Image de la semaine | 15/03/2021
Boudins et plis dans l'Himalaya, dôme du Tso Marori, Ladakh
15/03/2021
Résumé
Boudinage et plissement en contexte de collision.
Le Ladakh indien se trouve au Nord-Ouest de la chaine de l'Himalaya, chaine souvent présentée comme l'exemple typique des chaines de collisions. Au Sud de la suture ophiolitique qui marque la limite entre le craton indien et les nombreux “blocs” asiatiques (suture dite de l'Indus dans l'Ouest, de la chaine, du Tsang Po à l'Est), l'Himalaya est constitué d'un empilement de nappes de charriage chevauchant vers le Sud. Au Nord de cette suture se trouve le très complexe plateau du Tibet (cf. Le plateau du Tibet : caractéristiques, origine et évolution). Dans la chaine himalayenne sensu stricto, on trouve de très nombreux objets tectono-métamorpho-magmatiques. Planet-Terre a déjà des plis (cf. Plis dans une zone de convergence (chaîne de collision) : la vallée de Sarchu dans l'Himalaya, Ladakh (Inde)), des failles normales (cf. Failles normales et extension dans une zone de convergence (chaîne de collision) : exemple au Ladakh (Inde), Himalaya)... Nous vous montrons cette semaine d'autres objets tectoniques, à savoir des boudins. Toutes les photographies de cette semaine proviennent du dôme du Tso Morari, un des éléments des nappes Nord-himalayennes. Ces photographies ont été prises lors d'une excursion organisée en 2010 par le CBGA sous la direction de Raymond Cirio, Jean-Luc Epard et Arnaud Pêcher. Une partie du livret guide édité à cette occasion a été repris pour une excursion en 2019 et est disponible sur le web. Ce secteur Nord-himalayen a subi une histoire tectono-métamorphique très complexe qu'il n'y a pas lieu de détailler ici. Le Tso Morari est constitué majoritairement de gneiss, contenant des niveaux d'amphibolites, souvent sous forme de boudins. Ces gneiss sont des orthogneiss, provenant de granites du Protérozoïque supérieur / Paléozoïque inférieur, poly-métamorphisés depuis 70 Ma. Les amphibolites dérivent sans-doutes d'anciens filons ou sills basiques (datant de l'ouverture de la marge Nord-indienne ?), transformés en éclogites il y a 55 Ma, rétromorphosés en amphibolites il y a 45 Ma et parfois en schistes verts il y a 30 Ma. Ce fragment de la croute continentale indienne a donc subi une subduction au moins jusqu'à 70-80 km (2,5 GPa) puisque des reliques de coésite y ont été découvertes [A.K. Jain et S. Singh,2009, Geology and Tectonics of the Southeastern Ladakh and Karakoram. Geol Soc. of India, Bangalore]. Puis cette croute continentale éclogitisée a été exhumée.
En plus des “gros boudins” affleurant dans le versant de la montagne, de très nombreuses figures de boudinage de petite taille sont visibles en bord de route.
En parcourant les rares routes qui traversent le dôme du Tso Morari, on voit ici ou là des boudins sombres agrémentant les flancs des montagnes faites majoritairement de gneiss clairs.
Le phénomène de boudinage est classiquement associé à un étirement important, étirement affectant des niveaux de compétences différentes. Quand, sur le terrain, je montre des boudins à des étudiants (ou à des enseignants en stage) dans les Alpes, les Pyrénées ou la chaine hercynienne (chaines résultant d'une convergence), j'ai souvent la réaction suivante : « comment peut-on avoir du boudinage, résultant d'une élongation, dans une chaine résultant d'une collision ? ». Peut-être certains d'entre vous se sont-ils posé cette question la semaine dernière (cf. Fentes de tension et boudinage dans la vallée de la Durance (Hautes-Alpes)) en découvrant des boudins dans les Alpes. D'une façon très générale, il faut bien savoir que les déformations se font à volume constant, et que s'il y a raccourcissement dans une direction, il y a forcément élongation dans une autre. Plus concrètement, nous vous montrons 2 exemples où il peut y avoir élongation dans un contexte de raccourcissement. Et parce que la plus visible (la plus récente) des déformations du Tso Morari est une extension ductile, nous vous montrons comment une telle extension peut aussi faire des plis.