Article | 28/08/2015
Le 14 juillet 2015, la sonde NASA New Horizons survole et découvre Pluton et Charon
28/08/2015
Résumé
Premiers clichés et résultats scientifiques sur Pluton et Charon, son satellite majeur, en attendant des données complémentaires ainsi que des images des autres petits satellites.
Table des matières
Histoire de la découverte de Pluton et de l'évolution de son "statut"
En 1989, La sonde Voyager 2 survolait Neptune. L'exploration du système solaire avait commencé en 1959 avec la sonde soviétique Luna 3 qui a survolé et photographié la face cachée de la Lune. En trente ans, la quasi-totalité du système solaire avait été explorée (au moins rapidement), à l'exception de Pluton, le seul corps trans-neptunien connu à l'époque. On peut mettre ces 30 ans en parallèle avec les 114 ans qu'il a fallu à l'humanité pour découvrir au moins superficiellement l'ensemble de la planète Terre, de l'Amérique (1492) à l'Australie (1609), mais à l'exception de l'Antarctique. S'il a fallu presque deux siècles entre les premières explorations de l'Australie et les premières expéditions antarctiques, il n'a fallu que 26 ans entre le survol de Neptune et celui de Pluton. Ma génération a donc eu le rare privilège d'assister à l'exploration "directe" de l'ensemble du système solaire (si on suppose que Pluton est représentatif des corps de la ceinture de Kuiper). C'est sans doute la dernière fois avant des dizaines d'années qu'on explore ainsi un nouveau monde de grande taille. Ne boudons pas notre plaisir !
Avant cette exploration in situ, le système solaire avait été décrit depuis la Terre par les astronomes. Après que Copernic ait compris que les six planètes connues « depuis toujours » car visible à l'œil nu tournaient autour du Soleil, on a ajouté au système solaire les corps suivants, dans l'ordre chronologique.
- Les comètes, quand Halley a compris au milieu du 18ème siècle que certaines d'entre-elles tournaient autour du Soleil.
- Uranus, découvert en 1781 par Herschel, et qui fut la 7ème planète.
- Cérès, découvert entre Mars et Jupiter en 1801 par Piazzi, qui fut donc la 8ème planète.
- De nombreux autres "petits corps" entre Mars et Jupiter, plus petit que Cérès et découverts entre 1801 et 1850. Ces découvertes entrainèrent la rétrogradation de Cérès du rang de 8ème planète à celui de plus gros des "astéroïdes".
- Neptune, découvert "par le calcul" en 1846 conjointement par Le Verrier et Adams, et qui fut donc la deuxième 8ème planète.
- Pluton, découvert en 1930 par Tombaugh, et qui fut la 9ème planète.
- De nombreux corps trans-neptuniens (entre 30 et 60 unités astronomiques - u.a.), prédits en 1951 par Kuiper et confirmés depuis par la découverte de plus de 1000 objets trans-neptuniens dans ce qui constitue la ceinture de Kuiper (ces objets trans-neptuniens sont aussi appelés KBO = Kuiper Belt Objets). Ces découvertes entraînèrent la rétrogradation de Pluton du rang de 9ème planète à celui de premier découvert et gros objet trans-neptunien. On était de retour à 8 planètes majeures.
- De nombreux corps en orbite solaire mais en dehors de l'écliptique entre 20 000 et 100 000 u.a. prédits mais non encore découverts par Oort à partir de 1952 et qui forment le nuage de Oort.
Pluton, comme Cérès, n'a en effet été considéré comme planète majeure que quelques dizaines d'années. En 2006, en effet, avec la découverte de nombreux objets trans-neptuniens dont au moins un, Eris, a une taille identique à celle de Pluton, la définition d'une planète fut redéfinie par l'Union Astronomique Internationale. Pour être une planète, un corps doit (1) tourner autour du Soleil, (2) avoir la forme d'une sphère ou d'un ellipsoïde de révolution, (3) être seule et "maîtresse" sur son orbite et/ou avoir "fait le ménage" des petits corps voisins. Pluton, comme Cérès, remplit les deux premières conditions. Mais, comme Cérès, il ne remplit pas la 3ème. Il y a en effet plein de corps en orbite solaire au voisinage de l'orbite de Pluton. Pire, Pluton n'est pas le "maitre" de son orbite : il "obéit" à Neptune et est en résonance avec lui. Quand le "gros" Neptune fait trois rotations autour du Soleil, le "petit" Pluton en fait exactement deux.
Les corps qui remplissent les deux premières conditions (orbite circum-solaire, et forme sphérique) ne sont plus des planètes "majeures". Elles sont qualifiées de "planètes naines". En 2015, on connaît cinq planètes naines "officielles" : Pluton, Eris, Haumea, Makemake et Cérès.
La déplanétisation de Pluton en 2006 est raconté dans En août 2006, le système solaire est passé de 9 à 12 puis à 8 planètes.
L'étude de Pluton avant la mission New Horizons
Entre 1930 et 2015, la connaissance de Pluton n'a pas fait beaucoup de progrès. Son orbite, assez elliptique et assez inclinée sur l'écliptique fut précisée, avec une période de 247,94 ans. La rotation de Pluton sur lui-même s'effectue en 6,387 jours. Sa masse fut estimée entre 1 et 3.1022 kg ; les données de New Horizons donnent une masse de 1,305.1022 kg. Son diamètre fut estimé entre 2000 et 3000 km ; les mesures de New Horizons donnent 2372 km. Sa masse volumique est de 1880 kg/m3. Il s'agit donc d'un corps plus petit que la Lune, et largement constitué de glace.
Les meilleures images de Pluton obtenues depuis le télescope spatial Huble ne montrent que bien peu de détails (vagues taches claires et sombres).
Plusieurs modèles théoriques (bien peu contraints) de structure interne ont été proposés, certains introduisant même un "océan liquide" au-dessus du noyau silicaté et sous les couches de glaces.
La forte ellipticité de l'orbite (périhélie de 30 u.a. et aphélie de 50 u.a.) et l'inclinaison de son axe de rotation par rapport au plan orbital (122°) entrainent un très fort contraste des saisons. La température au sol varie de 30 à 60 K (-243°C à -213°C).
Une atmosphère faible fut détectée depuis la Terre grâce à des occultations d'étoile, atmosphère principalement constituée de di-azote, avec un peu de méthane et de monoxyde de carbone. La pression au sol varierait (en fonction des saisons) autour de 1 Pa (1/100 000 de la pression terrestre).
Un satellite, nommé Charon, fut découvert en 1978. Son diamètre (1208 km) est supérieur à la moitié de celui de Pluton, ce qui en fait un cas unique dans le système solaire. Sa période de révolution est égale à sa période de rotation, qui sont toutes deux égales à la période de rotation de Pluton, soit 6, 387 jours. Ces deux astres sont donc tous deux en rotation-révolution synchronisées, chaque astre montrant toujours la même face à l'autre. La rotation de ces deux corps se fait autour du centre de gravité commun, situé légèrement en dehors de Pluton.
Depuis, quatre autres petits satellites ont été découverts avec le télescope spatial. Comme pour Charon (le passeur des enfers), les noms de ces satellites furent empruntés au monde des enfers dans la mythologie gréco-romaine : Hydra, Kerberos, Nix et Styx.
Source - © 2004 NASA, ESA, and M. Buie (Southwest Research Institute) | |
Source - © 1990 NASA, ESA, et STSci | Source - © 2015 NASA |
Source - © 2012 NASA, ESA, M. Showalter (SETI Institute), L. Frattare (STScI) | Source - © 2015 NASA / Pat Rawlings / Jcpag2012, modifié, CC3.0 |
La mission New Horizons
La mission NASA New Horizons fut lancée en janvier 2006. Pluton était encore la 9ème planète du système solaire. C'est le 24 août 2006, 7 mois après son lancement, que la cible de New Horizons changea de statut et devint une planète naine. Ce changement de statut ne change évidemment pas l'intérêt de la mission, bien au contraire : New Horizons ne sera pas la dernière mission à survoler une planète pour la première fois, mais la première mission à découvrir un objet trans-neptunien. Heureusement que la sonde était partie quand on déplanétisa Pluton. On peut supposer que de nombreux parlementaires américains, plus soucieux (comme d'autres, en particulier dans l'Éducation Nationale) de conventions et de définitions que d'intérêt, de signification et de compréhension véritables, n'auraient peut-être pas débloqué les crédits pour ne survoler qu'un simple KBO.
La trajectoire de New Horizons fut assez particulière, en ce sens que la NASA privilégia la rapidité plutôt que la masse de la sonde. La sonde quitta la Terre à la vitesse de 58 536 km/h, alors que 40 300 km/h suffisent pour quitter la Terre (vitesse de libération). La sonde utilisa l'assistance gravitationnelle de Jupiter, et mit moins de 10 ans pour atteindre Pluton, à peine plus que Cassini pour atteindre Saturne. La contrepartie de cette vitesse fut (1) la faible masse de la sonde (478 kg), (2) la rapidité du survol de Pluton (49 320 km/h) qui a interdit toute tentative de mise en orbite, et (3) l'absence de certains instruments importants, comme un magnétomètre. New Horizons n'a fait que survoler Pluton à 11 000 km de sa surface, et continue maintenant dans la ceinture de Kuiper. Elle devrait survoler un autre petit KBO dans les années qui viennent. La sonde, alimentée en énergie nucléaire, comprenait 7 instruments scientifiques, dont des caméras et des spectromètres UV et IR pour étudier la composition du sol et de l'atmosphère. D'autres contreparties de la faible masse sont la petite taille de l'antenne et la faible puissance électrique, ce qui entraîne un très faible débit de transmission des données vers la Terre : environ 1000 bits/secondes. Lors des quelques jours qui précédèrent et suivirent le survol rapproché du 14 juillet 2015, des giga-octets ont été enregistrés dans la mémoire de bord, et sont maintenant transmis lentement vers la Terre. L'ensemble de la transmission de toutes les données prendra environ 16 mois.
Les données présentées ici ne correspondent donc qu'à un très faible pourcentage des résultats acquis. Attendons la suite des transmissions.
Pourquoi avoir choisi la rapidité au détriment de la masse ? Il y a deux raisons. La raison officielle et bien réelle concerne l'atmosphère. Depuis son passage au périhélie, en 1989, Pluton s'éloigne du Soleil, et son atmosphère d'azote va se condenser petit à petit à la surface. Pour étudier la dynamique de cette atmosphère, il fallait arriver le plus tôt possible, ou attendre 200 ans. Une autre raison, officieuse, a peut-être joué un rôle. L'équipe qui a conçu et construit la mission (équipe appartenant à l'Université Johns Hopkins de Washington) est constituée de scientifiques et d'ingénieurs d'un certain âge. Cette équipe voulait pouvoir travailler sur les résultats avant le départ en retraite de la majorité de ses membres.
Quelques résultats scientifiques préliminaires disponibles le 20 août 2015
Pluton
Seuls quelques pour-cents des données enregistrées lors du survol du 14 juillet 2015 ont été transmises fin août 2015. Les résultats rendus publics à ce jour sont évidemment préliminaires, susceptibles d'être modifiés par des données arrivant dans les semaines et les mois qui suivent, susceptibles d'être approfondis par le travail des équipes scientifiques... Ces résultats rendus publics le sont le plus souvent sous forme de photos, cartes, courbes… et pas encore sous forme de publications scientifiques approfondies, ce qui est normal seulement cinq semaines après le survol.
L'essentiel de ce qui va suivre consistera donc en 49 figures plus ou moins abondamment commentées, soit en reprenant des commentaires sur les sites de la NASA, soit en en ajoutant de purement personnels.
Parfois, nous proposerons des analogies terrestres ou planétaires. Ces analogies ne sont à prendre que pour ce qu'elles sont, à savoir des convergences morphologiques suscitant des pistes de réflexion, mais en aucun cas des propositions définitives d'explications.
L'essentiel des données présentées ici viennent principalement de quatre sites : New Horizons - NASA , New Horizons - NASA's mission to Pluto (John Hopkins University), Archives du site de la John Hopkins University et Communiqués de presse du site de la John Hopkins University.
Source - © 2015 NASA, compilation | Source - © 2015 NASA-JHUAPL-SwRI |
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Charon, aperçu de Nix et Hydra
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Source - © 2015 The Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory LLC, modifié | Source - © 2015 NASA-JHUAPL-SwRI |
Source - © 2015 The Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory LLC |
Source - © 2015 NASA/JHUAPL/SWRI
En guise de conclusion : des interrogations et des questions.
Dans l'état actuel de réception des données (20 août 2015), et en attendant de nouvelles arrivées de données, la première conclusion-interrogation concerne les morphologies de détail et leur origine. Que sont réellement et quelle est l'origine de ce qui ressemble à des graben aussi bien sur Pluton que Charon ? Quelle est l'origine de la grande falaise et du canyon de Charon ? Que sont et quelle est l'origine des polygones de Sputnik Planum et de leur surface parfois piquetée d'une multitude de puits ? Quelle est l'origine des montagnes de Pluton, et de leur géométrie qui ressemble à des côtes, îles ou nunatak ? Les structures de fluage qui ressemblent tant à des glaciers sont-elles des glaciers ? …
La deuxième conclusion-interrogation concerne la chronologie. Dans le système solaire, la chronologie absolue (âge donné en millions ou milliards d'années) est basée sur les études lunaires, qui ont donné une relation entre la densité de cratères d'une surface (nombre de cratères d'impact par unité de surface) et l'âge de cette surface obtenu par l'analyse radiochronologique des échantillons ramenés par les missions Apollo.
Cette relation âge / densité de cratères a pu être étendue à Mars, au système jovien… en corrigeant cette relation par la distance à la ceinture des astéroïdes et par ce qu'on sait (croit savoir ?) de sa dynamique. En ce qui concerne Pluton et Charon, on est sur la bordure interne de la ceinture de Kuiper, et on n'a que bien peu d'idées sur la dynamique et le rythme des collisions dans cette ceinture. Donner des âges en millions ou en milliards d'années semble donc actuellement illusoire, et on se contente pour l'instant des adjectifs "qualitatifs" vieux ou jeune. Mais savoir si Pluton et Charon sont actuellement actifs, ou inactifs depuis 10, 100, 1000 ou 4000 millions d'années est évidement capital pour la compréhension du système solaire.
La troisième conclusion-interrogation concerne la dynamique de l'atmosphère, de l'importance de sa condensation hivernale, de sa capacité à engendrer de grosses accumulations de glace d'azote. Elle concerne aussi la persistance de l'atmosphère, persistance qui a fait l'objet de travaux juste avant l'arrivée de New Horizons. Dans une publication envoyée à The Astronomical Journal Letter le 30 mai 2015, acceptée pour publication le 15 juillet et publiée le 1er août (cf. On the provenance of Pluto's nitrogen (N2) ), K. N. Singer et S. A. Stern discutent les modèles d'échappement de l'azote atmosphérique de Pluton sous l'action de la température, du vent solaire… et se posent des questions sur l'existence actuelle de cette atmosphère malgré cet échappement... Ils concluent le résumé de leur article par la phrase : “We conclude that either the escape of N2 from Pluto's atmosphere was on average much lower than the predictions for the current epoch, or that internal activity could be necessary to bring N2 to the surface and resupply escape losses. Observations made by the New Horizons spacecraft in mid-2015 will yield further constraints on the provenance and evolution of Pluto's surface and atmospheric N2, and could reveal evidence for past or present internal activity”. La possibilité d'une activité interne actuelle ou récente a donc été posée juste avant l'arrivée des données de New Horizons.
La quatrième conclusion-interrogation concerne cette activité interne ancienne, récente, voire actuelle. Les sources d'énergie conférant une activité interne aux planètes et satellites solides sont :
- Le dégagement de la chaleur d'accrétion résiduelle, théoriquement négligeable pour des petits corps comme Pluton et Charon, sauf si Pluton et Charon sont beaucoup plus jeunes que le reste du système solaire (collision /ré-accrétion récente ?).
- L'énergie radioactive dégagée par les éléments radioactifs contenus dans les silicates, théoriquement très faible pour des petits corps comme Pluton et Charon.
- L'énergie des marées quand le corps est en orbite autour d'une planète massive et que son orbite est perturbée par des satellites extérieurs. Les masses et orbites de Pluton et de Charon ne permettent pas théoriquement un tel dégagement d'énergie.
La découverte d'une activité actuelle ou récente de Pluton et de Charon a donc été une totale surprise, ce qui montre une fois de plus que « la nature a beaucoup plus d'imagination que les scientifiques ».
L'origine du jeu des failles de Pluton et de Charon que nous avons qualifiées de "pas très vieilles mais non actuelles" est évidement d'origine interne, mais avec quelle énergie ? L'origine du matériel constituant la surface de Sputnik Planum, très jeune, et l'origine de son altitude plus élevée au centre qu'à sa périphérie, pourraient en toute rigueur être d'origine externe, du genre condensation locale d'importante masse d'azote atmosphérique. Mais pourquoi cette condensation à ce seul endroit, et d'où viendrait cette masse d'azote alors que l'azote atmosphérique devrait manquer sans une source d'azote endogée ? Là encore, une activité interne semble nécessaire. Les "moteurs" de Pluton et de Charon marchent encore, ou ne sont éteints que depuis peu de temps. Il ne reste plus qu'à trouver d'où vient l'énergie qui les a alimentés, voire les alimente encore !
Charon, dans la mythologie gréco-romaine, était le conducteur de la barque qui faisait franchir le fleuve Achéron aux âmes des morts. Après ce passage, on entrait dans le royaume de Pluton, nom romain du dieu grec Hadès, le dieu des enfers. Rencontrer Pluton signifiait la fin de l'histoire vers le Vème siècle avant notre ère. Au XXIème siècle, nous venons de rencontrer Pluton pour la première fois, mais là, c'est le début d'une histoire, mais une histoire qui risque d'être longue. En effet, il faut au moins dix ans pour concevoir et construire une mission spatiale, et au moins dix ans pour rejoindre et dépasser l'orbite de Pluton. À moins que les réponses à toutes les interrogations listées ci-dessus soient contenues dans les données à venir dans les mois qui viennent, nous risquons de nous poser des questions sur Pluton, Charon et autres objets de Kuiper pendant encore bien longtemps !
Source - © 1520-1524 Joachim Patinir | Source - © 1592 Agostino Carracci |