Article | 14/05/2008
Les calottes polaires de Mars : rappels, bilan des 10 dernières années d'observation
14/05/2008
Résumé
Les calottes martiennes, observations de 1666 à mai. Les découvertes des 10 dernières années en attendant Phœnix.
Table des matières
Les données « anciennes » (jusqu'aux missions Viking)
Depuis 1666 (Cassini) et 1672 (Huygens), on sait que Mars possède des « taches blanches » au niveau des deux pôles, taches visibles avec les lunettes de l'époque, taches de tailles variables selon les saisons : des calottes polaires.
Avec les télescopes, au sol puis dans l'espace (images encore plus "belles"), on a pu étudier ces variations de taille des calottes visibles, très grandes l'hiver, beaucoup plus petites l'été. Les petites calottes d'été ont été appelées calottes « résiduelles » ou « permanentes ». Les grandes calottes d'hiver ont été appelées calottes « saisonnières », « transitoires » ou « hivernales ». Les deux calottes résiduelles d'été n'ont pas la même taille : environ 1000 km de diamètre pour calotte Nord, 300 km seulement pour la calotte Sud.
Les spectres Infra Rouges Thermiques ont permis de mesurer les températures d'été et d'hiver des deux calottes. L'hiver, les deux calottes ont approximativement la même température (-130°C pour la calotte Sud , -120°C pour la calotte Nord,). L'été, par contre, les différences sont notables : -100°C au Sud, et –50°C au Nord, beaucoup moins froid. L'ellipticité forte de l'orbite martienne et la position des solstices expliquent cette différence. Lors du solstice d'été de l'hémisphère Sud, Mars est au plus loin du soleil, et l'été Sud est très froid. Au contraire, lors du solstice d'été de l'hémisphère Nord, Mars est au plus près du soleil, et l'été Nord est (relativement) chaud.
Il y a donc sublimation de la calotte de glace de CO2 dans l'hémisphère d'été pendant qu'il y a condensation simultanée de la calotte de glace de CO2 dans l'autre hémisphère. La situation alterne ainsi deux fois par année martienne.
Cette alternance se retrouve dans la mesure de la pression au sol faite par les sondes au sol et les robots. C'est pendant l'hiver de l'hémisphère Sud que la pression est la plus basse (700 Pa au site de Viking 1). Pendant l'hiver Nord, il y a un minimum secondaire de 800 Pa. La pression est maximale pendant les intersaisons : 900 Pa pendant le printemps Sud-automne Nord, et 850 Pa pendant l'automne Sud-printemps Nord. Sublimation et condensation de la calotte saisonnière Sud ont plus d'effets globaux que ceux de la calotte Nord, ce qui montre que le volume de CO2 condensé-sublimé est plus important au Sud qu'au Nord.
L'épaisseur de la calotte saisonnière n'est pas directement mesurable. Mais, connaissant les variations de pressions saisonnières, donc la quantité de CO2 changeant d'état, et connaissant la surface de ces calottes saisonnières, on déduit facilement l'ordre de grandeur de l'épaisseur de ces calottes saisonnières : environ 1 mètre. Si on cherche une analogie terrestre, cela ressemble plus à la couche de « neige » recouvrant Canada et Sibérie qu'aux calottes antarctique ou groenlandaise ; mais, ici, de la neige carbonique.
Cette importante libération de CO2 atmosphérique à la fin de l'hiver et au début du printemps de l'hémisphère Sud s'accompagne de giga-tempêtes qui soulèvent d'énormes quantités de poussières qui restent en suspension dans l'atmosphère pendant des semaines, masquant partiellement ou totalement le sol.
Les données récentes concernant la calotte Nord
Les cycles condensation-sublimation de la vapeur d'eau
Il n'y a pas que le CO2 qui a un cycle annuel de condensation-sublimation. C'est aussi le cas de la vapeur d'eau. L'atmosphère de l'hémisphère Nord contient de la vapeur d'eau pendant l'été. Si la quantité moyenne de vapeur d'eau de l'atmosphère martienne précipitait, cela constituerait une couche de 12 μm de glace (on parle de μm précipitable = pr μm). En plein été, entre 0° et 60° lat. Nord, la quantité d'eau atmosphérique atteint 30 à 40 pr μm.
Source - © 2008 ESA/ASI/PFS team
En hiver, aux mêmes latitudes, cette quantité d'eau est inférieure à 10 pr μm. Il y a donc condensation hivernale des 2/3 de la vapeur d'eau. Une partie doit se mélanger à la glace carbonique pour former la calotte temporaire ; mais en quelle quantité ? Une partie précipite en bordure de la calotte temporaire, « imbibe » le sol, et « givre » nuitamment (voire toute la journée) le sol des latitudes moyennes. Viking 2 avait déjà observé ce givre matinal par 48° lat N. Les détecteurs de neutrons de Mars Odyssey ont montré que le premier mètre superficiel du sol des latitudes boréales moyennes, très hydraté en début de printemps, se déshydratait partiellement tout au long de l'été.
Il reste de très nombreuses questions sur ce cycle de l'eau (et sur celui du CO2) qui ne sont pas bien résolues.
La faible quantité de vapeur d'eau qui se condense avec le CO2 pour former la calotte transitoire est-elle mélangée à cette glace carbonique, ou au contraire forme-t-elle une mince couche distincte qui précède (et se trouve donc sous) la couche de glace carbonique ?
En été, que devient cette glace d'eau qui se condense (plus ou moins mélangée à la glace de CO2) à l'aplomb de la calotte résiduelle ? Se sublime-t-elle complètement, ou en reste-t-il une fraction qui accroîtrait la calotte résiduelle ?
Au contraire, la sublimation estivale de la glace d'eau de la calotte résiduelle excèderait-elle les dépôts hivernaux de glace d'eau, avec donc réduirait la calotte estivale ?
Ces questions ne sont pas toutes résolues, mais des données nouvelles sont disponibles et permettent d'avancer. D'autres données vont arriver à partir du 25 mai 2008 si l'atterrissage de la mission Phoenix réussit.
Les données topographiques précises
Les données MOLA (Mars Orbiter Laser Topography) de la sonde MGS (Mars Global Surveyor) ont permis de bien connaître la topographie de la calotte polaire résiduelle Nord, bien mieux qu'avec les données Viking.
Source - © 2008 MOLA Team, MGS Project, NASA, Greg Shirah (SVS) |
La structure interne de la calotte permanente : données morphologiques
Cette calotte a des bords assez raides, et est parcourue de longues dépressions, les “vallées” ou “chasma”, dont le plus visible est nommé « Chasma Boreale » La pente des escarpements limitant les vallées peut atteindre 60° ; leur dénivelé peut dépasser 1000 m. Si l'origine de ces vallées n'est pas bien connue, ces pentes raides permettent d'avoir une idée de la structure interne de la calotte résiduelle : un empilement de strates régulières plus ou moins claires : les terrains polaires lités (polar layered terrains). Au sommet de l'escarpement, la zone plate et claire correspond au sommet de la calotte, riche en glace d'eau. Les alternances claires et sombres correspondraient à des couches de glace plus ou moins riches en sables et poussières. La proportion glace/poussière dans les couches relativement sombres est une grande inconnue.
Source - © 2008 NASA / Mars Global Surveyor | Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona |
Source - © 2008 Malin Space Science Systems / NASA |
La même séquence de couches alternativement riches et pauvres en glace se retrouvent sur des kilomètres. Cela suggère une origine climatique globale pour chaque séquence, ce qui n'est pas sans rappeler les variation climatiques terrestres dues aux cycles de Milankovitch. Une couche claire correspondrait soit à une période d'accumulation de glace d'H2O propre (dépôts hivernaux > sublimation estivale) pendant une période où l'atmosphère calme véhicule peu de poussières. Les niveaux sombres correspondraient (1) soit à des époques d'ablation (sublimation estivale > dépôts hivernaux) laissant sur place une accumulation résiduelle de poussière contenue dans la glace se sublimant, (2) soit à des époques avec une circulation éolienne intense et une atmosphère très poussiéreuse. Étudier les rythmes de ces variations climatique est un objectif de la géologie martienne.
Source - © 2008 NASA / Mars Global Surveyor
L'existence de périodes d'ablation (sublimation > dépôts, ou forte érosion éolienne) est attestée par quelques surface d'érosion, quasi-« discordances », visibles ici ou là.
Source - © 2008 NASA/JPL/Malin Space Science Systems
Les images suivantes montrent que, parfois, la structure interne de la calotte est complexe.
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona |
Deux avalanches sur Mars
Le 19 février 2008, à 13h 05 (heure locale martienne), la caméra Hirise de la mission MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) a surpris deux avalanches simultanées mais distantes de 8 km en train de se produire sur un escarpement de cette calotte Nord. La profondeur totale de la vallée est de 700 m, avec une pente de 60° au sommet de l'escarpement. Au pied de la partie la plus raide s'étend un terrain plus sombre, qui n'a qu'une pente de 20°. Les deux nuages d'avalanche mesurent respectivement 180 et 100 m dans leur plus grande dimension.
Quand la photographie a été prise, les deux nuages d'avalanche quittaient la partie raide de l'escarpement et s'étalaient à son pied, moins pentu.
Ces avalanches se sont déclenchées pendant le printemps martien. La couche de glace carbonique d'un mètre d'épaisseur (la calotte transitoire) qui recouvrait toute la région est en train de se sublimer au fond des vallées, et ne persiste plus qu'aux hautes altitudes, au sommet des escarpements. La sublimation de cette couche sur le flanc et en bas de l'escarpement a entraîné la déstabilisation de la pente, et le déclenchement des deux avalanches. La simultanéité de deux avalanches distantes de 8 km laisse supposer un événement déclencheur commun (un séisme ? ).
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona |
La structure interne de la calotte résiduelle : données radar
Le radar MARSIS embarqué sur Mars Express a permis de visualiser la limite entre la calotte et son socle, et d'en mesurer l'épaisseur (voir principe dans un précédent article sur Mars). Les 1 à 3 km d'excès topographique (par rapport aux plaines environnantes) mesuré par MOLA correspondent bien à 3 km d'épaisseur de terrains polaires lités, alternances de glaces riches ou pauvres en sables et poussières.
Le radar plus récent SHARAD de Mars Reconnaissace Orbiter (MRO) a une meilleure résolution, mais un pouvoir de pénétration plus faible que celui de Mars Express. Il identifie mal la limite calotte/socle, mais peut faire de la structure plus fine, et permet de visualiser les strates internes de la calotte résiduelle Nord. On y retrouve le litage que montraient les images des escarpements.
Source - © 2008 ASI/NASA/ESA/Univ. of Rome/JPL/MOLA Science Team |
Les données récentes concernant la calotte Sud
Les calottes polaires Sud (permanente et saisonnière) possèdent de nombreuses similitudes avec les calottes Nord. Nous n'allons insister que sur leurs spécificités et sur les différences majeures avec leurs homologues boréales.
La calotte saisonnière
La calotte saisonnière Sud est plus développée et plus épaisse que son homologue Nord, du fait de la très basse température hivernale. Elle peut atteindre 1 à 2 mètres d'épaisseur de glace carbonique très pure. Sa morphologie de surface a des cotés originaux et uniques. Cette calotte de glace carbonique est relativement translucide, voire transparente. En vue verticale, elle laisse apparaître la couleur sombre du sol sous-jacent.
Sa texture superficielle est étrange, avec une multitude de sillons ou craquelures. Les sillons s'entrecroisant, on a donné à cette structure le nom de « peau de lézard ». Chaque sillon a entre 3 et 6 m de largeur, 0,5 à 1,5 m de profondeur.
Ces sillons sont souvent associés en structures convergentes, qui prennent le nom de structures « en forme d'araignée », ou plus simplement « araignée » (spider). Au printemps, et au printemps seulement, des taches noires allongées et parallèles en forme d'éventail (fan) plus ou moins fermé parsèment ces terrains. Le parallélisme des éventails indique que leur direction est affectée par des phénomènes éoliens.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/University of Arizona | |
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona |
Un modèle a été proposé pour expliquer ces structures. La couche de glace carbonique saisonnière, mince (1 m) et relativement transparente, laisse passer le rayonnement solaire qui va réchauffer le sol sombre sous-jacent. Au printemps, en milieu de journée, celui-ci est suffisant chaud pour entraîner la sublimation de la base de la couche de glace carbonique. Il se forme donc des poches de CO2 gazeux à la base de la couche de glace. Ce CO2 cherche à s'échapper en profitant des moindres perforations ou fractures de la calottes. Chaque perforation va drainer le CO2 gazeux sous-jacent, qui en convergeant vers la perforation va éroder le sol sableux et poussiéreux, en y creusant un réseau de sillons plus ou moins convergents (les araignées). Il se forme ainsi des fontaines de CO2 gazeux, qui amènent à la surface de la calotte des poussières qui se déposent aux environs, en général de façon bien dirigée par la direction des vents dominants (les éventails). Parfois, du CO2 regèle en surface, et une couche de givre se forme au milieu de l'éventail.
Des geysers de CO2 en quelque sorte, mais des geysers fonctionnant à l'énergie solaire ! Pour l'instant, aucun geyser en fonctionnement n'a pu être imagé correctement. Cela n'a pas empêché Ron Miller, artiste astronome de l'Université d'Arizona, d'imaginer le paysage sur cette calotte transitoire Sud au printemps.
Source - © 2008 Arizona State University/Ron Miller |
Le fait que de nombreux éventails soient « doubles » suggère un changement de direction du vent entre 2 éruptions (entre 2 chaudes journées). Les changements d'aspect d'un champ d'éventails peuvent se suivre et être visibles au bout de quelques jours.
Source - © 2003 NASA/JPL/University of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona |
La calotte permanente de glace carbonique
La calotte permanente de glace carbonique constitue la tache blanche visible depuis la Terre au télescope. Elle a un diamètre 3 fois inférieur à celui de la calotte permanente Nord. Cette calotte permanente est très mince : quelques dizaines de mètres tout au plus. Elle est faite de glace carbonique assez pure.
Chaque hiver, elle se fait recouvrir (comme tous les environs) par 1 ou 2 m de « nouvelle » glace carbonique (la calotte transitoire), qui se sublime au printemps.
En été, quand la calotte temporaire a disparu, la surface de cette calotte résiduelle a une morphologie très particulière, que l'on appelle familièrement « en gruyère » (Swiss Cheese). Cela ressemble en effet à une tranche de gruyère, avec des « trous » séparés par de la « pâte ». Les cavités sont interprétées comme des figures de sublimation estivale de la couche de glace carbonique, couche épaisse de 10 à 30 m tout au plus.
Source - © 2003 NASA/JPL/University of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona |
Chaque automne, cette surface en gruyère se nappe de 1 à 2 m de glace carbonique temporaire, qui disparaît au printemps suivant, en laissant apparaître de nouveau la surface en gruyère. En général, cette surface estivale avec ses « trous » et ses « entre-trous » n'est pas (ou très peu) modifiée d'un été à l'autre. Les faibles modifications visibles sont toujours une augmentation de la taille des « trous » et donc une diminution des plateaux de plateau de « pâtes ». La calotte résiduelle serait en train se de sublimer très lentement été après été. Et sans pouvoir généraliser des observations qui s'étalent sur moins de 10 ans, on peut se demander s'il n'y a pas actuellement un réchauffement climatique au pôle Sud de Mars.
Source - © 2008 NASA/JPL/Malin Space Science Systems
Une animation de ces changements est visible sur le site Mars Global Surveyor.
La calotte permanente masquée de glace d'eau
On sait depuis les missions Viking qu'il y a des terrains polaires lités (« polar layered terrains ») autour de la calotte résiduelle Sud.
On sait depuis les premiers résultats de la sonde européenne Mars Express, en juillet 2004, que la couche de glace carbonique qui constitue la calotte résiduelle Sud est très mince (quelques dizaines de mètres tout au plus). Le specto-imageur OMEGA a montré que dans les vallées internes à cette calotte permanente, et au niveau de ses bordures, il y a de la glace d'H2O sous la couche de glace de CO2.
Source - © 2008 ESA
Cette glace d'H2O détectable par son spectre infra-iouge n'a qu'une extension latérale très limitée. Extension réelle faible ou bien très grande extension mais presque totalement masquée par de la poussière ?
Topographiquement, il y a un relief positif qui domine les plaine du Sud. Cette « bosse » a une allure de plateau qui domine en moyenne de 1000 m les plaines environnantes. C'est sous la mince calotte résiduelle de CO2 que ce plateau est le plus élevé (3500 m au dessus des plaines environnantes). Ce plateau a des contours moins nets et moins escarpés que la calotte résiduelle Nord ; mais sa taille est du même ordre de grandeur. Ce relief positif est, lui aussi, affecté de chasma, qui peuvent atteindre la calotte résiduelle de CO2.
À la faveur des chasma qui entaillent ce plateau, on peut en voir la structure : ce plateau, au moins au niveau des chasma, est constitué du même empilement de strates plus ou moins claires que dans la calotte Nord, bien qu'en moyenne plus sombres. En fait, les alternances claires et sombres sont souvent plus dues à des alternances de couches de duretés différentes (donc ayant des pentes différentes) qu'à des alternance de couches ayant des albédos très différents.
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona | |
Source - © 2008 ESA | Source - © 2008 ESA |
Source - © 2008 NASA/JPL/ASI/ESA/Univ. of Rome/MOLA Science Team, carte et profil radar |
La NASA et l'ESA viennent de publier conjointement, le 17 avril 2008, un article comparant les possibilités complémentaires du radar de l'ESA (MARSIS) et de celui de la NASA (SHARAD). Ces articles confirment bien que MARSIS est plus pénétrant mais a une moins bonne résolution que SHARAD. Deux profils sur le même trajet visualisent très bien cette complémentarité.
Que ce soit par les études morphologiques au niveau des escarpements et des chasma, ou que se soit par des profils radar, ces niveaux lités du Sud sont tout à fait similaires à ceux du Nord, à une (importante) différence près : la glace d'eau, que ce soit par son fort albédo ou son spectre infra-rouge est très peu visible au Sud, recouverte et/ou mélangée par plus de poussières au Sud qu'au Nord. Mais les similitudes de ces deux terrains sont si fortes que cela suggère fortement qu'ils soient tous deux composés d'alternances de glace d'eau plus ou moins pure ou plus ou moins poussiéreuse. Il y aurait donc au pôle Sud de Mars une calotte de glace d'eau résiduelle, calotte masquée, mais bien présente.
Les données MOLA permettant d'avoir la topographie de surface précise. Les données radar de Mars Express étant assez nombreuses pour avoir une idée de la profondeur du substratum, il a été possible de carter l'épaisseur de cette couche de terrains lités, très vraisemblablement très riches en glace d'eau. Le volume de cette calotte résiduelle masquée Sud est du même ordre de grandeur que celui de la calotte résiduelle Nord. Le volume estimé de glace d'eau superficielle de Mars vient donc de doubler en une dizaine d'années.
C'est dans ces dépôts polaires lités Sud que l'on a identifié les rares traces de mouvements indiscutables affectant ces terrains.
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona |
Questions en suspens
Il y a dans chaque hémisphère une épaisse (1 à 3,5 km) calotte permanente de glace d'eau, stockée dans les terrains polaires lités. Les volumes de ces deux calottes sont voisins, et sont à eux deux du même ordre de grandeur que le volume de la calotte groenlandaise. La calotte Nord est visible. La calotte Sud est « masquée » car recouverte et/ou contenant plus de poussières.
Au Sud, mais pas au Nord, il y a une fine (10 m) calotte de glace carbonique permanente, très visible, posée au sommet de la calotte de glace d'eau résiduelle masquée. Au Nord comme au Sud, une très fine (1 m) couche de glace carbonique recouvre chaque hiver les calottes permanentes et ses environs. Au Sud mais pas au Nord, la sublimation de cette calotte crée des « geysers ».
On comprend à peu près comment se font actuellement (depuis 10 ans) les échanges de vapeur d'eau et de CO2 entre l'atmosphère, le givre saisonnier et l'eau du sol superficiel, les calottes permanentes (de glace d'eau) Nord et Sud, la calotte permanente (de glace carbonique) Sud, et les calottes de saisonnières (de glace carbonique) Nord et Sud.
Il reste de très nombreuses grandes inconnues ; citons en huit :
- Quelle (faible) quantité de glace d'eau y a-t'il dans les calottes saisonnières de glace carbonique, et comment y est-elle répartie ?
- Quelle quantité d'eau de la couche de givre hivernal et du sol superficiel est-elle mise en jeu par le cycle annuel sublimation/condensation ?
- La calotte permanente Nord de glace d'eau est-elle à l'équilibre, ou bien augmente-t-elle ou diminue-t-elle de volume ?
- Pourquoi les épaisses calottes permanentes Nord et Sud ne montrent-elles quasiment pas de traces de déformations, à par quelques rares failles. La faible température suffit-elle à expliquer l'absence de fluage et de déformation des couches ?
- La légère diminution observée de la calotte résiduelle Sud de glace carbonique est-elle un phénomène passager ou durable ?
- Pourquoi la calotte permanente (de glace d'eau) du Sud est-elle presque totalement masquée par de la poussière et n'apparaît-elle pas « blanche » ? Y a-t'il plus de poussières dans sa masse, ou n'est-ce qu'un phénomène de recouvrement superficiel ?
- Avec la précession des équinoxes, dans quelques milliers d'années, les températures d'été du Nord et du Sud seront inversées. Quelle a été et va être l'évolution à moyen terme de la calotte permanente de glace carbonique ?
- On sait que l'inclinaison de l'axe de rotation de Mars varie de façon chaotique en quelques millions d'années (voir par exemple Nouvelles de Mars Express , et Forçage astronomique des paléoclimats de la Terre et de Mars). Quelle a été l'évolution passée de ces calottes, depuis quand sont-elles présentes, et quel sera leur devenir à l'échelle de plusieurs millions d'années ?
Conclusion en attente de l'arrivée de Phœnix (25 mai 2008)
Si les données nouvelles des robots Spirit et Opportunity commencent à se tarir malgré l'extraordinaire longévité de ces engins, les 3 sondes actuellement en orbite continuent leur moisson de résultats. Et n'oublions pas l'atterrisseur (non mobile) Phœnix qui doit se poser sur Mars le 25 mai 2008.
Le 25 mai 2008, la sonde Phœnix (non mobile) va se poser aux hautes latitudes de l'hémisphère Nord ; entre 65° et 70° lat. Nord, là où les détecteurs de neutrons ont montré que le sol superficiel était riche en glace. Les principaux buts scientifiques de cette mission sont :
- l'analyse du sol pour vérifier sa haute teneur en glace d'eau ;
- l'étude des échanges de vapeur d'eau entre le sol et l'atmosphère ;
- des études météorologiques (température, pression, études des nuages, …) ;
- des études physicochimiques du sol, dont des études de pH, de contenus en ions solubles, …
- la recherche de molécules organiques contenues dans la glace et dans le sol.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Washington Univ. St. Louis/Univ. of Arizona
La NASA vient de publier deux images intéressantes « préparant » l'arrivée de cette sonde ; qui va se poser en fin de printemps, à la limite Sud de la calotte saisonnière Nord.
La première image localise l'ellipse où doit se poser Phœnix.
La deuxième image prise le 20 avril 2008 montre un détail de cette région, au centre de l'ellipse d'atterrissage. Cette image haute résolution montre deux points intéressants :
- la caméra haute résolution de MRO a surpris deux tornades en fonctionnement (flèches blanches) dans la zone d'atterrissage, phénomène classique au printemps en été ;
- on voit quelques petits points blancs (flèches noires) au centre de l'image.
Il y a quelques semaines, à la fin de l'hiver, toute la région était blanche, car recouverte de givre. Ces petits points blancs représente tout ce qu'il reste de ce givre, car la quasi totalité du givre s'est sublimé, et il n'en reste qu'à l'ombre, au fond de petits cratères.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/MSSS | Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/MSSS |
Attendons les premiers résultats de Phœnix. Peut-être comprendra-t-on mieux, alors, les cycles martiens de l'eau et du CO2 !