Image de la semaine | 15/05/2017
Les méta-conglomérats carbonifères près de Perosa Argentina, Massif de Dora Maira (massif cristallin interne des Alpes italiennes)
15/05/2017
Résumé
Méta-conglomérats : conglomérats hercyniens repris par l'orogenèse alpine.
Nous avons vu la semaine dernière les faciès du Carbonifère de la zone briançonnaise, Carbonifère qui constitue le "socle" de la très célèbre série mésozoïque du Briançonnais (cf. Le Briançonnais, peut-être la meilleure région de France pour découvrir les histoires sédimentaires et volcaniques tardives des chaines de collision (chaine hercynienne)). Ce Carbonifère, en particulier dans les environs de Briançon, est majoritairement constitué d'alternances gréso-conglomératiques. Dans le secteur de Briançon, ce Carbonifère n'a été que peu métamorphisé par les évènements alpins. La déformation qu'il a subit dans ce secteur lors de l'orogenèse alpine "se résume à" des charriages et à des plis, sans que ce Carbonifère ait subit de déformation pénétrative. Les fossiles (cf. figures 17 à 19 Le Briançonnais, peut-être la meilleure région de France pour découvrir les histoires sédimentaires et volcaniques tardives des chaines de collision (chaine hercynienne)), les galets des conglomérats… ont en général conservé leur forme initiale. Plus à l'Est, ce Briançonnais a été fortement enfoncé dans le prisme d'accrétion tectonique que sont les Alpes. Il a subi d'intenses déformations qui se sont faites à grande profondeur, à température et surtout pression élevées. La déformation est souvent pénétrative ; il se développe schistosité-foliation et/ou linéation ; la forme des objets figurés (galets…) a été modifiée. Le Massif Cristallin Interne de Dora Maira est classiquement interprété comme du socle briançonnais porté à grande profondeur puis exhumé par subduction et collision alpines. Certaines des unités de ce massif de Dora Maira ont même atteint une profondeur supérieure à 100 km (comme en témoigne les célèbres quartzites à pyrope et coésite) avant d'être ramenées en surface par la tectonique. Des conglomérats carbonifères semblables à ceux de la Combarine ont donc été déformés à fortes pression et température, pendant leur "descente" puis pendant leur "remontée". La résultante de toutes ces déformations pénétratives est facile à caractériser et à quantifier puisqu'on peut comparer la forme initiale des galets (dans le secteur de Briançon) à leur forme finale, dans le secteur de Perosa Argentina.
La déformation pénétrative d'un échantillon peut être (1) soit de type cisaillement pur, qu'on peut aussi appeler aplatissement-étirement, pure shear en anglais (cf. figures 2 à 4 de Plan d'aplatissement, plans de schistosité (plans S) et plans de cisaillement (plans C)), (2) soit de type cisaillement simple, simple shear en anglais (cf. figures 5 à 9 de Plan d'aplatissement, plans de schistosité (plans S) et plans de cisaillement (plans C)), (3) soit intermédiaire entre ces deux extrêmes. Dans tous ces cas, un objet va subir une déformation (à volume constant), qu'on peut caractériser par une direction d'allongement (appelée "axe x" par convention), par une direction de raccourcissement (appelée "z" par convention, et perpendiculaire à "x") et par une direction intermédiaire (appelée "y" par convention et perpendiculaire à "x" et"z"). La figure suivante montre les trois possibilités "extrêmes" d'allongement(s)/raccourcissement(s).
Pour quantifier la déformation des galets de Perosa Argentina, il faut les examiner non pas dans un plan unique comme dans les figures 1 à 11, mais dans les trois directions de l'espace, pour déterminer s'il s'agit plutôt d'un étirement-aplatissement pur sans composante rotationnelle, plutôt d'un cisaillement simple, ou d'un mélange de ces deux extrêmes. Sur le terrain, on ne voit aucun indice évident suggérant un cisaillement simple : pas de plan C-S, pas de forme sigmoïde manifeste… Il faut aussi regarder si la forme des méta-galets est plutôt celle d'une baguette (cas du haut dans la figure précédente), d'un ruban (cas du milieu) ou d'une galette carrée (cas du bas). L'examen dans les trois dimensions des galets déformés de Perosa Argentina montre que ces galets ont subi une déformation semblable à celle de la figure du haut : les galets, supposés initialement quasi-sphériques (ou cubiques) sont devenus des ellipsoïdes de révolution très allongés (des baguettes), avec un grand axe quatre fois plus long que les deux autres axes (qui sont égaux). On peut alors écrire que x2.l = 4.l/x, soit x = 3√4 ≈ 1,6. Nos galets ont donc été raccourcis d'un facteur 1,6 dans deux directions, et allongés d'un facteur 1,62 soit 2,56 dans la troisième direction. Un méta-galet avec actuellement des dimensions de 1 x 1 x 4 cm était donc, avant déformation, un galet d'environ 1,6 cm de côté.