayeuse. Si le fond est parcouru par des courants, et comporte des “cuvettes” topographiques, ces grains se concentrent dans ces cuvettes qui ont alors signification de placers. La circulation des fluides diagénétiques peut entrainer des concentrations secondaires, des regroupements sous forme de nodules… La teneur des niveaux crayeux ayant été exploités varie de 5 à 20 % de P2O5.
Source - © 2022 D'après craies.crihan, modifié
La présence de phosphates dans la craie de la région de Mons a été découverte en 1858. En ce milieu du XIXe siècle, les engrais naturels (fumiers, lisier…) ne suffisaient plus à l'agriculture et on a cherché des engrais artificiels, surtout nitrates et phosphates. La craie phosphatée du secteur de Cuesmes (Hainaut, Belgique) a été intensément exploitée de l'année 1877 jusque dans les années 1925. Ces carrières ont été exploitées par la méthode des chambres et piliers abandonnés. Il en résulte un réseau de galeries plus ou moins orthogonales, dites "chambres" (environ 4 m de largeur), laissant en place des massifs inexploités d'environ 4×4 m ("piliers"). La hauteur des chambres varie avec l'épaisseur de la couche phosphatée du Maastrichtien : d'environ 2 m à plus de 9 m. Le site des carrières souterraines de la Malogne cumulait environ 175 km de galeries. Une bonne part de ces anciennes galeries est maintenant inondée, mais certaines parties sont encore accessibles.
C'est l'exploitation (peu onéreuse car en carrières à l'air libre) des phosphates d'Afrique du Nord et de Floride qui entraina l'arrêt de l'exploitation des carrières souterraines de craie phosphatée, comme cela arrêta l'exploitation des phosphotières du Quercy (cf. Le Cloup d'Aural (Lot), les phosphatières du Quercy et leurs “trésors” paléontologiques).
Source - © 2022 cmpb.net, modifié
L'Association Sans But Lucratif ASBL Malogne a été créée au sein du Service de Géologie Fondamentale et Appliquée de la Faculté Polytechnique de Mons. Elle a pour objet l'étude, la sauvegarde et la préservation des sites géologiques du bassin de Mons ; elle organise des visites de terrain pour le public et la diffusion auprès du public des résultats de ses études. Quel dommage que de telles associations soient bien moins développées en France que chez nos amis belges. C'est piloté par des membres de cette association que j'ai pu visiter en 2013 quelques centaines de mètres des galeries de la Malogne. Merci à eux.
Nous vous présentons dans la suite 25 photographies prises dans ces chambres et galeries. Il est très difficiles de reconnaitre à l'œil nu les minéraux phosphatés dans les parois des galeries, phosphates qui sont sous forme de petits grains de sable non distinguables par un non spécialiste de grains détritiques (quartz…). Nous ne vous montrerons pas de phosphates identifiables, qui sont pourtant présent à hauteur de 5 à 20 %, nous vous montrons des photographies de l'exploitation et de ses conséquences (figures 4 à 6), des images de figures sédimentaires et tectoniques (figures 7 à 10) et surtout des images de fossiles (figures 11 à 28).
Source - © 2014 Serge Ottaviani Serge Ottaviani – CC BY-SA 3.0 | |
Ce qui fait la célébrité des carrières de la Malogne, c'est la possibilité, grâce à l'ASBL Malogne, de voir, en place, après un trajet souterrain court et praticable sans aucune difficulté, des os de reptiles géants du Crétacé supérieur, en particulier des os de mosasaures. Les mosasaures (littéralement « lézard de la Meuse ») sont des reptiles marins géants apparentés aux lézards. Ce ne sont pas des dinosaures, bien que la vulgarisation et le grand public les rangent à tort dans le super-ordre des dinosauriens. La prochaine image de la semaine sera d'ailleurs consacrés aux mosasaures.
Les carrières de la Malogne font partie du patrimoine industriel et géologique du Hainaut. Elles font aussi partie de son patrimoine historique. En effet, ses kilomètres de galeries souterraines ont servi de refuge et de cachette aux résistants lors des deux dernières guerres mondiales.