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Image de la semaine | 05/12/2022

Sédiments et paysages glacio-lacustres dans la région du lac Général Carrera-Buenos Aires, Patagonie (Chili et Argentine)

05/12/2022

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Dropstone (bloc de délestage), rides de courant et de clapotis (ripple-marks asymétriques et symétriques), et convolutes dans un environnement glacio-lacustre.


Dropstone (bloc de délestage) dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 1. Dropstone (bloc de délestage) dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Un dropstone (ou bloc de délestage) est, par définition, un bloc isolé de taille variable abandonné, par la fonte d'un iceberg ou d'une plaque de glace flottante portant des blocs rocheux, sur/dans les sédiments fins des fonds marins ou lacustres. Ici, ce bloc est inclus dans des sédiments lacustres de granulométrie variable. On distingue des sables, des micro-conglomérats et des silts.


Dropstone dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne), vue rapprochée

Figure 2. Dropstone dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne), vue rapprochée

Un dropstone (ou bloc de délestage) est, par définition, un bloc isolé de taille variable abandonné, par la fonte d'un iceberg ou d'une plaque de glace flottante portant des blocs rocheux, sur/dans les sédiments fins des fonds marins ou lacustres. Ici, ce bloc est inclus dans des sédiments lacustres de granulométrie variable. On distingue des sables, des micro-conglomérats et des silts.


Dropstone dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne), vue avec recul

Figure 3. Dropstone dans des sédiments glacio-lacustres quaternaires du bord du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne), vue avec recul

Un dropstone (ou bloc de délestage) est, par définition, un bloc isolé de taille variable abandonné, par la fonte d'un iceberg ou d'une plaque de glace flottante portant des blocs rocheux, sur/dans les sédiments fins des fonds marins ou lacustres. Ici, ce bloc est inclus dans des sédiments lacustres de granulométrie variable. On distingue des sables, des micro-conglomérats et des silts.


Le lac Général Carreras-Buenos Aires est un lac d'origine glaciaire situé en Patagonie, à cheval sur le Chili est l'Argentine. Il s'agit d'un des plus grands lacs d'Amérique du Sud (160 km de long pour une largeur maximale de 20 km). Ce lac, creusé par les glaciers quaternaires, a un peu la signification d'un fjord (fjords d'ailleurs très présents sur le versant pacifique des Andes de Patagonie). Au cours des deux ou trois dernières phases glaciaires et interglaciaires, son niveau a considérablement varié. La dépression qu'il remplit pouvait n'être qu'un simple lac comme maintenant, être comblée par un glacier qui la creusait comme lors du dernier maximum glaciaire, avec tous les intermédiaires possibles (amont englacé, aval libre de glace, par exemple). Ces phases en glace, lacustres ou “mixtes” alternaient au gré des variations climatiques. Pendant les stades lacustres (interglaciaires) le niveau du lac était variable dans l'espace et dans le temps, niveau dépendant (1) de la pluviométrie et de la fonte des neiges, (2) de l'érosion qui érodait plus ou moins les moraines barrant la vallée, (3) du remplissage alluvial du lac par les rivières et torrents s'y jetant, et (4) de la tectonique (très active dans cette région des Andes) qui pouvait entrainer d'importants mouvements verticaux. D'autres mouvements verticaux pouvaient être générés par des réajustements isostatiques, en particulier des relèvements lors des épisodes de déglaciation (rebond post-glaciaire). La “paléogéographie” locale, les conditions de sédimentation ou d'érosion… étaient donc très variables le long des 160 km de longueur du lac et durant les derniers cycles glaciaires et interglaciaires.

Le but de cette “image de la semaine” n'est pas de retracer l'histoire des glaciations patagonnes (le lecteur intéressé pourra, par exemple, se référer aux articles suivants disponibles sur le web : Patagonian Ice Sheet at the LGM, Glaciolacustrine Landforms in Patagonia, Chile et Evolution of Glacial Lake Cochrane During the Last Glacial Termination, Central Chilean Patagonia (~47°S)) mais seulement de montrer des “images” de sédiments, de deltas et de terrasses alluviales, de reconstituer des “micro-paysages” (à l'échelle de la dizaines ou de centaines de mètres)… Après le dropstone des figures 1 à 3, nous verrons des ripple-marks, des convolutes, des injections clastiques, des deltas actuels et anciens, et même un glacier se terminant dans un petits lac actuel avec mini-icebergs, analogie miniature du lac Général Carreras-Buenos Aires pendant le Quaternaire.


Détail sur les ripple-marks de la gauche de la figure précédente

Figure 5. Détail sur les ripple-marks de la gauche de la figure précédente

Les ripple-marks supérieurs (numérotés “2” sur la photo) sont dissymétriques avec un flanc raide et un flanc en pente douce. Ils ont été causés par un courant allant de droite à gauche. Les ripple-marks inférieurs (numérotés “1” sur la photo) sont symétriques. Ils n'ont pas été causés par un courant mais par des vagues (des vaguelettes vue l'échelle) qu'on peut assimiler à du clapot. La longueur d'onde de telles rides de vagues étant du même ordre de grandeur que l'épaisseur de la tranche d'eau agitée d'oscillations, ces ripple-marks inférieurs ont donc été engendrés au fond d'un “lac” d'une dizaine de centimètres de profondeur, sans doute très près du bord. Le dropstone des figures précédentes se trouve “stratigraphiquement” au niveau de la flèche blanche, entre les ripple-marks “1” et “2”. Le dropstone n'a donc pas été relâché par un iceberg volumineux. Il pouvait s'agir d'une plaque de glace, glace fabriquée pendant l'hiver par le gel de la surface du lac. Un caillou de quelques centimètres de dimensions serait tombé de la rive et aurait glissé de quelques mètres sur la glace recouvrant le lac. Au printemps, la croute de glace se serait fracturée, aurait dérivé, et aurait lâché son cailloux un peu plus loin lors de sa fonte.



Les sédiments meubles gorgés d'eau sont souvent affectés de phénomènes de “fluidisation”. Il y a fluidisation plus ou moins totale de sédiments quand une surpression temporaire et locale des fluides interstitiels désolidarise le sédiment et fait baisser sa cohérence. Le phénomène des sables mouvants s'apparente à ces phénomènes. Cette fluidisation peut générer des structures nommées convolutes (convolute bedding), qui consistent en un plissement souple des lamines d'une formation sédimentaire, souvent des sables fins et des silts. Divers phénomènes peuvent générer cette liquéfaction : courants d'eau agissant à l'interface eau-sédiment, surcharge sédimentaire locale, compaction par émersion, chocs, séismes… Les sédiments fluidisés peuvent non seulement se “plisser”, mais aussi s'injecter dans des sédiments sus-jacents. Cela forme des mini-sills ou mini-dykes argilo-sableux ; on parle d'injection clastique.

La même formation argilo-sableuse que celle des figures 1 à 6 montre de beaux exemples de convolutes et d'injections clastiques, ce qui n'est pas étonnant dans ces sédiments argilo-sableux situés dans une zone sismique.

Convolutes dans des sédiments fluvio-glaciaires, à une dizaine de mètres à gauche de l'affleurement du dropstone et des ripple-marks, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 7. Convolutes dans des sédiments fluvio-glaciaires, à une dizaine de mètres à gauche de l'affleurement du dropstone et des ripple-marks, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

L'impression de plissement peut être renforcée et exagérée par l'intersection entre la topographie de ce bord de route et les lamines ayant un fort pendage.


Gros plan sur des convolutes dans des sédiments fluvio-glaciaires, à une dizaine de mètres à gauche de l'affleurement du dropstone et des ripple-marks, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 8. Gros plan sur des convolutes dans des sédiments fluvio-glaciaires, à une dizaine de mètres à gauche de l'affleurement du dropstone et des ripple-marks, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

L'impression de plissement peut être renforcée et exagérée par l'intersection entre la topographie de ce bord de route et les lamines ayant un fort pendage.



Zooms sur deux “injections” de siltites remontant dans une couche de sable, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 10. Zooms sur deux “injections” de siltites remontant dans une couche de sable, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

On ne voit pas de recoupement mais seulement une déformation souple et serrée dans l'injection de gauche. On voit, par contre, un recoupement très net au niveau de l'injection de droite qui forme une micro-intrusion silteuse.


Allure générale du bord de la piste où ont été prises toutes les photographies précédentes, Patagonie chilienne

Figure 11. Allure générale du bord de la piste où ont été prises toutes les photographies précédentes, Patagonie chilienne

On est à mi-pente d'un versant constitué d'une centaine de mètres d'épaisseur de sédiments de ce type. On devine un tout petit morceau du lac Général Carreras-Buenos Aires au fond à gauche de la vallée. Toutes les photos des figures 1 à 11 ont été prises au niveau de ce qu'on peut appeler le site 1 (punaise verte dans les cartes et les images Google Earth des figures suivantes).


Vue aérienne localisant l'affleurement des figures 1 à 11 (site 1, punaise verte), bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 12. Vue aérienne localisant l'affleurement des figures 1 à 11 (site 1, punaise verte), bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

On est situé en haut d'un ancien delta/terrasse alluviale maintenant “perché” une cinquantaine de mètre au-dessus du lit d'un torrent actuel qui l'entaille. Cet ancien delta/terrasse date d'une époque où le niveau du lac était au moins 100 m plus haut que le niveau du lac actuel. Le torrent actuel est d'ailleurs en train de constituer un nouveau delta sur la gauche.


Vue aérienne élargie localisant l'affleurement des figures 1 à 11 (site 1, punaise verte), bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 13. Vue aérienne élargie localisant l'affleurement des figures 1 à 11 (site 1, punaise verte), bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

On est situé en haut d'un ancien delta/terrasse alluviale maintenant “perché” une cinquantaine de mètre au-dessus du lit d'un torrent actuel qui l'entaille. Cet ancien delta/terrasse date d'une époque où le niveau du lac était au moins 100 m plus haut que le niveau du lac actuel. Le torrent actuel est d'ailleurs en train de constituer un nouveau delta sur la gauche.



Vue générale du lac Général Carrera-Buenos Aires, au niveau du versant oriental de la Cordillère des Andes de Patagonie

Figure 15. Vue générale du lac Général Carrera-Buenos Aires, au niveau du versant oriental de la Cordillère des Andes de Patagonie

Ce lac a été creusé par les glaciers quaternaires, particulièrement important il y a 20 000 ans au niveau du massif montagneux qui s'appelle maintenant le Champ de glace Nord de Patagonie, qui culmine à 4 058 m et qui est encore très englacé. Les vallées creusées par ces anciens glaciers forment des lacs allongés à l'Est, et des fjords à l'Ouest. Au moins un glacier de ce Champ Nord atteint encore la mer (cf. Le front du glacier de San Rafael, Patagonie chilienne). Des photos aériennes du Champ de glace Nord de Patagonie sont visibles dans Survoler les champs de glace de Patagonie et leurs environs). Le site 1 (toutes les photos précédentes) est localisé par la punaise verte. Les sites 2, 3 et 4, objets des photos suivantes, sont localisés respectivement par les punaises rouge, jaune et orange.

Localisation par fichier kmz des sites 1, 2 et 3 à sédiments glacio-lacustres en bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne).


Les sites 2 et 3 (figures 18 à 21) correspondent à des dispositifs morphologiques identiques au site 1 : un ancien delta maintenant perché, recoupé/surcreusé par un torrent actuel qui est en train de construire un nouveau delta en contrebas, au niveau actuel du lac Général Carrera-Buenos Aires.

Vue du site 2 (situé sur la rive droite du lac) depuis la rive gauche du lac Général Carrera-Buenos Aires (Argentine - Chili)

Figure 18. Vue du site 2 (situé sur la rive droite du lac) depuis la rive gauche du lac Général Carrera-Buenos Aires (Argentine - Chili)

La surface horizontale et plane constituant la rive droite du lac Général Carrera-Buenos Aires correspond à une terrasse/delta “perchée” 130 m au-dessus de l'actuel niveau du lac. Cette ancienne surface d'un ancien delta (qu'on appellera delta n°2) maintenant perché est recoupée/entaillée par la vallée d'un torrent actuel en train de bâtir un nouveau delta (delta n°3) en contrebas bien visible à gauche de la photo. Une autre plaine, encore plus élevée, est visible à l'arrière du delta n°2 qu'elle domine : sans doute un delta n°1.


Vue aérienne des deltas emboités de la photo précédente (site 2)

Figure 19. Vue aérienne des deltas emboités de la photo précédente (site 2)

Les trois surfaces planes, sommets des trois deltas emboités sont légendées 1, 2 et 3.


Vue aérienne du site 3, autre système de deltas emboités, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Figure 20. Vue aérienne du site 3, autre système de deltas emboités, bordure du lac Général Carrera-Buenos Aires (Patagonie chilienne)

Un ancien delta dominant maintenant le lac de 120 m est recoupé/entaillé par un torrent en train de faire son delta moderne au niveau du lac.

Les trois photos suivantes ont été prises depuis le point signalé par la punaise jaune (site 3).


Mosaïque de trois photos prises depuis le bord de l'ancien delta perché du site 3 (punaise jaune sur la photo précédente), vue sur le delta en cours de construction

Figure 21. Mosaïque de trois photos prises depuis le bord de l'ancien delta perché du site 3 (punaise jaune sur la photo précédente), vue sur le delta en cours de construction

Le glacier qui a creusé la dépression correspondant au lac actuel venait des montagnes enneigées qu'on voit à l'arrière-plan à gauche, le Champ de glace Nord de Patagonie. Les deux photos suivantes correspondent à des zooms sur les glaciers encore présents actuellement sur ces montagnes.


Zoom (pris depuis le même point que la figure 21) sur des glaciers de l'Est du Champ de glace Nord de Patagonie

Figure 22. Zoom (pris depuis le même point que la figure 21) sur des glaciers de l'Est du Champ de glace Nord de Patagonie

Tous ces sommets englacés ont une altitude de 3 500 à 4 000 m.


Zoom (pris depuis le même point que la figure 21) sur des glaciers de l'Est du Champ de glace Nord de Patagonie

Figure 23. Zoom (pris depuis le même point que la figure 21) sur des glaciers de l'Est du Champ de glace Nord de Patagonie

Tous ces sommets englacés ont une altitude de 3 500 à 4 000 m.


Vue aérienne d'un “petit” glacier et d'un “petit” lac en bordure du Champ de glace Nord de Patagonie

Figure 24. Vue aérienne d'un “petit” glacier et d'un “petit” lac en bordure du Champ de glace Nord de Patagonie

Ce système reproduit en modèle réduit (ce glacier ne mesure “que” 27 km de long) ce à quoi pouvait ressembler, lors du début de la dernière déglaciation, le très grand glacier ayant creusé la dépression maintenant occupée par le lac Général Carrera-Buenos Aires (il y a 200 km entre la crête du Champ de glace Nord de Patagonie et les moraines terminales qu'on trouve à l'extrémité du lac). Des petits icebergs flottent ici et là. Au centre du petit lac, on voit une zone de bancs de sable-boue-gravier amenés là par des torrents. La zone où se sont déposés les sédiments des photos 1 à 10 devait ressembler (en grand) à ces petits bancs de sables.

Localisation par fichier kmz de ce “petit” lac glaciaire chilien.