Image de la semaine | 05/10/2020
La grotte de Foissac (Aveyron) : vestiges d'une occupation néolithique et belles concrétions
05/10/2020
Résumé
Occupation humaine (squelettes, traces, charbon, poteries) d'une grotte montrant de rares concrétions creuses au plafond de certaines salles.
Sur les Causses calcaires du Sud-Ouest du Massif Central, de la Dordogne à l'Aveyron, en plus des hauts lieux touristiques que sont par exemple les grottes de Lascaux ou le gouffre de Padirac, on trouve d'autres sites tout aussi intéressants montrant des traces d'occupations préhistoriques et/ou des concrétions karstiques. La grotte de Foissac, une grotte aveyronnaise ouverte aux touristes depuis 1973, est l'une de ces cavernes mixtes (préhistoire + concrétions) qui mérite largement une visite. La grotte se situe dans des calcaires du Bajocien et du Bathonien (Jurassique moyen, 170 Ma). Une entrée naturelle très étroite fut trouvée en 1959 par des spéléologues, et les découvertes et explorations des galeries eurent lieu en 1965. On s'est vite rendu compte que ces galeries avaient été occupées par les Hommes au Néolithique. On s'est alors aperçu que la grotte possédait en ces temps une “vaste” entrée naturelle, mais que celle-ci s'était éboulée il y a environ 5000 ans, interdisant presque complètement l'accès et “figeant” l'état de cette grotte. Il y a 5000 ans (3000 ans avant notre ère), ce sont les débuts de l'époque de Sumer et de la première dynastie égyptienne. Au Moyen-Orient, on inventait l'écriture ; en Europe de l'Ouest, c'était l'époque des mégalithes comme ceux de Stonehenge.
L'accès actuel se fait par une entrée artificielle, située à 250 m au Sud-Ouest de l'ancienne entrée naturelle. Le début de la visite vaut pour ses concrétions, parfois remarquables. Plus on s'approche de l'ancienne entrée naturelle, plus les traces de l'occupation préhistorique deviennent nombreuses et visibles. Ce qui est montré le long des 400 m du parcours aménagé, outre les concrétions naturelles, ce sont des ossements animaux et humains, et des traces d'activité du Néolithique, et plus précisément du Chalcolithique (Âge du Cuivre, environ −5000 BP). Les ossements animaux comprennent aussi bien des ossements d'animaux sauvages chassés que d'animaux domestiques, preuve que ce site date bien du Néolithique. Tout cela est daté aussi bien par le 14C que par le style des poteries et que par la présence de perles de cuivre. Cette époque est plus connue pour ses mégalithes que pour son occupation des cavernes, ce qui fait beaucoup de l'intérêt de Foissac. En 2006, des gravures et des peintures beaucoup plus vieilles (du Paléolithique supérieur, gravettiennes ou magdaléniennes) furent découvertes dans une partie du réseau non ouverte au public. En 2016, une petite statuette paléolithique (≈ −20 000 ans), sculptée dans un os de bison (et les bisons avaient disparu d'Europe de l'Ouest au Chalcolithique), fut découverte par Sébastien du Fayet de la Tour, le gestionnaire du site. Elle est maintenant exposée dans une vitrine à l'intérieur de la grotte.
Cette grotte a donc été le siège de plusieurs phases d'occupation préhistorique. Lors de sa dernière occupation, au Chalcolithique, cette caverne eu plusieurs usages tout au long de ses galeries : cimetière, garde-manger et surtout “carrière” d'argile. Nous allons vous montrer successivement (1) des squelettes et des ossements, (2) des restes de foyers, de poteries et de meules, (3) des traces d'activités marquées dans l'argile, (4) la statuette paléolithique et, enfin, (5) la partie “karstique” de cette grotte.
Les galeries de la grotte de Foissac ont été localement remplies d'argile avant l'occupation humaine, argile déposée par la rivière souterraine dans les endroits où le courant était plus lent (zone d'élargissement, amont d'étranglement…). Il semble que l'exploitation de cette argile était l'usage principal de la grotte de Foissac pour les hommes du Néolithique. On peut estimer à 500 m3 (1250 tonnes) la quantité d'argile extraite entre le début du Néolithique et l'effondrement de l'entrée. Outre la fabrication de poteries, cette argile aurait surtout servi à faire du torchis destiné à étanchéifier les murs et cloisons de bois des cabanes et des huttes.
En circulant dans les parties profondes de la grotte, notamment pour aller y chercher de l'argile, des adultes et surtout des enfants ont laissé des traces de pas dans l'argile du sol, ou des traces de doigts sur les parois argileuses.
L'entrée naturelle de la grotte avant l'éboulement d'il y a 5000 ans était située près d'une petite falaise marquant la limite entre les marnes du Lias (Toarcien) et les calcaires du Jurassique moyen (Bajocien). C'est au niveau de cette petite falaise, à la limite calcaire/marne qu'un petit ruisseau “se perd” : les pertes de la Jonquière. Les éboulements font qu'il est impossible de pénétrer le réseau souterrain plus d'une vingtaine de mètres en suivant l'eau du ruisseau. L'extrémité de l'éboulement (photographies précédentes) se trouve à 100-150 m de là au sein des calcaires. Outre ses richesses “humaines”, les galeries de Foissac montrent de très belles concrétions : stalactites, fistuleuses, stalagmites, colonnes… ainsi qu'une rareté : des sphères creuses très rarement visibles dans les grottes ouvertes à la visite.
La grotte de Foissac est un des huit sites archéologiques et paléontologiques du Quercy regroupés en un réseau : le réseau des paléonautes. Ce réseau regroupe aussi le Musée de l'Homme de Néandertal (cf. L'Homme de la Chapelle-aux-Saints (Corrèze) : la première preuve d'inhumation chez les Néandertaliens) et la phosphatière du Cloup d'Aural (cf. image de la semaine prochaine).
Merci à Alain Du Fayet de La Tour de m'avoir organisé une visite “augmentée” de la grotte de Foissac.