Image de la semaine | 21/05/2012

La desquamation "en grand" des granites

21/05/2012

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Pierre Thomas
    ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Diaclases parallèles à la topographie et pelures de granites d'Afrique du Sud et de Californie.


Desquamation en grand à la surface d'un inselberg granitique, l'inselberg des Three Sisters, Afrique du Sud
Figure 1. Desquamation en grand à la surface d'un inselberg granitique, l'inselberg des Three Sisters, Afrique du Sud — ouvrir l’image en grand

Les arbres morts et le personnage à la droite de l'image donnent l'échelle. On voit très peu de diaclases dans ce granite, contrairement à ce qu'on a vu abondamment les semaines précédentes. Mais il existe des diaclases quasi-parallèles à la topographie. L'une de ces diaclases parallèles à la surface actuelle (en pente) de la colline du deuxième plan et située à environ 0,5 à 1 m de profondeur a permis le décollement de "dalles" de granite qui ont glissé sur la pente et qui se sont accumulées en bas. Une desquamation à l'origine de "squames" beaucoup plus fines s'observe sur la colline du deuxième plan, ainsi qu'au premier plan.

Les diaclases si nombreuses au sein des massifs de granite sont d'origines sans doute assez complexes et variées. Elles résultent pour partie des contraintes liées aux variations de volume du granite lors de sa cristallisation et de son refroidissement. Elles résultent sans doute aussi pour partie des contraintes postérieures qui ont eu lieu dans la chaîne de montagne après la mise en place des intrusions (qui se mettent en général au sein d'un orogène). Parfois, une direction de diaclases « quelconque » domine toutes les autres (cf granites stratifiés), mais souvent plusieurs directions se recoupent et sont bien visibles (paysages granitiques du Ladakh et chaos granitiques bretons. Mais il arrive assez souvent qu'une direction particulière de diaclases domine les autres, voire soit la seule visible : les diaclases parallèles à l'actuelle surface topographique. On peut expliquer la prédominance des diaclases parallèles à la topographie de deux manières différentes, non incompatibles.

  1. Le granite, mis en place en profondeur, est soumis à une pression lithostatique importante. Quand l'érosion l'amène près de la surface, cette pression devient anisotrope, minimale en direction de la surface ; des fractures auraient tendance à s'ouvrir perpendiculairement à la direction de pression minimale, c'est-à-dire parallèlement à la topographie locale.
  2. Il existe des diaclases dans toutes les directions. Mais les diaclases parallèles à la topographie, donc perpendiculaires à la pression minimale, ont leurs bords moins resserrés l'un vers l'autre. L'eau circule mieux dans ces diaclases particulières que dans les autres ; l'altération y est plus forte, et révèle / fragilise ces diaclases particulières, beaucoup plus que celles orientées dans une autre direction.

Ce phénomène de diaclases parallèle à la surface actuelle d'un granite ne se voit pas qu'en climat tropical, mais aussi en montagne, par exemple dans la Sierra Nevada en Californie. Cette région granitique de l'Ouest américain a été entièrement recouverte de glaciers lors de la dernière glaciation. La surface topographique actuelle a donc moins de 20 000 ans. Les diaclases parallèles à cette surface ont donc été créées, ou du moins accentuées et élargies depuis cette date, géologiquement très récente.

Les diaclases parallèles à la pente actuelle ne sont pas sans poser des problèmes d'aménagement et de sécurité. En effet, si une route est tracée à flanc de versant, les pans de granite découpés par ces diaclases et situés au-dessus de la route auront tendance à glisser et s'ébouler très facilement en direction de la chaussée.

Route taillée à flanc de montagne dans le granite trans-himalayen, Ladakh (inde)
Figure 18. Route taillée à flanc de montagne dans le granite trans-himalayen, Ladakh (inde) — ouvrir l’image en grand

Les diaclases du granite, parallèles à la surface topographique actuelle, rendent celle-ci particulièrement instable dès qu'on y trace une route. Les blocs sombres visibles à droite de l'image ne "demandent" qu'à glisser sur la route.