Image de la semaine | 05/12/2022
Sédiments et paysages glacio-lacustres dans la région du lac Général Carrera-Buenos Aires, Patagonie (Chili et Argentine)
05/12/2022
Résumé
Dropstone (bloc de délestage), rides de courant et de clapotis (ripple-marks asymétriques et symétriques), et convolutes dans un environnement glacio-lacustre.
Le lac Général Carreras-Buenos Aires est un lac d'origine glaciaire situé en Patagonie, à cheval sur le Chili est l'Argentine. Il s'agit d'un des plus grands lacs d'Amérique du Sud (160 km de long pour une largeur maximale de 20 km). Ce lac, creusé par les glaciers quaternaires, a un peu la signification d'un fjord (fjords d'ailleurs très présents sur le versant pacifique des Andes de Patagonie). Au cours des deux ou trois dernières phases glaciaires et interglaciaires, son niveau a considérablement varié. La dépression qu'il remplit pouvait n'être qu'un simple lac comme maintenant, être comblée par un glacier qui la creusait comme lors du dernier maximum glaciaire, avec tous les intermédiaires possibles (amont englacé, aval libre de glace, par exemple). Ces phases en glace, lacustres ou “mixtes” alternaient au gré des variations climatiques. Pendant les stades lacustres (interglaciaires) le niveau du lac était variable dans l'espace et dans le temps, niveau dépendant (1) de la pluviométrie et de la fonte des neiges, (2) de l'érosion qui érodait plus ou moins les moraines barrant la vallée, (3) du remplissage alluvial du lac par les rivières et torrents s'y jetant, et (4) de la tectonique (très active dans cette région des Andes) qui pouvait entrainer d'importants mouvements verticaux. D'autres mouvements verticaux pouvaient être générés par des réajustements isostatiques, en particulier des relèvements lors des épisodes de déglaciation (rebond post-glaciaire). La “paléogéographie” locale, les conditions de sédimentation ou d'érosion… étaient donc très variables le long des 160 km de longueur du lac et durant les derniers cycles glaciaires et interglaciaires.
Le but de cette “image de la semaine” n'est pas de retracer l'histoire des glaciations patagonnes (le lecteur intéressé pourra, par exemple, se référer aux articles suivants disponibles sur le web : Patagonian Ice Sheet at the LGM, Glaciolacustrine Landforms in Patagonia, Chile et Evolution of Glacial Lake Cochrane During the Last Glacial Termination, Central Chilean Patagonia (~47°S)) mais seulement de montrer des “images” de sédiments, de deltas et de terrasses alluviales, de reconstituer des “micro-paysages” (à l'échelle de la dizaines ou de centaines de mètres)… Après le dropstone des figures 1 à 3, nous verrons des ripple-marks, des convolutes, des injections clastiques, des deltas actuels et anciens, et même un glacier se terminant dans un petits lac actuel avec mini-icebergs, analogie miniature du lac Général Carreras-Buenos Aires pendant le Quaternaire.
Les sédiments meubles gorgés d'eau sont souvent affectés de phénomènes de “fluidisation”. Il y a fluidisation plus ou moins totale de sédiments quand une surpression temporaire et locale des fluides interstitiels désolidarise le sédiment et fait baisser sa cohérence. Le phénomène des sables mouvants s'apparente à ces phénomènes. Cette fluidisation peut générer des structures nommées convolutes (convolute bedding), qui consistent en un plissement souple des lamines d'une formation sédimentaire, souvent des sables fins et des silts. Divers phénomènes peuvent générer cette liquéfaction : courants d'eau agissant à l'interface eau-sédiment, surcharge sédimentaire locale, compaction par émersion, chocs, séismes… Les sédiments fluidisés peuvent non seulement se “plisser”, mais aussi s'injecter dans des sédiments sus-jacents. Cela forme des mini-sills ou mini-dykes argilo-sableux ; on parle d'injection clastique.
La même formation argilo-sableuse que celle des figures 1 à 6 montre de beaux exemples de convolutes et d'injections clastiques, ce qui n'est pas étonnant dans ces sédiments argilo-sableux situés dans une zone sismique.
Source - © 2022 D’après Y. Lagabrielle et al., 2007 et J. Bendle, 2020 |
Les sites 2 et 3 (figures 18 à 21) correspondent à des dispositifs morphologiques identiques au site 1 : un ancien delta maintenant perché, recoupé/surcreusé par un torrent actuel qui est en train de construire un nouveau delta en contrebas, au niveau actuel du lac Général Carrera-Buenos Aires.