Article | 17/11/2003
Comment présenter les péridotites ?
17/11/2003
Résumé
Définition, chimie et minéralogie des péridotites.
Table des matières
Question
« Comment peut-on présenter simplement les péridotites du manteau lithosphérique aux élèves de Première S. Sur quoi doit-on insister pour les différencier des péridotites asthénosphériques ? Toujours à propos des péridotites, peut-on dire sur la base de leur structure grenue que ce sont des roches magmatiques plutoniques ? »
Réponse
Présentation des péridotites à partir d'échantillons, de photographies et de lames minces
La meilleure façon de présenter les péridotites au lycée est d'en présenter des échantillons, des photographies, des lames minces, des analyses. Montrer des péridotites sur le terrain peut évidemment être très profitable.
On en trouve dans plus d'une centaine de volcans du Massif Central, ce sont les plus "fraîches" car elles ne sont absolument pas serpentinisées.
On en trouve aussi, plus ou moins serpentinisées :
- dans les ophiolites alpines ;
- dans les ophiolites hercyniennes, que l'on trouve un peu partout sous forme d'affleurements dispersés dans le Massif Armoricain, dans le Massif Central, dans les Vosges, dans les massifs cristallins externes des Alpes ;
- le long de la Faille Nord-Pyrénéenne, dont le fameux gisement de Lherz qui a donné son nom à la lherzolite.
Des photographies de péridotites
À l'œil nu, on distingue les olivines (vert-jaune), les pyroxènes et selon les échantillons des grenats, des spinelles ou des plagioclases.
Des lames minces de péridotites
Un exemple d'analyse de péridotite en éléments majeurs
Analyse chimique d'une lherzolite à grenat en pourcentages massiques d'oxydes (J.M. Caron et al., Comprendre et Enseigner La Planète Terre, Ophrys, p. 53) :
- SiO2 : 45,3%
- TiO2 : 0,2%
- Al2O3 : 3,6%
- FeO : 7,3%
- MnO : 0,1%
- MgO : 41,3%
- CaO : 1,9%
- Na2O : 0,2%
- K2O : 0,1%
Les péridotites ne sont pas des roches magmatiques plutoniques
Une péridotite a une structure "grenue", puisque formée de grains (cristaux) jointifs et sans ciment. Mais ce n'est :
ni une roche plutonique,
Un pluton (au sens strict) est une intrusion magmatique venue de plus bas, intrudant des roches préexistantes. Le granite de Flamanville, intrusif dans des sédiments primaires est un pluton. Le granite de Flamanville est donc une roche plutonique.
Les péridotites ne forment pas de pluton : ce ne sont donc pas des roches plutoniques au sens étymologique et strict du terme. De même, les gabbros de la croûte océanique sont grenus, mais pas plutoniques au sens strict, car ils ne forment pas de pluton, mais une couche plus ou moins continue. Sur ce, par abus de langage, on parle souvent des gabbros comme la version plutonique des basaltes.
ni une roche magmatique.
Magmatique veut dire dérivant du refroidissement et de la solidification (par cristallisation) d'un magma. Or une péridotite du manteau ne dérive pas de la cristallisation d'un magma. Le manteau est solide depuis 4,5 Ga.
Une simplification du 19ème siècle sépare les roches en 3 catégories principales (sédimentaire, magmatique et métamorphique). Cette classification oublie les roches résiduelles, les roches hydrothermales... et les roches mantelliques. Si vous voulez malgré tout classer les péridotites dans la trilogie classique "sédimentaire-magmatique-métamorphique", alors les péridotites sont des roches métamorphiques : depuis 4,5 Ga, le manteau convecte (à l'état solide) et la péridotite du manteau passe son temps à descendre et remonter, changeant par la même de minéralogie, par exemple :
- Mg2SiO4 ↔ MgSiO3 + MgO (olivine ↔ perowskite + magnésiowustite).
La minéralogie des péridotites change avec la profondeur
Transformation du minéral contenant l'aluminium.
En fonction de la profondeur où les péridotites se trouvent, le minéral dans lequel leur aluminium entre le plus facilement est (valeurs de pression extraites de Bernard Bonin, Pétrologie Endogène, Dunod, p.55) :
- le feldspath plagioclase (CaAl2Si2O8) de 0 à 10 kb (=1 GPa), soit de 0 à 30-40 km ;
- un spinelle, minéral non silicaté, intermédiaire entre un pôle magnésien (MgAl2O4) et un pôle magnéso-ferreux ( [Mg, Fe] Al2O4), de10 à 20 kb (=2 GPa), soit de 30-40 à 60-70 km ;
- du grenat (Al2Mg3[SiO4]3) au delà de 20 kb, soit au-delà de 60-70 km.
Il est possible d'observer dans certaines péridotites les traces de leur passage dans les différents champs de stabilité :
Changement de phase de l'olivine.
On regarde comment la péridotite se comporte si on la soumet aux conditions de pressions et de températures qui règnent au sein du manteau. En soumettant les péridotites à des pressions et températures (le long d'un géotherme) croissantes en utilisant en particulier la technique dite de la cellule à enclumes de diamant, on forme les phases minérales et donc les roches susceptibles d'être présentes à plus grande profondeur dans le manteau.
- Jusqu'à 400 km de profondeur l'olivine, les pyroxènes (orthopyroxène, clinopyroxène) et le grenat sont les minéraux majeurs.
- L'olivine usuelle, (dite de phase-α) se transforme en un nouveau minéral, de même composition chimique mais de structure cristalline différente, dite phase-β (appelée également wadsleyite) à une profondeur de l'ordre de 410 km.
- La phase-β se transforme en phase-γ (appelée également ringwoodite, de même composition, mais de structure légèrement différente) à une profondeur de l'ordre de 520 km.
- la phase-γ se transforme en un assemblage de perovskite silicatée et d'oxyde de magnésium à une profondeur de l'ordre de 660 km (Mg2SiO4 ↔ MgSiO3 + MgO). Cet assemblage est considéré à l'heure actuelle comme la meilleur description de la minéralogie du manteau inférieur.
De plus, à partir de 410 km, le pyroxène forme avec le grenat une solution solide appelée majorite.
Remarque. Les changements minéralogiques observés dans les péridotites en laboratoire sont en accord avec l'existence des grandes discontinuités que les sismologues ont mis en évidence à 410 et 660 km de profondeur dans le manteau. Voir également Comment montrer l'homogénéité du manteau terrestre ?
Attention. Dans les années 1970, les phase-β et phase-γ de l'olivine étaient mal séparées et n'avaient pas de nom. Il se trouve que la structure cristalline de ces phases est très voisine de la structure des spinelles, minéraux non silicatés de formule générale MgAl2O4. Les géophysiciens de l'époque avait l'habitude de regrouper ces phases β et γ sous le terme général de « phase spinelle », voire « spinelle » tout court. On parlait par exemple de la « transition olivine-spinelle ». Cette habitude est malheureusement source de confusion, confusion entre les minéraux silicatés de "phases spinelles" (les phases β et γ, stables entre 410 et 660 km de profondeur) et le vrai minéral spinelle, non silicaté, stable entre 30 et 70 km de profondeur.
Différence entre péridotites asthénosphériques et lithosphériques.
Au moins jusqu'à 450 km, l'asthénosphère est composée de péridotite à grenat comme la lithosphère de plus de 70 km de profondeur. La seule différence est qu'elle a une température supérieure à 1200°C, et donc qu'elle est un peu moins rigide et un peu plus ductile et souple, tout en restant cristallisée bien sûr.
Pour illustrer le fait que la lithosphère et l'asthénosphère sont faites de la même péridotite, on peut prendre l'exemple d'un fragment d'asthénosphère situé à 30 km de profondeur près de la dorsale : ce fragment est asthénosphérique. Mais, en s'éloignant de la dorsale, ce fragment de péridotite asthénosphériques se refroidit, et devient lithosphère quand l'isotherme 1200° atteint la profondeur de 30 km. C'est le phénomène bien connu d'épaississement de la lithosphère océanique au fur et mesure de son éloignement de la dorsale.
Remarque. En étudiant les isotopes ou les éléments présents en trace dans les roches, on peut déceler des différences entre les péridotites en fonction de leur histoire et des modifications qu'elles ont subies.