Image de la semaine | 12/06/2023
Les péridotites de Baldissero et de Finero (Piémont, Italie), intérêts industriels et scientifiques de ces affleurements de manteau de la zone d’Ivrée (Alpes)
12/06/2023
Résumé
Usages industriels de l’olivine et mise en évidence de l’hydratation profonde du manteau.
Source - © 2015 - 2016 Pierre Thomas (1) (3) - Damien Mollex, Lithothèque de l'ENS de Lyon (2)
Les deux dernières images de la semaine étaient consacrées à des exploitations minières de substances à haute valeur ajoutée (platine, cuivre, phosphore…) (cf. Le Bushveld, la principale réserve de platine du monde et Un “double monstre” géologique et minier, le pipe de carbonatite de Palabora (Afrique du Sud)). Mais il ne faut pas oublier qu'Homo industrialis utilise et exploite d'autres substances minérales, parfois très courantes, et bien peu de monde sait que ces substances sont utilisées. C'est le cas de l'olivine qui a de nombreux usages, en particulier en métallurgie et dans l'industrie des réfractaires. Environ 6 Mt (millions de tonnes) d'olivine sont utilisées par an. Nous vous montrons ici une carrière extrayant l'olivine d'une péridotite, la carrière de Baldissero-Canavese.
De plus, dans très nombreux articles de Plane-Terre, on parle d'hydratation du manteau, en particulier dans le cadre de la genèse des magmas calco-alcalins. On parle beaucoup de ce phénomène, mais bien peu montrent des échantillons de manteau hydraté, ce qui se voit par sa richesse en mica. Cette carrière de Baldissero-Canaveze est également l'occasion d'observer (et de récolter) de très beaux échantillons de péridotite micacée provenant de la carrière de Finero.
Source - © - Société CIVES | |
Les photographies précédentes posent au moins deux questions : (1) pourquoi exploite-t-on l'olivine, et (2) que sont ces petits massifs de péridotite situés sur la bordure orientale des Alpes occidentales italiennes ?
Les usages de l'olivine
Le principal débouché de l'olivine est la sidérurgie, où elle entre en concurrence avec la dolomie. L'olivine est utilisée comme additif qu'on ajoute au minerai de fer dans le haut fourneau. Elle apporte de la magnésie (MgO) afin de servir de fondant et de contrôler les caractéristiques du laitier. Elle augmente la basicité du laitier tout en lui conservant des caractéristiques de fusibilité et de viscosité convenables. La magnésie est indispensable aux hauts fourneaux pour assurer un meilleur coefficient de partage du soufre entre la fonte et le laitier. L'olivine sert aussi pour la fabrication de moules de fonderie, la fabrication de réfractaires… À la fin du XXe siècle, la production mondiale était de 5 à 6 Mt (hors Chine et pays de l'ex-URSS), et se répartissait entre une dizaine de pays.
Source - © 2000 BRGM
L'origine des massifs de péridotite piémontais
La zone appelée Ivrea Verbano Zone dans la littérature scientifique (ou, simplement, zone d'Ivrée), correspond à la bordure Nord-Ouest de la plaque italo-apulienne. Cette plaque apulienne est séparée de la chaine alpine sensu stricto (chaine affectée par les subduction et collision alpines) par une faille au jeu complexe, la ligne insubrienne, dont le jeu récent est décrochant dextre. La plaque apulienne à l'Est de cette faille est relativement peu déformée. Le jeu complexe de cette faille est relativement peu affecté par les évènements compressifs cénozoïques. La tectonique alpine a fait remonter la bordure occidentale de la plaque apulienne et fait affleurer la croute continentale inférieure et même localement le manteau sous-continental. Trois affleurements principaux de ce manteau sous-continental affleurent au voisinage immédiat de cette ligne insubrienne. Ce sont, du Sud au Nord, les massifs de Baldissero (figures 1 à 13), de Balmuccia et de Finero (figures 17 à 25). Le manteau affleurant dans ces massifs a été relativement peu affecté par les évènements “récents”. Il a par contre enregistré l'extension à l'origine de l'ouverture de l'océan alpin, qui se traduit par un important magmatisme basique (affleurant au voisinage sous forme de gabbros) et un métamorphisme HT-BP caractéristique de ces zones de rifting. Ce manteau sous-apulien a également enregistré tous les évènements associés à l'orogenèse hercynienne. Séparer les conséquences des subduction, collision et extension tardives hercyniennes d'avec l'extension triaso-jurassique est difficile et est le sujet de débats scientifiques non définitivement clos. L'un de ces affleurements de manteau sous-continental, le massif de Finero, est fait d'une harzburgite (en fait, on est à la limite entre lherzolite et harzburgite) particulièrement riche en minéraux hydroxylés, amphibole et surtout en phlogopite, un mica noir (ou plutôt brun) de formule KMg₃AlSi₃O₁₀(OH)₂. Ce manteau a donc été hydraté, et il s'agit d'une hydratation “profonde”, différente de l'hydratation au niveau des dorsales qui aurait engendré de la serpentine. Cette hydratation est classiquement interprétée comme le résultat de la subduction de l'océan “hercynien” sous une « paléoplaque continentale apulienne ». Je ne suis jamais allé sur le massif de Finero, mais sa péridotite est exploitée en carrière. Chimiquement légèrement différente de celle de Baldissero (olivines moins ferreuses), elle est transportée à Baldissero-Canavese où elle est mélangée en proportions variables à la péridotite locale, ce qui permet de fournir toute une gamme de poudres d'olivine de compositions spécifiques. Le but de ce qui suit n'est pas de reconstituer la géologie complexe du massif de Finero, mais de montrer des photographies d'une roche dont tout le monde parle mais que personne ne montre : une péridotite sous-continentale hydratée et métasomatisée par une subduction. En effet des gros blocs de cette péridotite à phlogopite sont entreposés sur le carreau de la carrière de Baldissero en attendant d'être broyés et traités dans l'usine... et même photographiés ou échantillonnés (figure 26).
Source - © 2016 Damien Mollex, Lithothèque de l'ENS de Lyon | Source - © 2016 Damien Mollex, Lithothèque de l'ENS de Lyon |
Source - © - D’après Alex Strekeisen | |
Source - © 2016 Damien Mollex, Lithothèque de l'ENS de Lyon | Source - © 2016 Damien Mollex, Lithothèque de l'ENS de Lyon |