Image de la semaine | 21/01/2019
Les ophiolites en 180 photos – 3/7 Le cortège filonien
21/01/2019
Résumé
Le cortège filonien ophiolitique : structure des filons, dualité basique (dolérite) / acide (plagiogranite), contemporanéité des magmas basiques et acides, hydrothermalisme localisé.
Avant-propos
Le but de cette série de sept “images de la semaine“ n'est pas d'expliquer la genèse de la lithosphère océanique, ni la mise en place des ophiolites sur les continents, ni la géologie précise des ophiolites prises en exemple, mais simplement d'être un album d'environ 180 photos (un clin d'œil au concours Ma thèse en 180 secondes), une banque de données photographiques que chacun pourra utiliser pour illustrer/démontrer ses propos. Ces images montreront divers aspects de divers cortèges ophiolitiques, ophiolites “complètes” car issues de dorsales rapides, ou beaucoup plus “réduites” car issues de dorsales lentes. Il s'agira uniquement de photos prises sur le terrain, sans photo de lame mince, sans diagramme, sans analyse chimique… On se limitera à ce qui découle de l'histoire océanique de l'ophiolite, sans aborder ce qui est lié aux phénomènes de subduction/obduction/collision. Cet album photo comporte sept semaines/chapitres : (1) le manteau, (2) les gabbros, (3) le cortège filonien, (4) les basaltes en coussins (pillow lavas), les coulées et les sédiments, (5) le Moho, (6) l'extension spatiale et temporelle du magmatisme, et (7) l'hydrothermalisme. Un schéma des deux types d'ophiolites sera placé à la fin de chaque article, pour que chacun puisse (1) situer les divers objets photographiés dans le(s) modèle(s), et (2) comparer réalité naturelle et modèles. Le choix des photos est forcément subjectif, intersection entre ce que je connais personnellement et ce que je pense utile à tout un chacun selon ses besoins, pour que les ophiolites ne soient pas réduites ou à un (des) modèle(s) théorique(s) ou au seul Chenaillet pour les plus chanceux qui peuvent y aller.
Sauf pour les ophiolites “françaises” (les Alpes et la Désirade en Guadeloupe), toutes les photographies de ces articles ont été prises lors d'excursions géologiques organisées par le Centre briançonnais de géologie alpine (CBGA) et encadrées par Romain Bousquet (Université de Kiel) pour Chypre, par Jean Pierre Bouillin (Université de Grenoble) pour l'ile d'Elbe, par Emmanuel Ball (Université de Montpellier) ou Aymond Baud (Université de Lausanne) pour l'Oman, et par Thierry Juteau (Université de Brest) pour la Turquie. Sans eux, je n'aurais jamais pu prendre ni commenter ces 180 photographies.
Les filons les plus épais et/ou les moins altérés sont mis en relief par l'érosion.
Les filons les plus épais et/ou les moins altérés sont mis en relief par l'érosion. | Les filons les plus épais et/ou les moins altérés sont mis en relief par l'érosion. |
Au-dessus de la couche de gabbros des fonds océaniques (et des ophiolites) issus de dorsales rapides, on trouve toujours le « complexe filonien ». Il s'agit de multiples filons basiques jointifs, chaque nouveau filon s'introduisant entre deux filons précédents à cause de l'écartement de la dorsale. Du magma basaltique remonte par la fissure en venant de la chambre magmatique et alimente les coulées et les pillow lavas superficiels. Ce magma basique, s'il donne du basalte avec verre et microlithes en surface donne une roche entièrement cristallisée en profondeur mais formé uniquement de tout petits cristaux, car un filon étroit s'insinuant dans des roches déjà (partiellement) froides refroidit bien plus vite que le gabbro de la chambre. Ces roches intermédiaires entre basalte et gabbro sont appelées dolérites, et éventuellement diabases si cette dolérite est légèrement hydrothermalisée.
On voit que l'affleurement est entièrement constitué de filons jointifs. Avant la tectonique des plaques, ce type d'affleurement posait problème. Un filon est constitué d'une roche magmatique intrusive dans un encaissant (voir par exemple Dykes au pied de la Meseta del Lago Buenos Aires en Patagonie argentine). Et là, il n'y a pas d'encaissant, mais seulement des filons. Les géologues d'avant les années 1970 se demandaient dans quoi étaient rentrés ces filons. | |
Figure 5. Bord de route chypriote présentant une coupe fraiche dans le cortège filonien ophiolitique On voit que l'affleurement est entièrement constitué de filons jointifs. Avant la tectonique des plaques, ce type d'affleurement posait problème. Un filon est constitué d'une roche magmatique intrusive dans un encaissant (voir par exemple Dykes au pied de la Meseta del Lago Buenos Aires en Patagonie argentine). Et là, il n'y a pas d'encaissant, mais seulement des filons. Les géologues d'avant les années 1970 se demandaient dans quoi étaient rentrés ces filons. | Figure 6. Bord de route chypriote présentant une coupe fraiche dans le cortège filonien ophiolitique On voit que l'affleurement est entièrement constitué de filons jointifs. Avant la tectonique des plaques, ce type d'affleurement posait problème. Un filon est constitué d'une roche magmatique intrusive dans un encaissant (voir par exemple Dykes au pied de la Meseta del Lago Buenos Aires en Patagonie argentine). Et là, il n'y a pas d'encaissant, mais seulement des filons. Les géologues d'avant les années 1970 se demandaient dans quoi étaient rentrés ces filons. |
Le contact passe au niveau du couteau. Le filon de droite est plus clair que le filon de gauche, et ses cristaux sont plus gros. Les photos de détails montrent une variation de taille des cristaux dans le filon de gauche. Dans ce filon de gauche, de droite à gauche, on voit une bordure foncée verdâtre, sans cristaux visibles. C'est une bordure figée, le magma circulant à gauche se refroidissant brutalement au contact de la roche de droite déjà refroidie. En progressant vers la gauche, on voit une augmentation de la taille des cristaux (refroidissement de plus en plus lent). On peut donc faire sans problème la chronologie relative entre les deux compartiments : c'est le filon de gauche qui s'est insinué dans celui de droite déjà présent et refroidi. Une enclave à “gros” cristaux (de la taille de ceux de la roche de droite) incluse dans le filon de gauche confirme cette chronologie relative. | Le contact passe au niveau du couteau. Le filon de droite est plus clair que le filon de gauche, et ses cristaux sont plus gros. On observe une variation de taille des cristaux dans le filon de gauche. Dans ce filon de gauche, de droite à gauche, on voit une bordure foncée verdâtre, sans cristaux visibles. C'est une bordure figée, le magma circulant à gauche se refroidissant brutalement au contact de la roche de droite déjà refroidie. En progressant vers la gauche, on voit une augmentation de la taille des cristaux (refroidissement de plus en plus lent). On peut donc faire sans problème la chronologie relative entre les deux compartiments : c'est le filon de gauche qui s'est insinué dans celui de droite déjà présent et refroidi. Une enclave à “gros” cristaux (de la taille de ceux de la roche de droite) incluse dans le filon de gauche confirme cette chronologie relative. |
Figure 9. Zoom sur le contact entre deux filons dans le cortège filonien ophiolitique, Chypre Le filon de droite est plus clair que le filon de gauche, et ses cristaux sont plus gros. Dans le filon de gauche, de droite à gauche, on voit une bordure foncée verdâtre, sans cristaux visibles. C'est une bordure figée, le magma circulant à gauche se refroidissant brutalement au contact de la roche de droite déjà refroidie. En progressant vers la gauche, on voit une augmentation de la taille des cristaux (refroidissement de plus en plus lent). On peut donc faire sans problème la chronologie relative entre les deux compartiments : c'est le filon de gauche qui s'est insinué dans celui de droite déjà présent et refroidi. Une enclave à “gros” cristaux (de la taille de ceux de la roche de droite) incluse dans le filon de gauche confirme cette chronologie relative. |
Figure 11. Filons particulièrement hydrothermalisés au sein du cortège filonien de l'ophiolite de Chypre Certains des filons servent de drains à la circulation hydrothermale et voient leur minéralogie changer (apparition de carbonates, de zéolites, d'épidote…), ce qui se traduit par un éclaircissement de la masse du filon et/ou l'apparition de couleurs variées. | |
Figure 12. Filons particulièrement hydrothermalisés au sein du cortège filonien de l'ophiolite de Chypre Certains des filons servent de drains à la circulation hydrothermale et voient leur minéralogie changer (apparition de carbonates, de zéolites, d'épidote…), ce qui se traduit par un éclaircissement de la masse du filon et/ou l'apparition de couleurs variées. | Figure 13. Filons particulièrement hydrothermalisés au sein du cortège filonien de l'ophiolite de Chypre Certains des filons servent de drains à la circulation hydrothermale et voient leur minéralogie changer (apparition de carbonates, de zéolites, d'épidote…), ce qui se traduit par un éclaircissement de la masse du filon et/ou l'apparition de couleurs variées. |
On observe des filons basiques sombres (dolérite / diabase) et des filons acides clairs (plagiogranite). | On observe des filons basiques sombres (dolérite / diabase) et des filons acides clairs (plagiogranite). |
Le petit filon de dolérite au centre montre de très belles bordures figées ; il est donc postérieur au plagiogranite. Ce plagiogranite contient des enclaves de dolérite ; il est donc postérieur à la dolérite. Cette double relation chronologique montre donc que filons de dolérite et de plagiogranite sont contemporains, s'interpénétrant les uns les autres. Cette contemporanéité (au moins locale) des filons acides et basiques doit être prise en compte dans la description précise de l'évolution magmatique des dorsales rapides. |
L'Oman, avec son climat et son couvert végétal désertiques permet de très bien admirer le cortège filonien, encore mieux qu'à Chypre, et dans des paysages “naturels“, comme l'atteste les quatre photographies suivantes.
La tectonique des dorsales est ici soulignée par la belle faille normale courbe qui recoupe les filons dans le centre gauche de l'image. |
Dans les ophiolites issues de dorsales lentes, comme les ophiolites des Alpes dont le justement célèbre Chenaillet, il n'y a pas de cortège filonien.