Image de la semaine | 24/05/2021
Les sédiments pléistocènes de la paléo-Loire et leur discordance sur les micaschistes hercyniens, plage de la Mine d'or, Pénestin, Morbihan
24/05/2021
Résumé
Discordance Pléistocène / Paléozoïque sur une plage du Morbihan.
La plage de la Mine d'or de Pénestin, située juste au Sud de l'estuaire de la Vilaine, montre des sédiments détritiques pas (ou très peu) déformés reposant en discordance sur des micaschistes. Cette discordance sépare deux terrains “distants”, chronologiquement parlant, de plus de 450 Ma quant à l'âge du protolithe, et plus de 300 Ma si on ne prend en compte que l'âge du métamorphisme du socle. Ces micaschistes ont été intensément altérés sous climat chaud pendant la première moitié du Cénozoïque. Cette altération est même localement allée jusqu'à la formation de cuirasses latéritiques (maintenant disparues). C'est l'érosion de ces anciens sols rouges qui est à l'origine de la couleur des sédiments récents recouvrant les micaschistes. Ces sédiments sont essentiellement d'origine fluviatile, avec des passées indiquant un milieu côtier. La datation de ces lits de galets, graviers et sable n'est pas aisée à cause de la quasi-absence de fossile.
La notice de la carte géologique de La Roche-Bernard (carte assez ancienne, publiée en 1975) décrit ainsi cette formation : « e-Fx, Éocène à Wurm. Formations de Pénestin et de Larmor. La formation de Pénestin a une position stratigraphique encore controversée. Il semble cependant se dégager des travaux divers que nous sommes en présence d'un témoin, sur substratum cristallophyllien arénisé au Tertiaire, de dépôts éocènes, argileux, bariolés, peu épais, suivis d'une formation plio-quaternaire. Cette dernière est représentée par des sables jaunes et des cailloutis rouges reposant sur une dalle conglomératique ferruginisée. Viennent ensuite des couches ocracées, des cailloutis colorés à patine brun-rouge, des limons beiges, les faciès argileux présentant des caractères périglaciaires (pingos, coins de glace). Il s'agit donc d'une formation compréhensive témoignant d'une certaine permanence des actions géologiques et des dépôts, dans cette région, de l'Éocène à l'Holocène. »
Depuis la publication de cette carte (1975), et en particulier depuis (1) la découverte d'un biface en 1988, (2) des campagnes de géophysique en mer, (3) de nouvelles méthodes de datation comme la résonance paramagnétique électronique, (4) l'intégration des variations de faciès dans les variations eustatiques du Pléistocène… les études donnent à cette série un âge de −600 000 à −300 000 ans (de la fin du Günz au début du Riss). Des explications et des détails sont donnés sur la page Histoire géologique de la falaise de la Mine d'Or (Pénestin) du laboratoire Géosciences Rennes, et dans le bulletin annuel de 2006 de l'Association vendéenne de géologie (pages 44 à 57).
Nous regarderons des détails ou des vues d'ensemble de cette discordance (photographies 1 à 8), puis des détails de la série sédimentaire (photographies 9 à 21) et enfin nous donnerons quelques rapides indications “imagées” quant à l'origine de ces sédiments.
Les auteurs ayant travaillé sur la série de Pénestin la séparent en trois unités, les unités 1 à 3, surmontées de dépôts éoliens à significations de loess. Dans leur article du bulletin annuel 2006 de l'AVG85, R. Anfray et J. Chauvet décrivent ainsi ces unités.
« Unité 1 : Il s'agit d'un conglomérat consolidé à ciment hétérogène dont la coloration rouge brune est héritée du fer des profils d'altération latéritiques plus anciens. Ce conglomérat est souvent mis en relief par l'érosion et est constitué de blocs de quartz, de grès, de granite et de micaschiste de taille variable, parfois plus de 10 cm. Ces galets présentent parfois une imbrication frustre, montrant un écoulement vers le Nord-Ouest, et quelques niveaux sableux de quelques décimètres d'épaisseur montrent des litages obliques de courants. »
« Unité 2 : Elle montre des sables ocres très grossiers à très fins. Vers le Nord, des litages obliques de sables grossiers à graviers anguleux indiquant des paléo-courants vers le Nord-Ouest. Vers le Sud, la granulométrie diminue en passant de sables moyens à grossiers mal classés jusqu'à des sables plus fins assez bien classés à litages obliques soulignés par des galets. Ces faciès évoluent verticalement vers des sables très fins, des silts argileux et argilites avec rides de courants parfois opposés caractéristiques des courants de marée (faciès tidaux). »
« Unité 3 : Elle est grossière avec à la base des niveaux conglomératiques, moins grossiers que dans l'unité 1, puis des sables grossiers à moyens et des graviers et galets de quartz, grès et schistes rouges, de nombreuses surfaces d'érosion, se recoupent les unes des autres. Les litages plans obliques indiquent des paléo-courants vers le Sud-Est à l'opposé des 2 unités inférieures. Vers le sommet, des argilites rouges apparaissent dans les niveaux sableux et enfin des niveaux argileux gris lités pourraient correspondre à des dépôts lacustres développés entre les barres sableuses des rivières en tresse. »
« Le conglomérat de l'unité 1 correspond à des cônes alluviaux, les faciès grossiers de l'unité 2 sont des mégarides appartenant à des barres sableuses qui se développent dans le lit des rivières en tresses, entre ces barres se déposent des sables plus fins voire des argiles déposées par des lacs temporaires, lors de l'abandon des chenaux. L'apparition de faciès tidaux (liés aux marées) au sommet de l'unité 2 ainsi que les directions de courants opposées observées entre l'unité 3 et les unités 1 et 2 sont l'expression de deux brusques abaissements du niveau marin qui se sont traduits par le creusement de vallées incisées à remplissage fluviatile puis littoral pour la première (unité 1 et 2). La seconde ne montre qu'un remblayage fluviatile. »
« L'unité 1 traduit le maximum de chute du niveau marin où seuls les plus grossiers subsistent au fond de la vallée. »
« Les faciès grossiers de l'unité 2 correspondent à une lente remontée du niveau marin avec le développement des rivières en tresses qui construisent un prisme de bas niveau. Les faciès fins tidaux sont la conséquence de l'ennoiement de la vallée incisée dû à la montée du niveau marin, autrement dit : une transgression. Le maximum d'inondation se serait traduit par l'ennoiement des interfluves par des argiles marines. L'unité 3 traduit un nouvel épisode de bas niveau marin qui a peut-être érodé le maximum d'inondation précédent. »
« Ces brusques variations de niveau marin sont attribuées à des cycles glaciaires quaternaires situés entre –600 000 ans et –300 000 ans (Mindel et début Riss), âge obtenu par résonance paramagnétique électronique. »
Source - © 2021 D'après OCLM, repris de LGO - Géosciences Rennes, modifié
Tous ces faciès et leurs variations sont interprétés en termes de variations climatiques entrainant en même temps (1) des variations du niveau de la mer, (2) des variations de la position du cours des fleuves, à savoir de la Vilaine et surtout de la Loire, et (3) la variation du débit des fleuves, de leur charge sédimentaire et de leur capacité érosive ou d'alluvionnement. R. Anfray et J.Chauvet dans le bulletin 2006 de l'AVG85 expliquent ainsi ces variations de la position des fleuves : « Les unités 1 et 2 montrent des écoulements du Sud-Est vers le Nord-Ouest qui ne correspondent pas au cours actuel de la Vilaine, le fleuve côtier juste au Nord de Pénestin. Cela implique du matériel venant d'un bassin versant situé au Sud-Est de Pénestin. La présence de grains de glaucophane que l'on ne trouve actuellement qu'à l'ile de Groix et au Sud-Est dans la nappe de Champtoceaux traversée par l'actuelle Loire et en Vendée (Bois de Cené) accrédite l'hypothèse d'une paléo-Loire. L'unité 3, qui s'écoulait vers le Sud Sud-Est, renfermant des schistes rouges connus dans l'Ordovicien de Pont Réan des synclinaux paléozoïques du Sud de Rennes, serait une paléo-Vilaine ».
Source - © 2021 D'après OCLM, repris de LGO - Géosciences Rennes, modifié | |
Le cours de la Loire et la géométrie de l' (des) estuaire(s) ont continué à varier, même à l'époque historique, en particulier à cause de l'importance des alluvions charriées par la Loire et de leur sédimentation qui provoque envasement et colmatage des parties les moins profondes de l'estuaire. En témoignent ces trois cartes de la région de Nantes / Saint-Nazaire, cartes allant de l'époque romaine au XVIIIe siècle avec le début des grands travaux d'aménagement de l'estuaire et de ses berges pour favoriser la navigation jusqu'au port de Nantes.
Source - © 2015 D'après Estuarium Loire sur YouTube