Image de la semaine | 27/06/2011
Les trous à glace de la cheire du Puy de Côme (Puy de Dôme)
27/06/2011
Résumé
De la glace naturelle toute l'année en moyenne montagne.
La cheire du Puy de Côme est une des plus belles coulées de lave de la Chaîne des Puys. La surface de cette coulée de lave, de type aa, est caractéristique et particulièrement spectaculaire dans ses rares parties ni boisées ni végétalisées. En plus de son coté chaotique dû à sa nature de blocs décimétriques à métriques, la surface de cette coulée est « ondulée », avec des bosses et des creux de 5 à 10 m de hauteur, bosses et creux dus à l'amoncellement irréguliers des blocs de lave.
Quand on se promène un jour sans vent, en été, à la surface de cette coulée, on tombe parfois dans un secteur très localisé où la température ne dépasse pas quelques degrés, malgré la température ambiante qui peut dépasser 25°C à cette altitude (700 à 800 m). Deux localisations sont propices pour rencontrer ces phénomènes micro-climatiques : juste au Sud-Est de Pontgibaud et au Nord de Bannières / Grand Chambois. Au Sud-Est de Pontgibaud, il suffit de suivre un chemin aménagé (le chemin, ou circuit, des cheires) et on sent parfois un vent très frais semblant sortir de nulle part. Près de Bannières / Grand Chambois, en s'aventurant dans les chaos rocheux (il n'y a pas de chemin et on peut facilement s'égarer ou se tordre une cheville dans ces chaos rocheux), on peut arriver au niveau d'un creux de 20 à 30 m de diamètre pour 5 à 10 m de profondeur et au fond duquel la température est voisine de 0°C. C'est au fond de tels creux, entre les blocs de basalte de la coulée aa qu'on peut trouver stalactites et stalagmites de glace, même en plein été.
Les photographies qui suivent, photographies d'ensemble comme de détail, ont été prises dans le secteur de Bannières / Grand Chambois, toutes en mai 2011, par une température extérieure de 25°C, avec un grand soleil.
Se pose alors le problème de l'origine de ce « froid » permanent. C'est l'objet de débats depuis plusieurs siècles, et des études quantitatives avec bilans énergétiques globaux restent à faire. Que peut-on proposer aujourd'hui ? Nous avons vu la semaine dernière comment la topographie pouvait permettre à une cavité d'avoir une température inférieure à la moyenne annuelle locale : l'air froid y descend l'hiver, et sa forte densité limite la convection et empêche sa sortie pendant l'été. Nous avons vu aussi comment l'introduction de neige dans cette cavité, et comment une intense évaporation pouvaient encore abaisser cette température interne.
Le secteur des « trous à glace » est à une altitude de 750-780m ;.la température moyenne annuelle y est d'environ 8°C, et les trous à glace ne sont pas des « grottes », tout au plus des mini-abris sous roche situé au fond d'une dépression largement ouverte. Comment expliquer ce froid ? On peut proposer trois raisons possibles.
- Ces « trous à glace » sont des points bas. L'air froid a donc naturellement tendance à y stagner. Cet air froid de l'hiver a également pu s'insinuer dans tous les interstices entre les blocs constituant la coulée. Mais ces dépressions sont largement ouvertes sur l'extérieur, et un bon vent devrait remuer cet air et contrebalancer la tendance à la stagnation de l'air froid.
- Situé entre 750 et 800 m d'altitude, de la neige tombe dans ces dépressions pendant l'hiver. Il doit même en tomber un peu plus qu'ailleurs, vu que c'est un point bas à l'abri du vent, où de la neige doit s'accumuler (congères). De la neige, sans doute, peut aussi s'insinuer entre les blocs jusqu'à quelques mètres de profondeur. Mais le fond de la dépression est ouvert sur l'extérieur, le soleil l'atteint pendant la journée, et la neige devrait fondre pendant l'été, même si une grande épaisseur s'y est accumulé l'hiver.
- Toute la partie supérieure de la coulée est faite d'un amoncellement de blocs de basalte, caractéristique des coulées aa. La coulée est donc perméable en grand. De l'eau peut s'y accumuler. De l'air peut également circuler à l'intérieur de la coulée, entre les blocs qui ne sont évidemment pas parfaitement jointifs. En circulant, l'air peut évaporer une partie de l'eau interne, ce qui est source de refroidissement. Mais jamais l'évaporation d'eau liquide ne peut abaisser la température de l'eau sous sa température de congélation.
Aucune des trois raisons évoquées ci-dessous ne semble suffisante à elle seule, mais c'est sans doute la conjonction des trois qui est à l'origine de ces curiosités naturelles. L'hiver, une grande quantité de neige s'accumule dans ces trous. Sauf en cas de grand vent, l'air froid au fond de ces dépressions stagne, ainsi probablement que dans les interstices entre les blocs situés à cette profondeur. Dans ces interstices, le vent a du mal à mélanger l'air. La neige, au fond de la dépression et dans les interstices situés à cette profondeur est longue à fondre. Sa fonte, lente, absorbe de la chaleur et maintient l'intérieur de la coulée toujours humide, et froide. Et de l'air circulant lentement à l'intérieur de la coulée entre les blocs provoque une évaporation permanente, ce qui absorbe aussi de la chaleur. Ces trois causes font que la température hivernale (environ –5°C en moyenne) remonte très peu l'été, et est « tamponnée » à 0°C, ce qui permet à de la glace d'hiver de se maintenir tout l'été. Mais les stalactites et stalagmites de glace ne sont pas faites d'accumulation de neige d'hiver. C'est de la néo-glace, qui a formé ces stalactites pendant la saison chaude. L'origine de ces stalactites doit être la suivante : pendant les chaudes journées d'été, l'humidité atmosphérique se condense naturellement au niveau des zones froides, entre les rochers au fond des dépressions. La condensation est d'autant plus abondante qu'il y a un grand écart de température entre l'atmosphère extérieure et celle au fond du « trou » (analogie avec la buée qui se condense sur les vitres froides). Cette eau de condensation s'écoule alors sur les rochers, en s'enfonçant de plus en plus profondément. Une légère pluie peut également amener de l'eau liquide à suivre le même chemin. Si ces eaux liquides atteignent la zone où la température est inférieure ou égale à 0°C, alors elle gèle et fait ces superbes stalactites et stalagmites. On peut ainsi comprendre pourquoi les stalactites de glace sont particulièrement abondantes pendant les chaudes journées d'été. Ces stalactites et stalagmites pourront être provisoirement détruit par de grosses pluies d'orage, par un fort vent chaud… mais elles pourront se reconstituer lentement dans les jours et semaines suivantes si le temps est calme… et chaud (condensation abondante) et si aucun promeneur ne vient en « prélever ».
Une discussion sur l'origine de ce phénomène est menée sur un site dédié à Saint Bonnet de Condat.