Image de la semaine | 22/06/2020
Faire de la géologie en visitant les calanques de Marseille
22/06/2020
Résumé
Urgonien, structuration pyrénéo-provençale, canyons et érosion karstique, variations du niveau de la Méditerranée (Messinien et cycles glaciaires).
Source - © 2018 Made in Marseille |
Le Parc national des Calanques est situé au sein d'un massif calcaire, principalement constitué de calcaire Urgonien (ici, Barrémien, 130 à 125 Ma) qui forme les principaux reliefs, par exemple le Mont Puget (584 m). La notice de la carte géologique d'Aubagne-Marseille décrit ainsi ce faciès dit Urgonien : « C'est une puissante masse (250 à 450 m) de calcaires biodétritiques compacts à patine très blanche et dont la cassure varie du blanc très pur au beige parfois rosé. Des joints de stratification découpent l'ensemble en très gros bancs (calanque de Port-Miou), les joints stylolithiques pouvant être localement très abondants. Les formations construites sont absentes, mais les biostromes à Rudistes sont très fréquents : Requienia ammonia, Toucasia carina ». Des vues rapprochées de calcaire urgonien (mais ne venant pas des calanques) peuvent être retrouvées dans l'article de la semaine dernière Découvrir les rudistes en parcourant les rues de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) et en visitant le musée d'Orgon (Bouches du Rhône). C'est l'érosion de cet Urgonien calcaire qui “plonge” dans la mer entre Marseille et Cassis qui est à l'origine de paysages extraordinaires : les Calanques.
On peut résumer ainsi l'histoire de la région des calanques. La région est constituée d'une série sédimentaire continue qui va du Jurassique moyen au Barrémien (de faciès urgonien), surmonté localement d'une faible épaisseur de marnes de la fin du Crétacé inférieur. Toute la région des calanques émerge au milieu du Crétacé (émersion bauxitique) puis se ré-enfonce au Cénomanien, début du Crétacé supérieur. Une puissante série gréso-calcaire se dépose sur l'Urgonien, du Cénomanien (96 Ma) au Santonien (84 Ma). Cette série a été érodée sur le massif des Calanques mais affleure encore à l'Est de Cassis, où elle forme les plus hautes falaises de France (presque 400 m) au Cap Canaille. Du Crétacé terminal à l'Éocène (de 70 à 40 Ma), la région subit la tectonique pyrénéo-provençale, ce qui entraine sa surrection. Au niveau du Parc des Calanques, la tectonique est relativement modérée, et ne se traduit que par des failles et des plis à grand rayon de courbure et faible pendage des flancs. L'ouverture de la Méditerranée occidentale à l'Oligocène supérieur-Miocène inférieur (≈ 23 Ma) entraine le jeu de failles normales et la création de bassins (comme le graben de Marseille) dominés par des blocs soulevés, comme le massif des Calanques. Pendant tout le Miocène et le Plio-quaternaire, ce massif des Calanques est la proie d'une intense érosion karstique, avec creusement de multiples gorges et petits canyons à la morphologie caractéristique des pays calcaires, avec le développement d'un réseau karstique souterrain… Le creusement de ces gorges et canyons est guidé par les failles et diaclases héritées de la tectonique pyrénéo-provençale et de l'extension oligo-miocène associée à l'ouverture de la Méditerranée occidentale, failles majoritairement NO-SE et NE-SO. Cette érosion est particulièrement intense au Messinien (entre 6 et 5,3 Ma), quand le niveau de la mer Méditerranée a baissé d'environ 2000 m. Cette baisse du niveau de base a certainement entrainé un surcreusement intense des gorges qui entaillaient déjà la masse de calcaire urgonien. Cette érosion et ce creusement des gorges ne s'est pas arrêté au niveau 0 actuel comme il le fait aujourd'hui, mais s'est poursuivi jusqu'à la profondeur du niveau de la Méditerranée résiduelle messiniene (−2000 m). L'érosion de ces gorges et canyons redevint “normale” à partir de 5,3 Ma quand le niveau de la Méditerranée revint à peu près à son niveau actuel. Mais depuis, le développement et la fonte plus ou moins importante des calottes glaciaires dans les hautes latitudes de l'hémisphère Nord entrainent des variations du niveau de la mer. En période interglaciaire comme maintenant, la mer est 120 m plus haute qu'en période glaciaire comme il y a 20 000 ans. Pendant les périodes glaciaires (qui durent plus longtemps que les périodes interglaciaires), l'érosion continue de creuser gorges et canyons jusqu'à −120 m. Et pendant ces périodes de bas niveau marin, les torrents déblaient les alluvions qui aurait pu se déposer au niveau 0 aux périodes interglaciaires, là où les torrents (temporaires) ayant creusé les gorges atteignaient la mer. Les calanques correspondent donc à d'anciennes gorges creusées depuis le Messinien, puis alternativement surcreusées pendant les périodes glaciaires et ennoyées pendant les périodes interglaciaires, comme maintenant. Les calanques sont majoritairement orientées NO-SE et NE-SO, comme les failles et diaclases qui ont guidé le creusement des vallées.
Source - © 2011 D'après O. Bellier et al. |
De nombreux sentiers permettent de visiter les Calanques “par la terre” comme le montrent les photos 1 à 3. On peut également les visiter “par la mer”, soit au départ de Marseille, soit au départ de Cassis. Nous vous montrons 25 photographies prises lors d'une “croisière” au départ de Marseille un après-midi de fin novembre 2017. La date de cette croisière explique que le soleil est bas sur l'horizon et que les falaises orientées vers l'Est et les calanques les plus profondes soient à l'ombre. Les commentaires géologiques seront réduits au strict minimum. Les localisations des prises de vues sont (approximativement) localisées sur la figure 5.