Image de la semaine | 28/09/2020
Les komatiites, des laves ultrabasiques archéennes, témoins d'une Terre interne très chaude
28/09/2020
Résumé
Les komatiites, des laves témoignant d'un manteau plus chaud et de très forts taux de fusion à l'Archéen, et présentant la structure cristalline caractéristique dite spinifex.
Source - © 2008 Pierre Thomas — Damien Mollex / ENS de Lyon
Les komatiites (du nom d'une rivière Sud-africaine, la Komati River) sont des laves assez rares, car quasi-exclusives de l'Archéen (cf. figure 28, à la fin). En France, on n'en trouve qu'en Guyane et elles sont absentes de la France métropolitaine. En Europe, on n'en trouve qu'en Finlande. Elles forment des coulées en général minces, aussi bien aériennes que sous-marines. Leur température au point d'émission aurait été de 1400 à 1650°C. Leur viscosité à l'émission aurait été 10 à 100 fois inférieure à celle des basaltes actuels. Ces très vieilles coulées sont la plupart du temps interstratifiées dans d'épaisses séries sédimentaires. C'est dans ces séries sédimentaires archéennes qu'on trouve les BIF (Banded Iron Formation ou fers rubanés), les plus vieilles traces de vie… Les BIF présentés dans Les fers rubanés (Banded Iron Formation) de l'Archéen de Barberton, groupe de Fig Tree (-3,26 à -3,22 Ga), Afrique du Sud se trouvent d'ailleurs à quelques dizaines de kilomètres de ces komatiites. Ces séries sédimentaires archéennes forment souvent des “bassins” sédimentaires allongés entre des dômes de gneiss et de migmatites, également archéens. Comme ces séries sédimentaires et les roches volcaniques qu'elles contiennent forment des “bassins” allongés et qu'elles sont souvent (au moins faiblement) métamorphisées, leurs roches sont souvent de couleurs verdâtres car elle contiennent de la chlorite, des amphiboles vertes… C'est pour cela qu'on nomme ces séries des « ceintures vertes archéennes » (greenstone belts en anglais).
Minéralogiquement, les komatiites se caractérisent par une très grande richesse en olivine et pyroxène. Chimiquement, elles sont pauvres en SiO2 (< 45 %) et très riches en MgO (> 20 %). Une telle composition est obtenue expérimentalement par une fusion partielle du manteau de 35 à 60 %, contre 5 à 20 % pour les basaltes phanérozoïques. Un tel pourcentage de fusion indique un manteau archéen ayant une température supérieure de 300 à 400°C par rapport au manteau actuel. On trouve ces komatiites dans différents contextes géologiques archéens, souvent bien différents des contextes géodynamiques phanérozoïques, mais qu'on essaie de comparer aux contextes actuels (paléo-rifts, paléo-bassins marginaux, paléo-points chaud ou provinces magmatiques géantes…).
Ce qui rend les komatiites faciles à reconnaitre à l'œil nu, c'est leur structure macroscopique. Cette structure se caractérise par des olivines et/ou des pyroxènes géants, en aiguilles et/ou en lames pluricentimétriques pouvant atteindre jusqu'à 1 m de longueur. Cette structure est nommée structure spinifex, par analogie avec une plante épineuse australienne éponyme. L'origine de cette structure est mal comprise : elle ferait intervenir, entre autres, une cristallisation rapide d'un liquide ultrabasique en état de surfusion, et sans doute aussi la grande différence de température entre le solidus et le liquidus d'un magma komatiitique…
Le but de cette “image de la semaine“ n'est pas de faire un cours sur les komatiites, ni de résumer (plus en détail que les quelques lignes ci-dessus) les nombreux articles et chapitres d'ouvrages (cf. les quelques références en fin d'article). Il s'agit simplement de vous montrer à quoi ressemble cette roche, majeure dans les premiers temps de la Terre, mais que bien peu d'entre-nous ont eu (ou auront) la chance de voir et de toucher sur le terrain. Toutes les photographies de terrain présentées ici ont été prises dans la “ceinture verte” (Green Belt) de Barberton, dans le craton de Kapvaal en Afrique du Sud où des coulées de komatiites et de tholéiites (âgées de 3,5 à 3,2 Ga) sont interstratifiées dans des sédiments archéens.
Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Source - © 2017 Damien Mollex / ENS de Lyon | |
Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon | Source - © 2014 Damien Mollex / ENS de Lyon |
Pour aller plus loin voici quelques références disponibles sur le web.
J. Dostal, 2008. Komatiites, Geoscience Canada, 35, 1, 21-31 [pdf]
C. Robin, 2011. Pétrogenèse des komatiites de Barberton (Afrique du Sud), thèse de doctorat, Université de Grenoble, 333p
P.A. Sossi, S.M. Eggins, R.W. Nesbitt, O. Nebel, J.M. Hergt, I.H. Campbell, H.St.C. O'Neill, M. Van Kranendonk, D.R. Davies, 2016. Petrogenesis and Geochemistry of Archean Komatiites, Journal of Petrology, 57, 1, 147-184
Alex Strekeisen. page Komatiites, consultée le 21/09/2020
F. Faure, N. Arndt, G. Libourel, 2006. Formation of Spinifex Texture in Komatiites: an Experimental Study, Journal of Petrology, 47, 8, 1591-1610
R.A.F Cas, S.W. Beresford, 2001. Field Characteristics and erosional processes associated with komatiitic lavas: Implications for flow behavior, The Canadian Mineralogist 39, 2, 505-524
N. Arndt, C.M. Lesher, 2004. Komatiite, Encyclopedia of Geology., Elsevier, pp.260-268
Toutes les photographies et récoltes d'échantillons (ramassés dans des éboulis sans détériorer les affleurements naturels) ont été faites en 2008 lors d'une excursion organisée par le CBGA et encadrée par Jean François Moyen (aujourd'hui à l'Université de Saint-Étienne).